Policiers et salariés devant la Cour nationale du droit d'asile (CNDA, où un demandeur d'asile a tenté de s'immoler par le feu, le 3 octobre 2014 à Montreuil

La Cour nationale du droit d'asile en grève, qui dépend du Conseil d'Etat, juge les recours formés par les demandeurs d'asile déboutés à l'Ofpra (photo d'illustration).

afp.com/Stéphane de Sakutin

En 2017, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) a rendu 47 814 décisions, avec un délai moyen de cinq mois et six jours. Cette instance, qui dépend du Conseil d'Etat et compte 434 membres, juge les recours formés par les demandeurs d'asile déboutés à l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides).

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Pour protester contre une "logique comptable de l'asile qui fait primer le raccourcissement des délais de jugement sur la qualité de l'instruction des demandes et des décisions rendues", ses membres ont décidé de se lancer dans une grève reconductible à partir de mardi.

Un projet de loi décrié

Dans un communiqué, les trois organisations syndicales de la CNDA, l'Unsa, FO et CGT, annoncent que cette grève est directement liée au projet de loi sur le droit d'asile et l'immigration, qu'ils jugent "inique" et qui sera présenté le 21 février en Conseil des ministres.

Le texte, qui fait des vagues jusque dans la majorité, prévoit une augmentation de la durée maximale de la rétention administrative, de 45 à 90 jours, avec prolongation à 135 jours si l'étranger fait obstacle à son éloignement.

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Les organisations syndicales déplorent que ce texte, censé se positionner "pour une immigration maîtrisée et un droit d'asile effectif", "poursuit et renforce une logique productiviste" et "porte durement atteinte tant aux droits des demandeurs d'asile qu'aux conditions de travail des 434 agents de la CNDA".

"Un tiers des demandeurs d'asile n'ont pas eu la possibilité d'être entendus"

Les syndicats de la Cour appellent aussi à une "déprécarisation" des agents contractuels et "une diminution de la charge de travail". Ils dressent un constat amer: "La proportion de dossiers traités par ordonnances, c'est-à-dire rejetés sans audience, a quasiment doublé en 3 ans, passant de 17% en 2014 à près de 30% en 2017. Cette année, c'est donc près d'un tiers des demandeurs d'asile, dont les dossiers auraient nécessité une instruction plus approfondie, qui n'ont pas eu la possibilité d'être entendus en audience à la cour."

En parallèle, un certain nombre d'avocats qui, à travers l'association Elena, interviennent auprès de cette cour, ont lancé un autre mouvement de protestation, en boycottant les audiences. Ils veulent dénoncer ce projet de loi "qui n'a pour objectif que de réduire les droits des réfugiés et, notamment, leurs droits à une défense digne".

"Chacun sait que la diminution du délai pour déposer sa demande, la réduction du délai pour exercer son droit à recours, l'absence de caractère suspensif de la plupart des recours, la multiplication des décisions rendues par ordonnance et le recours à la visio-conférence sont autant d'atteintes aux droits des justiciables les plus vulnérables et aux droits de la défense", estiment les avocats. Selon Sylvain Saligari, avocat membre de l'Elena, "la grève devrait être suivie à 100%".

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