Média indépendant à but non lucratif, en accès libre, sans pub, financé par les dons de ses lecteurs

Déchets nucléaires

Le gouvernement a évacué les antinucléaires du bois Lejuc, près de Bure. Témoignages, infos et analyses

Les gendarmes ont investi ce jeudi 22 février à l’aube le bois Lejuc puis la Maison de résistance de Bure (Meuse), où vivent les opposants au projet de poubelle nucléaire Cigéo.

Retrouvez directement :


LECIT HEURE PAR HEURE

  • 18 h 38 — Des rassemblements de soutien se sont formés un peu partout en France. Florilège.
  • 18 h 10 — Le Réseau Sortir du nucléaire, copropriétaire de la Maison de résistance avec l’association Bure zone libre, a annoncé ce jeudi en fin d’après-midi avoir porté plainte pour « violation de domicile ». Les gendarmes « ont procédé à une perquisition des lieux, tout cela sans l’assentiment des habitants de la maison, sans décision du juge des libertés et de la détention et hors la présence des habitants, de représentants de ceux-ci ou de témoins », dénonce-t-il dans un communiqué.
  • 18 h — Début des rassemblements de soutien aux opposants à Cigéo expulsés ce jour, devant les préfectures, un peu partout en France. Sauf à Lille, où le rassemblement a été interdit, selon Stéphanie Bocquet, d’Europe Écologie Les Verts.
  • 17 h 47« France nature environnement condamne l’utilisation de toute forme de violence et en appelle à une gouvernance enfin renouvelée, pour un projet qui engage non seulement un territoire, une nation entière mais également les générations futures », a déclaré l’association dans un communiqué.
  • 16 h 40 — L’Agence nationale de gestion des déchets radioactifs (Andra) annonce dans un communiqué que « les autorités ont sécurisé le bois Lejuc dont l’Andra est propriétaire et qui était illégalement occupé par des opposants depuis plusieurs mois ». « Cette opération va permettre à l’Andra de réaccéder au bois Lejuc pour le remettre en état », se réjouit l’agence.
    Un communiqué moqué par les opposants au projet : « On veut “nettoyer”, “remettre en état”, c’est juste pour y mettre un héritage radioactif empoisonné pour des milliers d’années pour nos enfants ! Quand l’@Andra_France méprise le monde », a réagi Yannick Rousselet, de Greenpeace sur Twitter.
  • 16 h 28« Les gendarmes ont quitté la Maison de résistance à Bure en emportant avec eux les dernières personnes conduites en vérification d’identité. Sept personnes en garde à vue à cette heure », indiquent les opposants au projet sur Twitter
  • 15 h 50 — Le lapsus du ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb :
  • 15 h 46 — Le secrétaire d’État Sébastien Lecornu donne une conférence de presse à Bar-le-Duc, préfecture de la Meuse. L’intégralité de sa déclaration est ici.
  • 15 h 30 — Témoignage de « Sylvain » : « Je suis sorti de la Maison de résistance. On a subi une expulsion assez violente. Ils sont entrés à coups de bélier, et ont cassé toutes les portes, ont tout saccagé. Les gens, une quarantaine, se sont réfugiés en haut, assis en se tenant les coudes accrochés les uns aux autres. Plusieurs ont été frappés, étranglés, molestés, les gendarmes nous ont tous tirés. Ça a été d’une violence assez rude, ce qu’on a vécu. Je ne vois pas comment on peut ensuite parler de dialogue avec la société civile. »
