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Un néonazi vise le Congrès américain

La candidature d’Arthur Jones, ouvertement antisémite et raciste, pour représenter l’Illinois à la Chambre des représentants s’inscrit dans le contexte de l’émergence d’une ultra-droite décomplexée. Le Parti républicain n’a pas su lui faire barrage

Arthur Jones est un négationniste décomplexé — © AP
Arthur Jones est un négationniste décomplexé — © AP

Qui pourra l’arrêter? Arthur Jones est un négationniste décomplexé, adepte de la ségrégation raciale et fervent défenseur de la suprématie blanche. Ex-leader de l'American Nazi Party, il décrit l’Holocauste comme le «plus grand mensonge de l’histoire». Il dirige aujourd’hui un nouveau groupe, l'America First Committee, ouvert à tout «Américain blanc aux origines européennes non juives». Cet homme compte faire son entrée en novembre au Congrès américain. Et il croit avoir des chances d’y arriver.

«Vous êtes un nazi!»

Une voie royale s’offre pour l’instant à lui, du moins pour un petit tour de piste: seul candidat républicain en lice pour représenter l’Illinois à la Chambre des représentants, il n’a aucun opposant pour la primaire républicaine du 20 mars pour sa circonscription, qui comprend une partie de Chicago et de sa banlieue. Cela même alors que son parti s’en distancie et le condamne très clairement. «Le Parti républicain de l’Illinois et notre pays n’ont pas de place pour un nazi comme Arthur Jones», a fait savoir son président, Tim Schneider. Sur son site de campagne, l’ex-employé d’une compagnie d’assurances de 70 ans affiche ses convictions sans états d’âme. Il a même une section intitulée «Holocauste?». Il est aussi ouvertement anti-homosexuels, les gays cherchant à ses yeux à «déraciner» l’Amérique.

Arthur Jones aime vociférer sa haine lors de meetings. Il aboie, il invective. Le 8 février, il a donné un bel exemple de son agressivité lors d’une interview sur CNN, pendant laquelle il a asséné que «les juifs contrôlent le pays, le Congrès, l’économie et les médias». Il refuse aujourd’hui de se qualifier lui-même de nazi, préférant revendiquer le titre de «patriote américain». «Alors laissez-moi vous rappeler quelques détails, pour que nos téléspectateurs puissent juger par eux-mêmes, l’interrompt tout de go la journaliste Alisyn Camerota. Vous fréquentez des groupes antisémites depuis les années 1970, vous vous rendez à des réunions de néonazis – nous avons des images –, vous appartenez au National Socialist White People’s Party, vous vous habillez en officier nazi, et vous célébrez l’anniversaire de Hitler: vous êtes un nazi!»

Provocation? Candidature opportuniste dans le seul but de propager des thèses complotistes, antisémites et racistes? Cela y ressemble fort. Arthur Jones s’est déjà présenté à plusieurs élections locales dans sa région depuis les années 1970, sans jamais avoir gagné. Cette fois, il n’a pas d’adversaire républicain. Mais sa circonscription a depuis 1975 toujours voté démocrate. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’aucun autre républicain ne se présente.

«Un paisible nettoyage ethnique»

Depuis l’élection de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, la rhétorique de l’extrême droite américaine s’est décomplexée. La candidature d’Arthur Jones, embarrassante pour le Parti républicain, auquel il ne s’identifie d’ailleurs pas, s’inscrit dans ce contexte. L'«alt-right», cette droite identitaire revendiquant la supériorité de la race blanche, est notamment incarnée par Richard B. Spencer, qui prône un «paisible nettoyage ethnique». Elle avait aussi son représentant officiel à la Maison-Blanche, avec le très controversé Stephen Bannon, qui a été limogé pour passer du statut d’éminence grise à celui de paria de Donald Trump.

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En août dernier, la timide et surtout tardive condamnation des suprémacistes blancs par Donald Trump après les heurts de Charlottesville – qui s’étaient soldés par la mort d’une manifestante antiraciste – avait déclenché une vive polémique. David Duke, un ancien dirigeant du Ku Klux Klan, avait immédiatement fait de la récupération politique. Il avait d’ailleurs félicité Donald Trump lors de son élection.

Arthur Jones ne cache pas, lors d’interviews, vouloir «travailler» avec le KKK. Mais lui se dit déçu par Donald Trump, «parce qu’il a nommé trop de juifs dans son cabinet». Il montre notamment du doigt son gendre, Jared Kushner. Ce même Jared Kushner qui pendant la campagne présidentielle a volé au secours de Donald Trump, accusé d’antisémitisme. «Mon beau-père n’est pas antisémite. C’est aussi simple que ça. Donald Trump n’est pas antisémite et il n’est pas raciste. Mon beau-père est une personne incroyablement aimante et tolérante, qui a accueilli à bras ouverts ma famille et notre judaïsme depuis que j’ai commencé à fréquenter ma femme», a-t-il écrit, dans une opinion publiée dans le New York Observer, en rappelant qu’un de ses grands-oncles a été fusillé par les nazis.

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La Coalition républicaine juive a fermement condamné la candidature d’Arthur Jones. Elle vient également de se dresser contre un élu républicain, Matt Gaetz, qui a invité au Congrès un personnage controversé lors du discours sur l’état de l’Union de Donald Trump. Chuck Johnson est un négationniste, dénonce l’organisation. «Ce n’est pas un négationniste, ni un antisémite, mais un provocateur», a rétorqué l’élu, sur la défensive. Visiblement mal à l’aise, il a toutefois admis qu’il aurait dû mieux vérifier son profil avant de l’inviter.