Pour avoir organisé l'assassinat du candidat à l'élection présidentielle François Fillon, Robert Bourgi devrait bientôt rendre des comptes devant ses pairs, les avocats du barreau de Paris. L'Ordre a décidé mardi 13 février de lancer une procédure disciplinaire contre cet homme de réseaux controversé, qui porte aujourd'hui la robe comme naguère les valises - il s'en était lui-même vanté dans une rocambolesque interview au JDD, en septembre 2011, assurant avoir "participé à plusieurs remises de mallettes à Jacques Chirac, en personne, à la mairie de Paris". A la suite de quoi, l'avocat avait été condamné en octobre 2012 à une interdiction d'exercer de 2 ans dont 6 mois ferme, avant d'être réintégré au barreau à l'issue de sa peine.

Publicité

En cause cette fois-ci, ses propos tonitruants tenus autant dans le documentaire sur François Fillon diffusé le 29 janvier 2018 sur BFMTV que dans celui de France 5, le 4 février. Racontant sa version de la fameuse affaire des costumes, qui acheva de mettre à terre un Fillon déjà affaibli par les révélations du Canard Enchaîné, maître Bourgi, filmé dans le cadre de son cabinet parisien rue Pierre Ier de Serbie, y racontait avec gourmandise avoir "niqué" celui qui avait osé les trahir, lui et Nicolas Sarkozy. Qualifié "d'artiste de la volte-face et de la trahison" par l'hebdomadaire Jeune Afrique, l'ancien collaborateur de Jacques Foccart narrait avec moult détails le coup bas qu'il dit avoir ourdi dès le succès du candidat de la droite à la primaire, offrant au candidat deux costumes Arnys pour un montant de quelque 13 000 euros, réglés par chèque, afin de laisser la trace du paiement. Une version des faits qui a pu évoluer avec le temps...

Un récit filmé dans son cabinet d'avocat

Plutôt qu'un incroyable moment de télévision, le barreau de Paris y a vu un procédé particulièrement indélicat. Après en avoir étudié le verbatim, la bâtonnière de Paris Marie-Aimée Peyron a décidé de se saisir de l'affaire et d'ouvrir un nouveau dossier disciplinaire à l'encontre de Robert Bourgi. Le fait de s'être fait filmer dans son cabinet serait notamment l'indice, pour l'Ordre, que l'intéressé se prévalait de sa qualité d'avocat à la cour - une profession que Robert Bourgi exerce depuis la date de sa prestation de serment, en mai 1993.

Certes, les faits ne se sont pas déroulés dans le cadre strict de la relation entre un avocat et son client, mais le barreau a estimé que ses déclarations télévisuelles seraient néanmoins susceptibles d'être sanctionnées. Qualifiant les propos de l'avocat de "violemment hostiles et insultants", le barreau considère qu'ils constituent des "manquements aux principes essentiels de la profession d'avocat" que seraient, selon son règlement intérieur, la loyauté, la modération, la délicatesse et la dignité, à partir du moment où les paroles litigieuses ont été exprimées à la télé. Le conseil de l'Ordre a été informé ce mardi lors de sa réunion hebdomadaire.

Techniquement, le dossier Bourgi sera instruit par un rapporteur désigné par la bâtonnière. Théoriquement, l'avocat le plus connu de la Françafrique risque un avertissement, un blâme, une interdiction temporaire d'exercer, qui ne peut excéder trois ans, voire la radiation du barreau.

Confiant il y a quelques jours avoir reçu après la diffusion des documentaires des félicitations en provenance "même de la Sarthe", sous-entendu du fief de François Fillon, Robert Bourgi reconnaissait avoir été également destinataire de "tombereaux d'injures". En début de semaine, l'avocat n'était pas joignable à son bureau parisien.

Publicité