  • 15 h 15 — À l’Assemblée nationale, la députée Mathilde Panot (France insoumise) interroge le ministre de la Transition écologique, Nicolas Hulot, en rappelant qu’il s’était déclaré contre Cigéo : « S’il vous reste un brin de cohérence, pourquoi ne quittez-vous pas ce gouvernement où vous servez de caution à cette violence contre des citoyens qui défendent l’intérêt général ? ». Réponse de M. Hulot, qui affirme que rien n’a été acté à Bure : « Il faut distinguer les oppositions citoyennes, celles qui sont dans un cadre légal, et celles qui sont dans un cadre non légal. Il y a là une question d’ordre public. » - Lien vers la vidéo : Assemblée nationale, à 15.15
  • 14 h 15 — Selon notre journaliste présente sur place, les gendarmes poursuivent l’évacuation, un par un, des habitants de la Maison de la résistance, à Bure. Ils emmènent ensuite ceux dont ils ne connaissent pas l’identité, laissant libres les autres. Il resterait une bonne dizaine d’habitants à l’intérieur de la maison.
À Bure, devant la Maison de la résistance, un peu après 14 h.
  • 13 h 30 — La députée Caroline Fiat (France insoumise, Meurthe-et-Moselle), rencontrée à Bure par notre journaliste, a demandé aux gendarmes s’ils avaient un mandat pour pénétrer dans la Maison de la résistance. Elle n’a pas eu de réponse. L’accès à la Maison de la résistance lui a également été refusé.
  • 12 h 45 — Une trentaine de personnes sont barricadées dans les dortoirs de la Maison de la résistance. Des contrôles d’identité sont en cours dans la maison, au rez-de-chaussée. Des dizaines de gendarmes y ont pénétré. On compte cinq personnes en garde à vue. L’avocat Me Delalande a demandé à ce qu’elles soient regroupées dans la même gendarmerie (ce serait celle de Ligny-en-Barrois), pour qu’elles puissent voir leur avocat, dans le cadre du respect des droits de la défense. Les gendarmes les dispersent dans différents sites en Meuse.
  • 12 h 30 — Trois personnes sont en garde à vue à la suite des opérations de police à #Bure , un certain nombre de personnes au #BoisLejuc dont on est sans nouvelle.
  • 12 h 21 — Des opposant.e.s sont interpellé.e.s un.e à un.e dans la Maison de résistance à Bure et exfiltré.e.s par le jardin.
  • 11 h 56 — Nouveau témoignage en provenance de l’intérieur de la Maison de la résistance. « Les gens se tiennent en cercle et s’agrippent les uns aux autres, les gendarmes essaient de les exfiltrer un par un, on sait pas si c’est pour un contrôle d’identité ou autre chose. Les gens chantent et résistent. Ça peut durer un moment. »
    Par ailleurs, appel à rassemblement de soutien à 16 h à Mandres-en-Barrois à l’occasion de la venue de Sébastien Lecornu et à 18 h à Bar-le-Duc. Dans le reste de la France, rassemblements un peu partout à 18 h.
  • 11 h 48 — Les gendarmes menacent d’envahir l’étage de la Maison de la résistance
  • 11 h 30 — Les gendarmes ont défoncé les portes de la Maison de la résistance et perquisitionné au motif qu’ils auraient constaté une violence volontaire caractérisée en flagrance « mais, en fait, c’est juste mettre un coup de filet sur tout le monde », indique un opposant à Reporterre. Les occupants de la maison sont regroupés et retranchés sur la mezzanine et les gendarmes menacent de les attaquer.
  • 11 h 15 - Finalement, les gendarmes ne sont pas entrés dans la maison, mais... à l’instant... « Ils défoncent les portes »
  • 10 h 41 — Dans la Maison de la Résistance : « Nous sommes soixante dans la maison. Les gendarmes sont en train d’entrer. Ils sont en tenue anti-émeutes. » La communication s’interrompt.
