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Le vrai risque pour la SNCF, c'est l'absence de réforme

LE CERCLE/POINT DE VUE - Déficits chroniques, infrastructures vieillissantes, conflits sociaux… Sans réforme, l'entreprise ferroviaire publique française court à la catastrophe.

Un train de banlieue en gare des Saules, à Orly (Val-de-Marne).
Un train de banlieue en gare des Saules, à Orly (Val-de-Marne). (Patrick Lévêque/Sipa)

Par Pascal Perri (économiste et géographe, chroniqueur aux « Echos »)

Publié le 16 févr. 2018 à 12:10Mis à jour le 17 févr. 2018 à 07:48

La SNCF n'est pas menacée de privatisation ou de faillite comme on l'entend souvent. Elle est menacée d'attrition, c'est-à-dire de rétrécissement. Le rapport Spinetta, remis ce jeudi au Premier ministre Edouard Philippe, prend appui sur la situation actuelle du système ferroviaire pour proposer des pistes de sortie par le haut.

La situation du rail français est en effet en demi-teinte. La SNCF a réalisé de vrais progrès commerciaux et tarifaires, le succès de la grande vitesse est incontestable, des innovations remarquables comme l'offre best cost Ouigo ont vu le jour, enfin, l'amélioration des gares apporte du confort aux voyageurs. Mais le rail français souffre aussi de surendettement (49,9 milliards d'euros) et de sous investissements en dépit des efforts conséquents du plan 2016-2026 pour plus de 40 milliards.

Enfin, la SNCF peine à répondre à la demande du transport de proximité. En France, ce transport, souvent du domicile au travail, représente près de 80 % du trafic. C'est là, chaque matin et chaque soir que le transporteur est attendu et moins sur les records de grande vitesse. Or dans l'avenir, les trains de proximité devront répondre à une demande croissante. Les politiques publiques appellent à des moyens de transport plus vertueux, la demande de développement durable est réelle, mais l'immense majorité des déplacements se fait encore en voiture si on inclut les déplacements dans des régions où l'offre de transports collectifs est faible, voire inexistante.

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Injonctions paradoxales

Un grand plan de rénovation des voies et des systèmes est en cours notamment en Ile-de-France où circulent la grande majorité des trains. Les usagers doivent savoir que le retard ne se comble pas du jour au lendemain surtout quand il s'agit d'infrastructures matérielles, consommatrice d'investissements lourds. La direction de l'entreprise a averti que le service ne pourrait pas être parfaitement assuré partout et en tout temps dans les cinq années qui viennent. Il faut continuer d'assurer les opérations de transport tout en rénovant les voies.

Les équipes de maintenance travaillent de minuit à 4 heures du matin. Le rattrapage du rattrapage prendra du temps. La faute à qui ? Il est un peu tard pour faire des procès, mais l'Etat s'est souvent comporté comme un actionnaire aux injonctions paradoxales. Il a fait du TGV un symbole de réussite technologique, il attend des dividendes mais empêche SON entreprise de rénover les statuts sociaux quand il ne lui interdit pas purement et simplement de renégocier ses conventions comme ce fut le cas au printemps 2016 pour « sauver la loi travail » !

On pourrait ajouter au chapitre des incohérences que la puissance publique n'hésite pas à solliciter la SNCF pour acheter des trains dont elle n'a pas immédiatement besoin au motif qu'il faut sauver Alstom de la faillite. La liste des griefs est longue dans un contexte de pression tarifaire radicale. A titre d'exemple, l'usager francilien est massivement subventionné. Il ne paye que le tiers du coût complet de son voyage quotidien.

Storytelling syndical

Cette situation crée des obligations particulières aux dirigeants et aux salariés de l'entreprise. Les cheminots sont passionnément attachés à leur entreprise et l'opinion apprécie leur rôle collectif dans les succès incontestables du ferroviaire français, mais vivre directement ou indirectement de l'argent public impose des devoirs. Les syndicats les plus radicaux de l'entreprise voudraient faire de la SNCF un symbole social. Ils évoquent un risque de privatisation, eux qui ont par le passé privatisé les conflits sociaux et défendu plus souvent les statuts que les individus.

La bataille mettra aux prises des forces syndicales attachées à la préservation égoïste d'un statut d'insider et les usagers des transports.

La bataille mettra aux prises des forces syndicales attachées à la préservation égoïste d'un statut d'« insider » et les usagers des transports. Nous allons entendre parler de « la défense du service public »« des risques de privatisation », on nous expliquera que les trains anglais privatisés sont les plus chers d'Europe. Raison de plus pour changer avant qu'il ne soit trop tard !

Dans le storytelling syndical, l'effondrement du système ferroviaire sera présenté comme une perspective probable voire certaine. Le vrai risque est à l'inverse. Le vrai risque, c'est d'abord l'absence de réforme qui condamnerait le train français à des déficits d'exploitation chronique, à la façon d'une longue maladie économique, à une dette insupportable et à terme à la fin d'un modèle qui doit désormais se réinventer pour se réenchanter.

Pascal Perri est économiste

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