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Ennemie jurée
En dehors de ce qu’elle appelle son travail élémentaire, Hanna Lakomy écrit, notamment pour le journal Die Welt. Elle travaille à la rédaction de son premier livre. Ennemie jurée des féministes abolitionnistes qui revendiquent l’interdiction de la prostitution, Hanna Lakomy se bat pour que les femmes aient le droit d’user librement de leurs corps. «Si mon corps m’appartient, pourquoi n’aurais-je pas la permission de le vendre et de garder l’argent?»
On aurait envie de crier: parce que cela vous nuit, parce qu’il est mal d’échanger ses vertus pour une pièce en or. Offrir son corps à des inconnus ne finit-il pas par vous briser? «La seule chose que j’ai brisée, c’est ma dépendance financière envers mes parents et envers l’Etat», répond Hanna Lakomy en riant. «C’est un métier qui ne fait de mal à personne.»
Voulons-nous que les hommes se transforment en nounours passifs n’osant plus rien dire de peur d’être dans le tort?
Lakomy se rend régulièrement à des colloques organisés par des organisations féministes antiprostitution qui sont étrangement, remarque-t-elle, le plus souvent affiliés à des partis politiques de gauche. «Ces organisations abolitionnistes essaient sans cesse de nous faire croire que nous sommes des victimes, que nous souffrons de symptômes post-traumatiques similaires aux rescapés de guerre. Et lorsque vous leur affirmez que vous vous prostituez par choix, vous vous retrouvez immédiatement classées parmi les sujets psychologiquement atteints. Mais la vérité, poursuit Lakomy avec fermeté, c’est que la plupart des femmes qui se prostituent, même dans des conditions très basiques comme dans une maison close ou dans la rue, le font par choix. Elles préfèrent vraisemblablement effectuer une fellation pour 20 euros sur un grand boulevard que de nettoyer les arrière-cuisines d’un McDonald's pour 20 euros par jour. C’est leur choix et nous devons le respecter!»
Fille de la RDA
Ce qu’Hanna Lakomy chérit plus que tout au monde c’est la liberté. Née en RDA, fille de l’artiste Reinhard Lakomy connu pour ses compositions et chansons, elle craint parfois que la société libérale pour laquelle ses parents se sont tant battus soit à nouveau incriminée. Elle confie ses appréhensions sur la «Thérèse rêvant» de Balthus, nue et suggestive, que des féministes souhaitent désormais interdire d’exposition au Metropolitan Museum de New York. «Je ne serais pas étonnée que le prochain sur la liste soit le Lolita de Nabokov», dit-elle en poussant d’un revers de main son jus de pamplemousse pressé. «Vous verrez, nous ne pourrons bientôt plus nous le procurer en librairie.»
En parlant du mouvement anti-harcèlement provoqué par l’affaire Weinstein, Lakomy se montre partagée. «Metoo a le potentiel de devenir le mouvement émancipateur le plus puissant que les femmes aient connu depuis 1968. Mais il a aussi le potentiel de se transformer en une terreur ridicule. Les femmes comprennent enfin que leur corps leur appartient et qu’elles peuvent négocier les conditions de leurs rapports sexuels ce que, soit dit en passant, les prostituées ont toujours fait. Le problème vient du fait que certaines de ces femmes estiment qu’elles sont de facto responsables de la façon dont d’autres femmes mènent leur vie et c’est à partir de là que les restrictions émergent.»
Voir notre chronologie illustrée de l'affaire Weinstein.
Saleté et brutalité
Lakomy admire Catherine Deneuve, cette femme qui fut suffisamment courageuse pour jouer Belle de Jour et qui à présent se montre suffisamment courageuse pour s’exprimer à contre-courant. «Il est crucial dans tout rapport sexuel de conserver un brin de saleté et de brutalité et de laisser place, de façon ludique bien sûr, aux rapports de force, estime-t-elle. Voulons-nous que les hommes se transforment en nounours passifs n’osant plus rien dire de peur d’être dans le tort?»
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Selon elle, Catherine Deneuve ne condamne aucunement la vague Metoo. Ce qu’elle condamne, ce sont les mouvements puristes et conservateurs qui essaient de surfer dessus. «Nous ne pouvons pas condamner les hommes aujourd’hui pour ce qu’ils ont fait pendant plus de 5000 ans.»
Le hashtag #metoo englobe selon elle une partie infime et bien visible de la société. Une classe sociale parmi laquelle les femmes ont dans la majeure partie des cas toujours eu, selon Lakomy, les possibilités de sortir d’une situation abusive. «Les abus surviennent le plus souvent dans les classes inférieures de la société, chez des femmes qui sont inconnues et qui ne peuvent pas se permettre de se révolter, car elles risqueraient de se retrouver dans la rue. Les femmes de ménage ou celles qui travaillent dans des centres d’appel – ces femmes sans visages ne crient pas #metoo.»
Quant aux autres, leurs motifs ne seraient pas toujours de nature univoque. Et si crier #metoo était devenu, consciemment ou non, un moyen d’accroître son pouvoir par la victimisation?