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Laurent Wauquiez a-t-il raison de dire qu'Alain Juppé a "cramé la caisse" à Bordeaux?

Dans ses propos enregistrés à son insu et diffusés lundi sur TMC, Laurent Wauquiez a raillé la mauvaise gestion financière de la ville de Bordeaux par Alain Juppé. Qu'en est-il vraiment?

Gaël Vaillant , Mis à jour le
Laurent Wauquiez et Alain Juppé lorsqu'ils étaient dans le même gouvernement sous Sarkozy.
Laurent Wauquiez et Alain Juppé lorsqu'ils étaient dans le même gouvernement sous Sarkozy. © Sipa

"Bullshit" ou non? Dans ses propos enregistrés à son insu et diffusés lundi par Quotidien, Laurent Wauquiez s'est lâché sur Alain Juppé . Selon lui, le maire de Bordeaux a "cramé la caisse" dans sa ville. "A Bordeaux, il a fait des miracles - Bordeaux est géniale, c'est très bien géré - mais il a fait exploser les impôts, il a fait exploser la dépense publique et il a fait exploser l'endettement", a attaqué le président des Républicains lors d'un cours "apolitique" devant les étudiants de l'école de commerce EM de Lyon, vendredi dernier. Et Laurent Wauquiez de lâcher : "Moi, ma conviction, c'est que quand vous faites ça, vous n'avez à l'arrivée plus aucune forme de crédit." "Alain Juppé n'a pas prévu de réagir pour l'instant", indique au JDD son entourage, mais "ces attaques sans fondement ne resteront pas sans réponse", assure un proche de l'édile girondin.

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En attendant une réponse officielle, les propos de Laurent Wauquiez interrogent. L'opposition socialiste locale, par la voix de Matthieu Rouveyre, le dénonce depuis longtemps :

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Oui, Alain Juppé a "fait exploser l'endettement" selon la Chambre régionale des comptes

Pour se forger une opinion, le président des Républicains s'est sans doute appuyé sur le dernier rapport de la Chambre régionale des comptes de Nouvelle-Aquitaine. A en croire cette étude publiée en janvier, la ville de Bordeaux, confrontée à une situation financière tendue du fait de l'importance de ses investissements, aurait enjolivé ses écritures comptables, soit pour atténuer la montée de son endettement, soit pour masquer des déficits apparus au terme des exercices 2010-2015. Sur cette période, la construction du stade Matmut-Atlantique, de la Cité municipale et de la Cité du vin ont plombé les comptes municipaux et l'endettement s'est élevé, durant ces années, à 654 millions d'euros. Dans le détail, la dette annuelle de la ville était de 185 millions d'euros sur la seule année 2010. Elle a atteint 377 millions d'euros pour la seule année 2015. Elle se serait stabilisée à 343 millions d'euros en 2016, au vu des prévisions calculées par l'instance régionale.

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Des chiffres directement contestés par Alain Juppé. Dans une lettre rendue publique le 24 janvier dernier, l'édile se défend et précise de façon technique que "la pratique de la Ville de Bordeaux, comme celle d'une majorité de communes consistant à annuler les crédits de paiement non engagés et non mandatés en fin d'exercice pour les rouvrir sur un exercice ultérieur dans le cadre du vote du budget, est conforme à la réglementation". Il ajoute que, "sur la période, ces lissages de crédits ont représenté en moyenne 6 millions d'euros par an, soit à peine 8% du montant des crédits reportés". Quant à l'année à venir, Nicolas Florian, l'adjoint d'Alain Juppé chargé des finances, a annoncé dans Sud-Ouest le 16 février dernier que 25 millions de dette seront remboursés en 2018 et qu'à la fin de l'année, sa ville sera au seuil de 4 ans de "capacité de désendettement" (autrement dit, l'épargne brute cumulée par la ville en 4 ans peut permettre le remboursement de la dette totale).

Oui, "la dépense publique" augmente, mais elle n'"explose" pas

Sur la dépense publique en revanche, Nicolas Florian reconnaît bien une augmentation générale due à la baisse des aides de l'Etat. "C'est vrai que pendant des années, les communes ont dépensé plus, et tous les ans", a-t-il généralisé dans Sud-Ouest avant d'indiquer que Bordeaux va contenir la hausse de ses dépenses à +1,17% en 2018, conformément au souhait de l'exécutif. Emmanuel Macron a en effet demandé aux communes de plus de 100.000 habitants et aux métropoles de rester sous la barre de +1,2%. A ce niveau-là, on est loin de l'"explosion" présentée par Laurent Wauquiez. Mais l'augmentation est bien là.

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Oui, Alain Juppé a "fait exploser les impôts", mais seulement en 2015

Concernant les impôts, Laurent Wauquiez avait peut-être en mémoire les débats qui ont animé le conseil municipal de Bordeaux en 2015. En avril de cette année-là, les élus de la ville ont voté une hausse de 5% des taux d'imposition locaux. Ainsi, le taux de taxe d'habitation s'est alors établi à 24,13%, ceux des taxes foncières à 29,51% (foncier bâti) et 90,92% (foncier non bâti). Alain Juppé présentait alors cette décision de sa majorité comme une fatalité compte tenu de la baisse des ressources apportées aux communes par l'État. Mais par ce choix, contraint selon lui, l'édile a fait de sa localité l'une des villes les plus fiscalisées de France.

"Les 5 points d'augmentation de 2015 étaient intervenues après une séquence de 2009 à 2014 sans hausse", a indiqué le 16 février l'adjoint aux Finances Nicolas Florian, avant de préciser qu'il n'y aurait aucune hausse d'impôts en 2018. A l'époque, Alain Juppé rappelait surtout la baisse de la dotation aux collectivités territoriales validée par François Hollande. Pour Bordeaux, la décision de l'exécutif socialiste entraînait alors une chute des recettes communales de 13 millions d'euros pour l'exercice fiscal de 2015. Au même moment, la réforme des rythmes scolaires impliquait un surcoût annuel de 2,5 millions d'euros pour le budget de la ville.

Une hausse d'impôts qui aurait pu être limitée selon l'opposition, laquelle pointait les millions d'euros investis dans le nouveau stade ou la Cité du vin, ou encore la possibilité - écartée par Alain Juppé donc - d'augmenter le stationnement ou la taxe de séjour. "Il est vrai que l'endettement de la ville et les impôts ont explosé, assure aujourd'hui l'élu d'opposition Matthieu Rouveyre. L'expression 'Alain Juppé a cramé la caisse' est factuellement exacte."

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