Quand les chansons d'Henri Salvador étaient censurées !

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Quand les chansons d'Henri Salvador étaient censurées !

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Henri Salvador
Henri Salvador
© Getty

Son rire et sa voix de crooner nous ont quittés il y a tout juste dix ans. L'occasion d'évoquer Henri Salvador au travers de quelques chansons qui ont un point commun : elles ont toutes été interdites de diffusion sur notre antenne. La discothèque de Radio France a retrouvé quelques pièces rares.

Trop osées, contestataires, inadaptées au contexte ambiant qu'il soit politique ou économique, les chansons ont très souvent fait l’objet de censure. 

Georges Brassens est le recordman toutes catégories en la matière. On peut citer, entre autre, La mauvaise réputation. On ne touche pas impunément au 14 juillet. Ou Le Gorille, interdite pour... pornographie. Nous étions en 1952. Dans le même ordre d'idée, 14 ans plus tard, c'est Michel Polnareff qui en fait les frais pour son beaucoup trop suggestif L'amour avec toi. La chanson ne sera diffusée que dix ans plus tard. 

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La religion est également un sujet sensible. En 1975, Hexagone de Renaud est interdite sur les ondes de France Inter pendant la durée de la visite du Pape Paul VI. 

Plus près de nous Chirac en prison des Wampas, en 2006. La diffusion n'est pas interdite, mais la publicité pour l'album du groupe, si.

Plusieurs titres d' Henri Salvador ont donc été interdits sur France Inter :

La vie grise

Ce titre est issu d’un 78-tours paru en décembre 1950. Le texte de la chanson est signé du (déjà !) subversif Boris Vian. Il sera l’auteur d’une longue série de chansons censurées (Les joyeux Bouchers, Je bois, Le petit commerce, Java mondaine et surtout Le déserteur !).  

La vie grise d'Henri Salvador

2 min

La musique est composée par Jacques Diéval, un pianiste de jazz fameux des années 50, surnommé par ses confrères le « Debussy du jazz » qui accompagne Henri Salvador depuis l’année précédente. 

Le 45 tours "La Vie Grise"
Le 45 tours "La Vie Grise"
© Radio France

Java mondaine

La plume sulfureuse de Boris Vian a encore frappé. Sa chanson Java mondaine  (également reprise la même année par Jacqueline François), est extraite d’un 45-tours paru en juin 1958 qui comportait trois autres chansons de Boris Vian (Le gars de Rochechouart, Le tube, Le gosse) composées par Henri Salvador. 

La java mondaine

2 min

Rien pourtant dans les paroles de la chanson ne laissait entrevoir un quelconque danger pour de frêles oreilles sinon peut-être l’utilisation d’un argot qui convenait mal à l’époque (« sur le cul ») ou tout simplement l’histoire de ce charmant couple parti « s’encanailler » au bal du quatorze juillet au métro Jasmin ? 

La guerre en dentelles

La chanson parue en octobre 1958 est une jolie ballade ouvertement… antimilitariste ! Même si le texte de Bernard Michel n’est pas aussi provocateur et militant que celui du Déserteur de Boris Vian (sorti quatre ans auparavant), La guerre en dentelles paraît dans un contexte insurrectionnel au moment de la création d'un premier comité de salut public à Alger par le général Jacques Massu à la suite d'un coup d'État (le putsch d'Alger), quelques jours avant la prise de pouvoir du général de Gaulle. 

Il n’en faut pas plus aux censeurs de l’ORTF pour tenter (pensaient-ils !) d’éviter d’attiser les passions en interdisant de diffusion de cette ritournelle qui se voulait avant tout pacifique

La guerre en dentelle

2 min

« S'il fallait faire la guerre en dentelles / Et cerner l'armée des jouvencelles / 

Au printemps / S'il fallait marcher, marcher sans trêve / Sans mousquet et le sourire aux lèvres /
En chantant / Ça ferait dans mon quartier / Et dans le monde entier / Un bel embouteillage /
S'il fallait faire la guerre en dentelles / On verrait partir à tire-d'aile / Les gars de vingt ans » 

Le super 45 tours sur lequel figure Bouli Bouli ou l'on peut voir la mention INTERDIT
Le super 45 tours sur lequel figure Bouli Bouli ou l'on peut voir la mention INTERDIT
© Radio France

Bouli bouli (Wooly bully)

Cette chanson parue en octobre 1965 est adaptée du tube américain Wooly bully par le groupe Sam The Sham & The Pharaohs, nom de scène du chanteur Domingo Samudio, également auteur de la chanson. 

Dans sa version originale, Wooly bully connut la censure dès sa naissance. La chanson devait s'appeler à l'origine Hully gully (« Le caniveau de Hully »). Mais, informé par sa maison de disques qu'il ne pourrait pas utiliser cette expression, Domingo a dû changer le titre en Wooly Bully

Dans sa version adaptée en français par Bernard Michel (avec qui Henri Salvador connaîtra plus de 45 ans de complicité, d'amitié et de créations), la chanson Bouli bouli, se verra interdite de diffusion par l’ORTF pour des raisons liées à la politique dite de la « Françafrique »

Bouli Bouli d'Henri Salvador

2 min

« Le voilà ! C'est notre président ! / Le revoilà en Afrique noire / Tu viens de Paris, hein / Ah on est content de te revoir, mon vieux ! / C'est la fête / Quand je pense qu'avant de partir tu venais manger / À la maison, mon vieux / Et maintenant c'est notre président »...

Les intérêts politiques en cette fin de colonisation à outrance et la volonté du pouvoir gaullien de ne pas menacer la précieuse manne africaine (l’uranium et autres métaux précieux), préférant une dictature stable à une vraie démocratie libre, ont fait passer à la trappe radio-télévisuelle cette chanson burlesque. 

Aller + loin

Merci à nos documentalistes musicaux, Romain Couturier et Stéphanie Leroy. 

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