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Santé

Pénurie de 95 % des médicaments au Venezuela

Au Venezuela, la crise se mue en urgence sanitaire avec 95% de médicaments touchés par la pénurie, conduisant 200 malades chroniques à manifester à Caracas jeudi 8 février 2018.

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Crise sanitaire et pénurie de médicaments au Venezuela

"Nous sommes les patients, nous voulons des médicaments", est-il écrit sur le panneau brandi par ce manifestant.

FEDERICO PARRA / AFP

"On ne veut pas mourir !" : jeudi 8 février 20, quelque 200 personnes transplantées, hémophiles - une maladie empêchant le sang de coaguler - ou atteintes de cancer ont manifesté à Caracas, exigeant un meilleur accès à leur traitement. Le Venezuela, pays aux plus grandes réserves pétrolières de la planète, est confronté à une pénurie généralisée, des aliments aux médicaments en passant par les matières premières ou les pièces détachées. Elle atteint désormais 95% des médicaments, selon la Fédération des pharmaciens, des chiffres qui rappellent ceux d'août 2016, lorsque 80% des médicaments manquaient à l'appel dans les hôpitaux du pays.

L'ANGOISSE DES GREFFES. A l'image de Larry Zambrano, greffé de 45 ans, environ 3.500 greffés partagent cette même angoisse de mourir : voilà un an et demi qu'ils ont le plus grand mal à trouver leurs médicaments. Pour Larry, la greffe du rein donné par sa sœur a été une renaissance. A présent, il craint pour sa vie, faute de médicaments anti-rejet, un drame qui touche des milliers de Vénézuéliens greffés et a déjà fait plusieurs morts. "Je devrais prendre 16 cachets par jour, mais je n'en prends que huit pour faire durer plus longtemps", raconte-t-il à l'AFP.

Trop pauvres pour importer leurs médicaments de l'étranger

Pour acheter son traitement à l'étranger, il faudrait 700 dollars par mois environ. Une somme "hors de portée pour la plupart" des Vénézuéliens, souligne Larry. Avec une hyperinflation attendue à 13.000% par le Fonds monétaire international cette année, le revenu minimum au Venezuela, de 798.510 bolivars (trois dollars au marché noir, le taux de référence), ne permet d'acheter qu'un kilo de viande et une trentaine d'oeufs. "Tout Vénézuélien qui n'a pas les moyens est condamné à mourir", tranche le docteur José Manuel Olivares, également député d'opposition.

"On estime qu'en 2016 plus de 50% de la population vivaient dans une pauvreté extrême, un chiffre qui a sans aucun doute augmenté si l'on considère que l'inflation a atteint plus de 2.400% en 2017", ont souligné les experts des Nations Unies dans un communiqué du 9 février 2018. "À la fin de l'année dernière, une famille avait besoin de gagner 63 salaires minimums pour acquérir le panier familial de base", a déclaré Hilal Elver, Rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation pour les Nations Unies. "Les restrictions financières n'exonèrent pas les Etats de leurs obligations fondamentales. En fait, les mesures d'austérité nécessaires ne devraient pas affecter le contenu minimum des droits économiques, sociaux et culturels", a déclaré un autre expert des Nations Unies, Dainius Pūras, rapporteur spécial sur le droit à la santé.

300.000 malades chroniques concernées par la pénurie, la liste des morts s'allonge

"Des milliers de personnes au Venezuela souffrent de la faim, n'ont pas accès aux médicaments essentiels et essaient de survivre dans une spirale qui semble sans fin", alertent les Nations Unies. L'ONG Coalition des Organisations pour le droit à la Santé et à la vie (Codevida) a dénoncé un "manque total et prolongé" de médicaments essentiels pour soigner des maladies comme les insuffisances rénales, le cancer ou la sclérose en plaques. La pénurie touche également les antibiotiques ou les médicaments pour la tension artérielle.

Plus de 300.000 personnes devant suivre un traitement au long cours sont directement concernées par cette pénurie, selon Francisco Valencia, de l'ONG Codevida. "Nous avons besoin d'une réponse immédiate, on n'en peut plus. On est en train de nous condamner à mort", dénonce Francisco Valencia. Greffé du rein, directeur de l'ONG Codevida, il assure que la situation est en train d'empirer. Dix patients transplantés sont morts ces derniers jours "faute d'immunosuppresseur", utilisé contre le rejet d'organe transplanté, selon M. Valencia. En outre, au moins cinq autres personnes, qui n'ont pas pu être dialysées, sont décédées, selon les proches et les ONG.

12,3 millions d'euros débloqués, refus de l'aide humanitaire et plan de médecine traditionnelle

En novembre 2017, des malades et leurs familles avaient manifesté devant les ambassades du Canada, du Costa Rica, des Pays-Bas et du Pérou, pour demander à ces pays de faire pression sur Caracas afin de mettre en place un "couloir humanitaire" et de permettre l'entrée de médicaments dans le pays. Au mois d'octobre 2017, le gouvernement de Maduro avait relancé un plan de distribution gratuite de médicaments à travers une hotline. Pour bénéficier de ce système, il faut posséder la "Carte de la Patrie", une carte électronique qui permet d'accéder à des programmes d'aides sociales que l'opposition considère comme un "instrument de contrôle social". Plusieurs ONG ont proposé au gouvernement une coopération internationale, comme celle de l'Organisation panaméricaine de la santé, ou la mise en place d'un couloir humanitaire pour faire entrer des médicaments dans le pays, sans succès.

Le 30 janvier 2018, le président socialiste Nicolas Maduro a cependant débloqué 12,3 millions d'euros pour importer des médicaments, du matériel destiné aux banques de sang et aux machines à dialyse. Vendredi 19 janvier 2018, il avait également présenté un "plan de médecine traditionnelle" destiné à encourager les Vénézuéliens à se soigner avec des plantes et des produits naturels pour faire face à la pénurie de médicaments. "Je suis en train de me soigner d'une terrible grippe qui m'a mis sur les genoux en début d'année grâce à la camomille, de l'aloe vera, du citron et un peu de miel. C'est une recette traditionnelle de ma famille (...). La médecine scientifique et la médecine traditionnelle doivent aller de pair", a ajouté le président.

IMPOSSIBLE D'EVALUER L'AMPLEUR DE LA CRISE. Le gouvernement nie l'existence d'une "crise humanitaire", et dénonce les sanctions financières imposées par les Etats-Unis comme ayant nuit aux manœuvres pour importer des vivres et des médicaments. Le groupe d'experts des Nations Unies estime que "le manque d'informations officielles actualisées sur l'alimentation, la santé et les coupures de courant rend impossible l'évaluation de l'ampleur de la crise et la mesure dans laquelle le gouvernement protège et garantit ses obligations au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels".

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