Entre fin décembre 2017 et début janvier 2018, trois maternités ont fermé leurs portes, à Oloron-Sainte-Marie, dans les Pyrénées-Atlantiques, à Die dans la Drôme et à Brive en Corrèze (regroupement avec l’hôpital public). D’autres sont menacées à Saint-Chamond, dans la Loire, à Creil, dans l’Oise, à Saint-Claude, dans le Jura, ou fermées provisoirement, à Cosne-Cours-sur-Loire dans la Nièvre… La liste, non exhaustive, illustre la lente érosion du nombre de maternités en France, qui se poursuit après une baisse massive dans les années 1980 et 1990.
Pour réaliser un état des lieux de l’accouchement en France, Les Décodeurs du Monde ont récupéré, avec l’aide de la Fédération française des réseaux de santé en périnatalité, des données sur les maternités en 2016. Au cours de cette seule année, sept établissements ont fermé, faisant passer le total de 519 à 512 établissements, dont 491 en France métropolitaine.
Des maternités plus techniques
Le paysage des maternités a beaucoup évolué durant ces quarante dernières années. En 1972, le décret Dietrich a entraîné la fermeture des structures dirigées par des sages-femmes. Un nombre de quinze lits au minimum a ensuite été imposé, puis progressivement des normes de plus en plus strictes d’encadrement ont été prises, qui ont entraîné des regroupements de maternités.
En 1998, les maternités ont été divisées en trois niveaux, selon leur degré de technicité :
- type I, avec une simple unité d’obstétrique, pour les grossesses à bas risques et les naissances normales ;
- type II, disposant en plus d’une unité de néonatalogie pour les risques modérés et les nouveau-nés nécessitant une surveillance particulière (avec une subdivision entre IIA pour les prématurés à partir de la 32e semaine et la IIB pour les soins intensifs) ;
- type III, offrant en plus de tout cela un service de réanimation néonatale, pour les grossesses à risques et les grands prématurés.
Alors que les naissances sont restées relativement stables, autour de 800 000 par an en France, le nombre de maternités a été divisé drastiquement. Et ce sont les établissements les moins techniques (type I) qui ont fait les frais de cette concentration, alors que les grandes maternités de type III accueillent de plus en plus d’accouchements à bas risque.
Les petites structures menacées
Les fermetures et regroupements se sont réalisés au détriment des maternités les plus petites : alors que 107 maternités réalisaient moins de 500 accouchements par an en 2003, elles n’étaient plus que 63 fin 2016, selon notre décompte. Durant la même période, les grandes structures, réalisant plus de 2 000 naissances annuelles, sont passées de 95 à 132 (dont 60 accueillent plus de 3 000 naissances).
Si les mobilisations sont plus importantes en milieu rural, où la question géographique est cruciale, l’Ile-de-France n’est pas épargnée par les fermetures. Durant la seule année 2016, quatre cliniques ont fermé : à Fontainebleau, Athis-Mons, Neuilly-sur-Seine et Rueil-Malmaison.
Le premier argument des autorités de santé est la qualité des soins. « Dans les maternités de petite taille, il n’y a pas forcément d’équipe d’anesthésistes ou de pédiatres sur place, et elles ne peuvent pas toujours avoir le même niveau de sécurité que les grandes », explique le Dr Catherine Crenn-Hébert, du réseau de périnatalité Ile-de-France. Vient ensuite la difficulté du recrutement. « Pour faire tourner une équipe et assurer des gardes, il faut un volume minimum d’accouchements. Certaines structures tournent avec des remplaçants qui travaillent parfois dans plusieurs maternités. »
Le Dr Jacques Chameaud, obstétricien à la clinique des Emailleurs à Limoges – « la seule maternité privée pour cinq départements du centre de la France » – s’alarme du manque de praticiens désireux de travailler dans les petites cliniques : « Ici, deux accoucheurs sont partis, on ne trouve pas de remplaçants, même en cherchant des obstétriciens étrangers. C’est un métier difficile et dangereux, on se lève la nuit pour faire des césariennes en moins de quinze minutes et à la moindre erreur, on est chez le procureur. »
Les cliniques privées en difficulté
Davantage encore que les petites structures, le mouvement de fermeture a surtout touché le privé – c’est le cas de six des sept établissements fermés en 2016. En quarante ans, la part des accouchements réalisés dans les cliniques privées ou mutualistes n’a cessé de se réduire, passant de la moitié des naissances en 1975 à moins d’un quart en 2016.
« Trente départements n’ont pas de maternité privée, il n’y a plus de libre choix pour les patientes, déplore Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée, qui souligne les difficultés économiques. Les tarifs de la Sécurité sociale ne couvrent pas les coûts des soins. Dans une clinique pluridisciplinaire, on peut équilibrer les comptes avec d’autres spécialités. Sinon, il faut fermer. »
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