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Jean-Michel Blanquer, le macronisme avec mention

Fac, bac, le chantierdossier
Cet ancien haut-fonctionnaire, qui a su mettre la droite dans sa poche et mener ses réformes au pas de charge, se révèle plus politique qu’il ne veut bien le dire.
par Alain Auffray
publié le 14 février 2018 à 20h56

Jean-Michel Blanquer ou la quintessence du macronisme. Voici un ministre dont personne ne se risque à contester la compétence et la légitimité ; un réformateur qui progresse au pas de charge tout en assurant, de sa voix douce et timide, que son action n'est dictée que par le simple «bon sens» ; un responsable politique qui s'emploie à dépolitiser des arbitrages qui ne seraient, affirme-t-il, ni de droite ni de gauche.

Véritable coqueluche des élus LREM, Blanquer est aussi très apprécié dans les rangs de LR, où sa défense des langues mortes, de la dictée quotidienne et de l’uniforme a été très appréciée… au moins autant que le bannissement des portables et de l’écriture inclusive. La gauche de gouvernement, elle, se montre plus que discrète : la contestation n’a jamais été beaucoup plus loin que la moue réprobatrice de Najat Vallaud-Belkacem, immortalisée en direct par une caméra de télévision, alors qu’elle découvrait, le 17 mai 2017, le nom de son successeur à l’Education nationale.

Qu'elles viennent de LR ou du PS, les velléités d'opposition à Blanquer sont fortement contrariées par un bilan calamiteux dont ceux qui ont gouverné peuvent difficilement s'exonérer : «La communauté éducative est tétanisée par les études internationales qui attestent toutes de la dégringolade de notre système éducatif», constatait en décembre le sociologue François Dubet, interrogé par Libération sur l'étrange facilité avec laquelle semblent s'imposer des réformes réputées explosives, à commencer par celle du bac, qui avait mis des centaines de lycéens dans la rue en 2004, obligeant Jacques Chirac à la retirer précipitamment.

«Valeurs actuelles»

Pièce maîtresse de la macronie, Jean-Michel Blanquer l'est aussi, à l'évidence, aux yeux des médias. Ce jeudi soir, alors que l'hebdomadaire le Point le célèbre à sa une en lui collant le titre de «Vice-Président» et que Valeurs actuelles encense «La nouvelle star», le ministre sera l'invité de l'Emission politique sur France 2. Après Edouard Philippe, il est le premier membre du gouvernement à avoir ce privilège. Les trois dernières éditions de ce marathon télévisuel avaient été réservées aux chefs de l'opposition : Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Laurent Wauquiez. La logique aurait voulu que l'invité incarnant la majorité soit plutôt choisi parmi les ministres réputés «politiques», c'est-à-dire capables de répondre sur tous les sujets, hors de leur champ de compétence, comme Christophe Castaner, Benjamin Griveaux ou encore Bruno Le Maire.

Signe des temps, c'est un expert issu de la société civile qui leur a été préféré. C'est que Blanquer ne se contente pas de réformer «le mammouth». Il peut aussi prendre des initiatives hautement politiques, comme ce dépôt de plainte après que le syndicat SUD a utilisé dans un document public l'expression «racisme d'Etat». «Tout ce que fait Jean-Michel Blanquer est calé avec le chef de l'Etat», assure Bruno Roger-Petit, le porte-parole de l'Elysée. «Il a su devenir politique. C'est un excellent communicant, incollable sur ses sujets. Blanquer, c'est une évidence», renchérit Matignon.

L’homme de la société civile se serait-il métamorphosé en politique ? Son entourage proteste qu’il n’en est rien. Certes, Blanquer a fini par devenir membre de LREM, quelques mois après sa nomination. C’était la première adhésion à un parti politique pour ce haut fonctionnaire de 53 ans, plusieurs fois recteur avant d’accéder en 2009 au poste de directeur de l’enseignement scolaire, le grade le plus élevé au ministère de l’Education nationale.

Mais si un «homme politique» se définit par son goût pour les batailles électorales et les fonctions ministérielles, Blanquer n'en est pas un. Sa seule ambition, assurent ses proches, c'est de rester à l'Education nationale «tout le temps nécessaire pour mener à bien ses réformes». Il n'aurait aucun autre objectif. Cette mission achevée, «il se fera un plaisir de redevenir professeur», affirme son entourage.

Combien de temps lui faut-il pour lancer les réformes que commande selon lui «le bon sens» ? On se garde bien, rue de Grenelle, de répondre à cette question. Mais on laisse deviner que Blanquer ne serait pas fâché de tenir au moins cinq ans, alors que le dernier quinquennat a usé, à lui seul, pas moins de trois ministres différents. Tenir jusqu'en 2022 ? Ce serait établir un record historique, jamais atteint depuis la création du ministère de l'Instruction publique, il y a près de deux siècles.

Eloges

Tout en insistant sur le fait que Blanquer bénéficie de circonstances historiques particulièrement favorables, ses prédécesseurs rue de Grenelle ne sont pas avares d'éloges. Jack Lang salue un «homme de qualité» qui a fort heureusement restauré ce qu'avait supprimé Najat Vallaud-Belkacem. Luc Chatel reconnaît volontiers que Blanquer est nettement mieux préparé que lui pour faire le job. Xavier Darcos, qui le recevait la semaine dernière à l'Institut de France pour parler de la réforme du bac, se dit «heureux de la réussite de cet ami très proche». Quant à Luc Ferry, proche de Laurent Wauquiez, il reconnaît sans barguigner que Blanquer est «clairement le principal atout de Macron pour siphonner la droite». Ce qui fait beaucoup, tout de même, pour celui qui se défend d'être un homme politique.

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