Publicité

Angela Merkel chahutée dans son propre camp

La pression monte sur la chancelière au sein même de la CDU. Une partie de la base, mais aussi certains cadres, lui reproche d’avoir fait trop de concessions au SPD pour conserver le pouvoir

Sous pression, 
              Angela Merkel
               s’est adressée dimanche aux Allemands, dans le cadre d’une rare interview de 15 minutes à la chaîne de télévision publique ZDF.  — © FLORIAN GAERTNER/Getty Images
Sous pression,  Angela Merkel  s’est adressée dimanche aux Allemands, dans le cadre d’une rare interview de 15 minutes à la chaîne de télévision publique ZDF.  — © FLORIAN GAERTNER/Getty Images

La question n’est plus taboue. Au sein de la CDU (centre droit), une partie de la base, mais aussi de nombreux cadres évoquent ouvertement la succession d’Angela Merkel, accusée d’écarter les jeunes du pouvoir et d’avoir fait trop de concessions au SPD (centre gauche) pour conserver son poste.

Lire notre éditorial:   Coups de boutoir en Allemagne

Sous pression, l’intéressée s’est adressée dimanche aux Allemands, dans le cadre d’une rare interview de 15 minutes à la chaîne de télévision publique ZDF. La prestation se voulait une réponse aux critiques des derniers jours. En quelques phrases, Angela Merkel, 63 ans, a écarté toute idée de quitter le pouvoir avant la fin de son mandat: «Je me suis engagée auprès de la population pour quatre ans, et je fais partie de ceux qui tiennent leurs promesses.»

Une mise en scène étudiée

La jeune garde du parti était visée en premier lieu par l’avertissement. Son chef de file, Jens Spahn, 37 ans, un homme aux ambitions assumées, est secrétaire d’Etat au Ministère des finances. Il s’est illustré dans le passé par ses critiques contre la politique d’asile de la chancelière. Dimanche, il s’est confié à la presse autrichienne, en une mise en scène bien étudiée, après s’être affiché à l’Opéra de Vienne aux côtés de Sebastian Kurz, le chef des conservateurs autrichiens âgé de 31 ans.

Interrogé par le quotidien du dimanche Presse am Sonntag sur le fait de savoir si la CDU était préparée pour l’après-Merkel, Jens Spahn avait exigé la constitution d’une nouvelle équipe «dotée de fortes têtes», à même de «développer un profil affirmé» en vue des prochaines élections. Et de dresser la liste de tous ceux qui piaffent d’impatience dans les rangs du parti, citant le ministre-président du Land de Saxe (Michael Kretschmer, 42 ans), les chefs du parti en Thuringe (Mike Mohring, 46 ans) et en Rhénanie-Palatinat (Julia Klöckner, 45 ans) ou encore le chef des Jeunes de la CDU-CSU, Paul Ziemiak, 32 ans. Tous sont connus pour leurs désaccords avec la ligne centriste défendue et incarnée par Angela Merkel.

Qui prendra le relais?

Dans le débat de ces derniers jours, c’est le «système Merkel» qui est mis en cause. La chancelière, à la tête de la CDU depuis 2000, avait éliminé les uns après les autres ses rivaux internes avant de prendre le pouvoir en 2005. Depuis, aucune figure d’envergure n’a pu se profiler dans son ombre. L’un de ces anciens rivaux malheureux, Roland Koch (ministre-président de Hesse entre 1999 et 2010, il avait tourné le dos à la politique après avoir perdu tout espoir d’y faire carrière), est lui aussi monté au créneau dimanche pour demander à son ancienne cheffe de «dire aux électeurs quelle génération prendra le relais».

Pour tenter d’éteindre l’incendie, la chancelière a promis de présenter «une nouvelle équipe» incarnant tous les courants avant le congrès du 26 février, au cours duquel la CDU doit approuver l’accord de coalition conclu avec le SPD. Mais sa marge de manœuvre est étroite, et la promesse a peu de chances de rassurer ses troupes. Au sein du prochain gouvernement, les chrétiens-démocrates ne détiendront, selon l’accord de coalition, que cinq ministères, en plus de la Chancellerie. Deux postes ayant déjà été promis à deux des fidèles de Merkel – Peter Altmaier, 59 ans, occupera l’Economie; Ursula von der Leyen, 59 ans également, conservera la Défense –, il ne restera que trois portefeuilles et une poignée de postes de secrétaire d’Etat à distribuer à une éventuelle relève. La marge de manœuvre est d’autant plus limitée que la CDU a accepté – «à contrecœur», assure la chancelière – de céder le prestigieux Ministère des finances aux sociaux-démocrates.

Une certaine frustration

La perte des Finances est une seconde source de frustration pour les militants. «Cela passe très mal à la base du parti», assure Paul Ziemiak, le dirigeant du bloc des Jeunes CDU-CSU, lui aussi frondeur. Au-delà de la perte de prestige (le SPD détiendra également les Affaires étrangères et la Justice), la perte du maroquin des Finances est présentée par les sceptiques au sein du parti comme une erreur stratégique, dont les pays peu vertueux du sud de l’Europe pourraient s’emparer pour tenter d’imposer une mutualisation de la dette au sein de la zone euro.

Là encore, Angela Merkel a cherché à rassurer ses troupes. Qualifiant de «douloureuse mais acceptable» la cession du Ministère des finances au maire de Hambourg Olaf Scholz, elle a rappelé que la politique fiscale était l’affaire du gouvernement, et non d’un parti. Un ministre «ne fait pas ce qu’il veut et doit appliquer le programme convenu» entre conservateurs et sociaux-démocrates, a-t-elle insisté.

Les plus sceptiques se souviendront que l’actuel ministre de l’Agriculture a récemment voté pour la prolongation de l’autorisation de l’herbicide glyphosate à Bruxelles, malgré les consignes données par le gouvernement… Un des fidèles d’Angela Merkel, le commissaire européen Günther Oettinger, rappelle pour sa part que lors de la première Grande Coalition avec les sociaux-démocrates, entre 2005 et 2009, un social-démocrate aux Finances, Peer Steinbrück, avait fait «du très bon travail». Steinbrück avait manœuvré le pays lors des crises de l’euro. En Suisse, il est plus connu pour avoir voulu «lancer la cavalerie» contre la Confédération pour la contraindre à renoncer au secret bancaire.