  • 10 h 36 — Gérard Collomb, le ministre de l’Intérieur, s’est exprimé, notamment sur BFM : « Nous ne voulons plus en France qu’il y ait des lieux de non-droit, où nous pouvons nous installer en dehors de toute règle. Sur ce lieu [le bois Lejuc], une ordonnance avait été prise par le tribunal d’instance de Bar-le-Duc, qui avait permis d’utiliser la force pour expulser ceux qui étaient présents indûment. Donc, nous avons fait exécuter ce matin cette mesure, 500 gendarmes étaient présents. Je crois que les choses se passent bien et que tout se fait dans l’ordre et l’application de la loi. Il n’y a pas de difficulté fondamentale. On me dit que une personne a été arrêtée parce qu’elle avait lancé un cocktail Molotov sur les gendarmes, que quatre ont eu leur identité contrôlée mais les choses se passent plutôt calmement. »
  • 10 h 23 — Juliette Geoffroy, porte-parole du Cedra (Collectif contre l’enfouissement de déchets radioactifs), indique à Reporterre par téléphone : « La zone est complètement bouclée, que ce soit pour les journalistes ou les soutiens potentiels. Il y a 500 gendarmes pour 15 occupants du bois. Évidemment, en agissant en février, le gouvernement savait qu’il y aurait moins de monde.
    Côté associatif, on veut rappeler que les expulsions ont lieu alors que la visite de Sébastien Lecornu
    [Secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique] a lieu aujourd’hui et demain. On avait rendez-vous avec Sébastien Lecornu demain matin. Mais une rencontre d’une heure dans un bureau de la préfecture, avec quelques représentants associatifs triés sur le volet, ce n’est pas ça, la concertation ! Il n’y a pas de bons et mauvais opposants, il y a un collectif d’opposants et il faut parler avec tout le monde. Cette concertation est un vrai mensonge, on est choqués et surpris. Par cette action, ils essayent de nous diviser mais nous restons un mouvement uni et déterminé dans ce combat commun.
    On a bien vu depuis des semaines que le gouvernement agitait le spectre de l’arrivée de
    “zadistes violents” à Bure, mais c’était pour légitimer l’usage de la force. L’exécutif se place du côté de l’État de droit, mais il intervient alors que l’Andra [Agence nationale de gestion des déchets radioactifs] a défriché illégalement un bois dont le titre de propriété est toujours contesté. »
  • 10 h 08 — Témoignage de Jean-Marc Fleury, président de la Coordination nationale des élus opposés à l’enfouissement des déchets radioactifs (Eodra) : « Hier, la préfecture nous a appelés pour nous proposer de rencontrer le ministre Sébastien Lecornu ce jeudi matin. On a dit oui et on préparait la délégation. Et ce matin, on assiste à l’expulsion ! Permettez-moi de vous le dire, c’est dégueulasse. C’est indigne de la démocratie et de la parole d’un ministre. Tout cela augure mal de la suite. On a l’impression qu’ils font tout pour que ça devienne, ce que ça n’était pas, une Zad. Là, ce qu’ils cherchent, c’est le rapport de force. Est-ce que c’est eux qui pourront garder 500 personnes en permanence sur place ou est-ce que c’est nous ? Maintenant, la question, elle est là. »
  • 9 h 51 — Les gendarmes investissent le terrain de la Maison de la résistance, à Bure. Ils n’ont pas de mandat. Sylvain nous raconte : « Putain, ils utilisent les gaz lacrymos sur le terrain, j’ai un drone au-dessus de la tête et j’ai 50 mobiles en face de moi. Ça pue le gaz lacrymo [il tousse]. Les gens sont barricadés dans la maison. » Pour l’heure, les gendarmes ne semblent pas vouloir rentrer dans cette maison, qui est une propriété privée légalement habitée. À 9 h 56, les gendarmes se retirent.
  • 9 h 42 — Cinq interpellations ont déjà eu lieu. Des bulldozers détruisent les « vigies » sud et nord ; des camions bâchés sont là, sans doute pour emporter les matériaux. Vingt gendarmes sont postés au pied du Grand chêne (lire témoignage d’un « hibou » ci-dessous). Des contrôles routiers ont lieu sur les routes environnantes.

