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Question salaire : et si on parlait cash ?

En France, dès qu'on parle rémunération, cela devient tabou. Pourtant, quelques entreprises imaginent des solutions pour plus de transparence. Résultat ? Ça marche !

Dans les tendances RH à suivre pour 2018, le Top Employers Institute fait état d’un besoin grandissant en matière de salaire. Les sociétés doivent faire preuve de transparence sur la manière dont elles rémunèrent leurs collaborateurs et collaboratrices.

Concrètement, cela se traduit par deux axes :

  • La mise en consultation publique au sein même de l’entreprise du salaire de chaque personne, avec une explication plus ou moins détaillée.
  • La possibilité des équipes de négocier régulièrement – voire d’établir directement – le montant de son salaire.
Difficile à imaginer quand, dans la majorité des entreprises de l’Hexagone, les poils se dressent à la moindre mention de la rémunération. Sous couvert de discrétion, le tabou de l’argent permet aussi de maintenir l’ordre établi, comme le rappellent les sociologues Monique et Michel Pinçon-Charlot : si on n’en parle pas, pas de débats ! Or en entreprise, c’est la source de nombreuses frustrations, notamment pour celles et ceux qui n’ont pas l’impression que leur travail et leur engagement soient reconnus à leur juste valeur. Pour le Top Employers Institute, jouir d’une meilleure visibilité en termes de revenus mais également instaurer des mécanismes permettant d'expliquer les rémunérations de chacun « instaure un climat de confiance ».

Pour y parvenir, plusieurs solutions existent.

Focus sur trois entreprises qui n’hésitent pas à parier sur la transparence des salaires.

Chez Lucca, au bout de 3 ans d'ancienneté, le collaborateur fixe son salaire

Le principe : demander ce que l’on pense valoir sur le marché.

Question organisation, chacun.e annonce son salaire et le soumet pour validation en réunion. Le patron n’a pas le dernier mot : tous les collègues peuvent s’exprimer sur le sujet, intervenir et remettre en question les prétentions salariales de ses pairs. « Au début, c’était compliqué pour les équipes de formuler des critiques objectives » , confie Gilles Satgé, Président de l’entreprise. C’est pourquoi chaque personne est désormais notée tout au long de l’année selon des critères de performance. « Une note correspond à un certain pourcentage d’augmentation annuelle. Si le salarié est d’accord avec ce pourcentage, il lui est accordé. S’il estime valoir plus, il peut défendre son point de vue ».

Et là, pas question de faire dans le sentiment. Vous avez besoin d’une plus grosse augmentation pour acheter une maison ? Ce n’est pas le sujet. Vous n’osez pas prendre la parole pour demander plus ? Tant pis pour vous. « C’est la règle du jeu. J’estime que je travaille avec des adultes, pas des gamins ». Pourtant, les études prouvent qu’il est parfois compliqué de demander une augmentation – notamment quand on est une femme. « Je ne vais pas aller leur prendre la main…. Mais le cas ne s’est jamais produit : quelqu’un qui aurait tendance à se dévaloriser serait pris à parti ».

En parallèle, tous les salaires sont rendus publics au sein d’une application. « Ça peut surprendre ceux qui viennent d’ailleurs, mais ils le savent dès l’entretien d’embauche ». À l’issue du processus de recrutement, une question : « Combien vaux-tu ? » . L’intérêt pour Gilles Satgé, c’est d’avoir des équipes qui gagnent ce qu’elles estiment juste. Dans un secteur ultra-concurrentiel – l’entreprise édite des logiciels pour les RH -, « il suffit aux employés de claquer des doigts pour retrouver du travail s’ils s’estiment sous-payés. J’ai donc un intérêt objectif à les rémunérer à leur valeur de marché ». Pour autant, il estime que la pratique n’est pas un moyen de fidéliser.

Et ça fonctionne ?

« Depuis 15 ans, je n’ai remis le système en question qu’une seule fois. C’était plus une question de personnes que d’efficacité : pour que la méthode marche, il faut faire confiance aux gens ».

