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Les lettres d’amour ont plus qu’une valeur sentimentale

Sur le marché des autographes, les prix des correspondances varient selon le prestige de l’auteur et l’intensité amoureuse.

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Publié le 10 février 2018 à 09h00, modifié le 14 février 2018 à 07h26

Temps de Lecture 3 min.

Carnet de Victor Hugo autographe destiné à Juliette Drouet du 8 mars (1834) au 4 juin (1834) vendu 217 500 euros.

Il n’y a pas que dans les librairies que la correspondance amoureuse – comme en ­témoigne le récent succès d’édition de Gallimard avec les échanges entre Albert Camus et Maria Casarès publiée, rencontre du succès. La lettre d’amour est aussi plébiscitée sur le marché des autographes. Ainsi, en décembre 2017, l’enchère a atteint la somme de 280 000 euros pour une lettre enflammée de Napoléon à Joséphine, lors de la première vente du fonds de manuscrits et autographes d’Aristophil à Drouot et qui a pourtant démarré très timidement.

On revient de loin. Voilà vingt-trois ans, la collectionneuse suisse Anne-Marie Springer peinait à convaincre de l’importance de ces correspondances privées. « Ce n’était pas un sujet recherché, raconte-t-elle. On trouvait ça banal, peu intéressant par rapport à un document officiel. Mais pour moi, c’était un joli moyen de transmettre l’idée d’une certaine époque à ma fille. Aujourd’hui, on n’écrit plus ce genre de textes, on fonctionne par SMS ou mail. »

Aujourd’hui, elle a collecté quelque 2 000 lettres permettant de toucher de près à l’intimité des grands noms de l’Histoire et des lettres. « C’est très intéressant sur le plan sociologique et psychologique, poursuit-elle. Par exemple, en lisant les lettres d’Edith Piaf à ses différents amants, on découvre qu’elle était amoureuse de l’amour plus que d’un homme en particulier, qu’elle avait foi en Dieu et en l’humanité. »

Des héritiers réticents à dévoiler des secrets

Aujourd’hui encore, il n’est pas facile de trouver des lettres d’amour. « Parfois elles ont été brûlées, ou les héritiers ne veulent pas dévoiler les secrets autour de l’amour », remarque Anne Heilbronn, spécialiste chez Sotheby’s. En conflit avec la fille de Simone de Beauvoir, le cinéaste Claude Lanzmann a vendu les lettres de son amante à l’université Yale, aux Etats-Unis, par l’intermédiaire de Christie’s.

« Une belle lettre d’un personnage secondaire n’aura pas grand intérêt », Frédéric Castaing

Les prix varient beaucoup selon le prestige de l’auteur et l’intensité amoureuse. « Une belle lettre d’un personnage secondaire n’aura pas grand intérêt », résume le marchand parisien Frédéric Castaing. Les lettres de Victor Hugo sont un classique du genre. « Victor Hugo a vécu pas loin de cent ans, il a eu une femme, une maîtresse officielle, Juliette Drouet, et d’autres encore. Ses lettres sont moins rares que celles de poètes qui ont eu une vie moins longue », observe Adrien Legendre, spécialiste chez Christie’s.

Pour le prix, tout dépend si la lettre comporte juste un passage amoureux, ou si c’est le sujet de la missive. Selon la nature du contenu, une lettre de Victor Hugo à Juliette Drouet vaudrait entre 3 000 et 4 000 euros. Inversement, un courrier de la muse au poète se négocie entre 800 et 1 200 euros.

Dans des cas exceptionnels, les prix explosent. Anne Marie Springer a acheté en octobre 2017 un carnet amoureux d’Hugo pour 217 500 euros chez Sotheby’s. « C’est un témoin du début de leur relation, entre mars et juin 1834, lorsqu’il écrivait presque au jour le jour en présence de Juliette Drouet pour qu’elle lise les lettres avant de s’endormir », explique Anne Heilbronn.

Trois lettres autographes de Guillaume Apollinaire

Les courriers du poète Guillaume Apollinaire à Louise de Coligny-Châtillon, alias Lou, sont aussi fréquents sur le marché. Sotheby’s propose le 25 avril trois lettres autographes estimées chacune entre 15 000 et 20 000 euros. Sur l’une d’elles on peut lire : « Je voudrais mourir un jour pour que tu m’aimes (…) Je voudrais te fesser pour que tu m’aimes (…) Je voudrais te faire mal pour que tu m’aimes (…) Je voudrais que tu sois mon cheval pour te chevaucher longtemps (…) Je voudrais que tu sois un obus boche pour me tuer d’un soudain amour. »

Les missives amoureuses de Marcel Proust sont bien plus rares. En mai 2016, Sotheby’s proposait une de ses lettres de reproches à son amant le compositeur Reynaldo Hahn. L’auteur de la Recherche y laissait éclater son dépit : « Je crois seulement que de même que je vous aime beaucoup moins, vous ne m’aimez plus du tout. » Ce témoignage inédit s’est vendu 45 000 euros. Malgré l’incertitude causée par le scandale du fonds Aristophil sur le marché des autographes, la lettre d’amour originale a de beaux jours devant elle.

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