« Made in France » : un plan pour protéger les entreprises françaises stratégiques

Pour préserver le « made in France », Edouard Philippe va étendre le nombre des secteurs qui seront protégés en cas d’OPA étrangère sur une entreprise française.

 Edouard Philippe en visite chez L’Oréal doit annoncer de nouvelles mesures pour protéger les fleurons français des investisseurs étrangers
Edouard Philippe en visite chez L’Oréal doit annoncer de nouvelles mesures pour protéger les fleurons français des investisseurs étrangers AFP.

    Comment attirer de nouvelles sociétés ou des investissements étrangers tout en préservant certaines entreprises considérées comme stratégiques pour l'économie française ? C'est la difficile équation qu'Edouard Philippe va tenter de résoudre. Lors d'une visite du géant des cosmétiques L'Oréal, à Lassigny (Oise), ce vendredi après-midi, le Premier ministre devrait dévoiler plusieurs mesures pour protéger davantage le capital des entreprises que l'Etat ne veut pas voir passer sous pavillon étranger.

    Depuis un décret de 2005 dans le cadre de la « défense de l'ordre public et de la sécurité nationale », les entreprises du secteur de la défense ou de l'armement font déjà l'objet d'une forme de sanctuarisation. En 2014, après le rachat de la branche énergie d'Alstom par General Electric, Arnaud Montebourg, ministre de l'Economie défenseur du « made in France », y avait ajouté les secteurs de l'eau, la santé, l'énergie, les transports et les télécommunications.

    Sanctuariser de nouveaux secteurs

    Edouard Philippe devrait étendre à nouveau cette protection. Elle pourrait concerner le stockage de données numériques, l'intelligence artificielle, les nanotechnologies (semi-conducteurs…) ou encore l'exploration spatiale.

    Pour dissuader les investisseurs de s'aventurer dans les secteurs protégés, un arsenal de sanctions devrait être annoncé : aux deux mesures existantes - annulation pure et simple d'une vente ou pénalité égale à une ou deux fois le montant de l'opération - viendrait s'ajouter la suspension des droits de vote dans les assemblées générales des entreprises pour les investisseurs étrangers.

    L'Etat pourrait aussi entrer en force dans le capital d'une entreprise pour bloquer une opération ou empêcher un investisseur de s'emparer de la majorité du capital.

    Selon Les Echos, l'exécutif veut aussi renforcer la possibilité pour l'Etat de prendre des « petits tickets » dans des entreprises, par exemple une participation de 5 % permettant de bloquer un retrait de cote dans le cadre d'une OPA. Ces prises de participation seraient financées par un endettement de la banque publique BPI France.

    Des amendes pourraient aussi être dressées aux entreprises étrangères qui n'auraient pas respecté leurs engagements lors de l'entrée dans le capital d'une entreprise française.

    L'ensemble de ces nouvelles dispositions devraient être incluses dans le futur projet de loi Pacte, dont la présentation en Conseil des ministres est prévue le 18 avril.

    Trouver l'équilibre

    Pour Edouard Philippe, il n'y a rien d'incompatible à manier ainsi le bâton et la carotte vis-à-vis des investisseurs étrangers. Si des investisseurs étrangers sont déjà au capital de fleurons français comme Michelin ou Total, il s'agit d'éviter de les voir basculer totalement dans les mains étrangères. De telles opérations seraient désastreuses sur le plan de la symbolique et d'éventuels transferts de technologie. Surtout quand les appétits sont aiguisés chez les Chinois ou les Américains, qui vont profiter d'un apport de liquidités après la réforme fiscale de Donald Trump.

    D'ailleurs, qu'Edouard Philippe ait choisi de visiter L'Oréal n'est pas neutre. Sur le papier, il est difficile de faire valoir qu'une marque de cosmétiques est stratégique pour la France. Mais la mort en septembre de Liliane Bettencourt, la propriétaire de L'Oréal, ouvre théoriquement la porte, dans un mois, à une OPA sur cette entreprise « qui le vaut bien ». Matignon a déjà assuré que l'Etat serait « très attentif » à l'avenir du groupe. En d'autres termes, l'Etat serait prêt à monter au créneau pour s'opposer à une OPA.

    Reste que ces mesures de protection sur certains secteurs risquent de bloquer des entreprises de pointe qui, pour développer leur savoir-faire, doivent investir beaucoup en recherches et développement. Et, pour lever rapidement des fonds, ces pépites françaises doivent souvent faire appel à des investisseurs étrangers.