Prospheres : la tambouille interne du club des 5

En 18 ans, Michel Rességuier a dirigé 140 sociétés. « Pas directement, mais mon métier, c’est de remettre sur pieds les entreprises en difficulté ». Autant dire que question gestion des salarié.e.s, il en connaît un rayon…

S’il intervient directement sur le sujet de la rémunération au sein des entreprises qu’il accompagne, le dispositif qu’il a établi en interne il y a 18 ans déjà est aussi intéressant : parmi son équipe de 20 personnes, la responsabilité des bonus incombe à un groupe de 5. Son système, qu’il définit comme « solidaire et entrepreneurial » fonctionne sur la base d’un salaire identique pour toute la boîte. « Toute nouvelle recrue accepte de baisser son salaire – de 20 à 50% en général ». Une fois que ce qu’il définit comme un « seuil de solidarité » (92 000€ bruts annuels par personne) est distribué, la contribution aux résultats de l’entreprise sur 3 ans cumulés est examinée pour chacun.e. « C’est un cumul, pas une moyenne. Celui qui n’est là que depuis un an est forcément désavantagé ». Car par la suite, les bénéfices sont distribués en fonction de cette contribution.

« 5 collaborateurs sont désignés, avec un renouvellement d’une ou deux personnes par an, pour attribuer les bonus – en faisant, éventuellement, leur tambouille interne » . C’est-à-dire que quelqu’un qui aura surperformé pourra voir son bonus amoindri au bénéfice de ses collègues, par exemple. En théorie, le boss n’est donc pas forcément le mieux payé. Dans les faits, si. « Pour le moment j’ai toujours eu les meilleurs résultats, mais ça peut tout à fait changer ! »

À l’origine, tout le monde participait à ses séances – les bonus étaient donc connus de tous. « Nous étions encore petits. À partir de 7 employés, c’est devenu compliqué ; il y a eu des histoires de jalousie ». Pas forcément à cause de l’argent, mais de l’image renvoyée : deux collaborateurs entrés la même année ne touchant pas la même prime au bout de 3 ans, c’est forcément le signe que l’un a été meilleur que l’autre. Et ça fait tâche. « Une compétition malsaine s’installait. C’est pour ça que j’ai confié le bien commun à un petit groupe. En revanche, chacun peut s’il le souhaite aller à la compta et demander combien gagne son voisin : c’est disponible à la demande ! » Pour autant, ce n’est pas fréquent : « l’important est de comprendre sa propre valeur, pas de se comparer à celle des autres. Mais personne ne s’est jamais opposé au fait que son salaire soit consultable : nous n’avons rien à cacher, c’est normal d’avoir cette transparence-là ».

Visiblement, le concept séduit. « Quand les gens arrivent chez nous, ils restent jusqu’à la fin de leur carrière », selon le PDG.

Buffer : des rémunérations logiques comme une équation mathématique

Outre-Atlantique, parler money est beaucoup mieux accepté. L’entreprise Buffer va un cran plus loin, et a choisi de publier les salaires de ses équipes sur le Web ! Hailley Griffis, PR Manager chez Buffer, admet que la démarche a tendance à fasciner. « Pourtant, c’est uniquement lié à notre culture de la transparence ». Pour elle, il s’agit d’une déclinaison logique d’une stratégie bien ficelée – dont les rouages, encore une fois, sont accessibles en ligne. Pour les équipes, aucun tabou : les salaires sont calculés selon une formule mathématique qui prend en compte le type d’emploi, la séniorité, l’expérience, le lieu de vie…  « La transparence est source de confiance », elle est aussi visiblement efficace : en place depuis 2013, le système a vocation à être vivant. « Nous voulons ajouter la notion de progression à la formule : dans le cadre de notre croissance, c’est devenu un élément important ! »

On ne lésine pas sur l’emphase, et les équipes ajoutent sur le site que ce système ouvert à tous les curieux est « incroyablement libérateur ». Vous avez des idées ? N’hésitez pas à les leur soumettre : c’est aussi ça, une culture open…

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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commentaires

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  1. Avatar Vinzy dit :

    Arrêtons avec cette écriture inclusive qui nuit à la lecture. C'est incroyable cette prise en otage par des journalistes militants.

  2. Avatar Guigui dit :

    Svp l'ADN, stop à l'écriture inclusive.
    On aime & on respecte les femmes, naturellement, inutile de nous imposer une lecture si désagréable

  3. Avatar Daule dit :

    Arrêtez de vous soumettre à l'idéologie de l'écriture "inclusive" ? Essayez déjà d'écrire correctement le français...

  4. Avatar Badeth dit :

    "Visiblement, le concept séduit. « Quand les gens arrivent chez nous, ils restent jusqu’à la fin de leur carrière », selon le PDG."

    Je trouve assez comique de lire que "les gens restent jusqu'à la fin de leur carrière" dans une société qui n'a même pas 10 années d'existence...

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