COMMUNIQUÉS ETACTIONS

  • Lettre ouverte des opposants à Cigéo à Sébastien Lecornu :
    Lettre ouverte à Sébastion Lecornu des opposants à Cigéo.
  • Communiqué du groupe parlementaire de la France insoumise, dont les députés « s’insurgent de l’opération d’expulsion » :

CIT DES PREMIÈRES HEURES CE MATIN

Réveil brutal pour les occupants du bois Lejuc, dans lequel l’Andra (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs) voudrait commencer des travaux : à 6 h 30, les gendarmes ont encerclé et investi le bois de 220 hectares. De son côté, le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb, annonçait l’opération dans un tweet :

Voici le témoignage d’un « hibou », recueilli au téléphone à 8 h par Reporterre :

« Ce matin, j’ai reçu un appel, et au même moment, j’ai vu de la lumière venir du sol. Je pensais que c’était des copains, et puis c’était les gardes mobiles au pied de l’arbre, à 6 h 30. Ils avaient des Maglight, des lampes très puissantes. Ils exploraient la forêt, les chemins tout autour, ils ont sécurisé la zone, comptaient le nombre de barricades, qui sont innombrables.
On est deux, dans le Grand-Chêne, dans une cabane à 25 mètres de hauteur. On a relevé les cordes. Là, une équipe de cinq gendarmes mobiles sont au pied de l’arbre. Un hélicoptère tourne non stop. Je vois onze gardes mobiles, sans casque, qui nous surveillent et commentent ce qu’on fait, on les entend. Ils se cachent quand on prend des photos. Je vois aussi deux personnes gradées qui viennent d’arriver. Là, les gendarmes sont en train d’installer une caméra, pour nous filmer. Il y a sept cabanes comme la nôtre dans le bois. »

Vue depuis la cabane du Grand Chêne.

Nous avons recueilli aussi les propos de « Sylvain », un habitant proche de Bure :

« C’est une surprise totale : on n’attendait pas d’expulsion avant la fin de la trêve hivernale. L’Andra ne peut lancer aucun chantier alors qu’on est en période de nidification des oiseaux, et il faut faire une étude d’impact avant tout nouveau défrichement. Et tous les recours ne sont pas épuisés.

Ce qui se passe est en totale contradiction avec ce qu’a dit Nicolas Hulot à l’Assemblée nationale il y a quelques mois : il ne voulait pas de brutalité et il voulait de la concertation. On devait voir Sébastien Lecornu [le secrétaire d’État auprès du ministre de la Transition écologique] vendredi !

On peut faire le parallèle avec Sivens : ils expulsent alors qu’on ne sait pas quelle est la situation juridique, puisque tous les recours ne sont pas épuisés.

On appelle à des rassemblements ce soir à 18 h devant toutes les préfectures. »

  • Les gendarmes ont filmé leur intervention :

L’ANDRA N’A PAS L’AUTORISATION DE TRAVAILLER DANS CE BOIS

La situation juridique du bois Lejuc est particulière. Il y a bien eu une ordonnance d’expulsion le 8 juillet 2017, mais elle n’avait pas été mise en application pendant des mois - et se déclenche avant la fin de la trêve hivernale.

Par ailleurs, l’Andra n’a aucun motif immédiat d’intervenir dans ce bois, nous indique l’équipe juridique des occupants :

  • elle n’a pas d’autorisation de défrichement, selon une ordonnance du tribunal le 1e août dernier ;
  • la propriété du bois est contesté par plusieurs recours juridiques en cours, la délibération par laquelle la commune de Mandres-en-Barrois a cédé le bois à l’Andra étant contestée et en attente de jugement ;
  • le projet Cigéo d’enfouissement des déchets nucléaires n’est quant à lui pas du tout engagé, la demande d’autorisation n’ayant même pas été engagée. Il n’est donc pas possible d’installer dans le bois Lejuc des puits d’aération liés au projet, comme l’Andra en a l’intention.

L’opération policière intervient alors que le secrétaire d’État Sébastien Lecornu se rend aujourd’hui et demain (vendredi) en Meuse et en Haute-Marne.

Fermer Précedent Suivant

legende