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Moyen Orient et Monde - Récit

En route pour Afrine : bouzouks et tambours, juste avant les bombes turques

Depuis le début de l’offensive turque contre le canton de Afrine, les Kurdes de Syrie se mobilisent en faveur de leurs frères sous le feu d’Ankara. Le 21 février, un convoi composé de civils et de militants a quitté la ville de Qamishli dans le nord-est de la Syrie et fait route vers Afrine. En arrivant de nuit dans le canton assiégé, les véhicules ont été pris pour cible par des tirs de mortier et des frappes aériennes. « L’Orient-Le Jour » était dans le convoi...

Les enfants et le « V » de la victoire... Photo R.M.

Mardi 21 février, des groupes de militants et de journalistes kurdes se réunissent dans un terrain vague aux abords de la ville de Qamishli. Petit à petit, la foule enfle et l’ambiance commence à monter. Quelques groupes se tiennent par la main et entament une govent, la danse traditionnelle kurde. Un comité de militants arabes rejoint le groupe et entame des chants arabes en soutien aux Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition de milices majoritairement kurdes, parrainée par les États-Unis, qui ont repris la majorité des territoires contrôlés par l’État islamique (EI). D’autres communautés sont représentées : des yézidis du Shingal irakien ont fait le déplacement, mais aussi des Arméniens... Avec quelques heures de retard, le convoi s’ébranle : entre 150 et 200 véhicules, plus de 1 000 personnes s’élancent en direction de l’Ouest, pour rejoindre le canton de Afrine où la guerre fait rage depuis plus d’un mois.
 « Nous venons montrer notre soutien aux habitants et aux combattants de Afrine face à l’agression de l’État turc et de ses milices islamistes », dit un membre du convoi. Dans les bus, l’ambiance est au beau fixe. Alors que les enceintes grésillent et diffusent des chants à la gloire des YPG et de la résistance de Afrine, les jeunes dansent et chantent, débordant d’énergie. Il est difficile de garder à l’esprit qu’on se dirige vers un territoire en guerre. Le long des routes, des habitants s’alignent et font le « V » de la victoire, tout sourire. Lorsque le convoi fait halte ici et là, au gré des embouteillages, les combattants stationnés le long du parcours s’approchent, rejoignent les militants qui dansent, les embrassent, posent pour une photo, avant de reprendre leurs positions.


(Lire aussi : « À Afrine, nous ne pouvons que nous défendre »)


Inspection et questions
Au premier soir, le convoi atteint Kobané. Il fait nuit, la pluie a inondé les routes. Mais la foule est au rendez-vous. Elle occupe une grande partie de la place de la Femme de la liberté, où trône une statue à la gloire des martyrs de Kobané. Les membres du convoi se joignent à la foule en liesse, une sono installée sur une remorque émet une musique festive. Assez vite, toutefois, les membres du convoi se répartissent chez les habitants.  Certains conservent leurs forces et se couchent tôt en pensant à la journée du lendemain qui les attend, d’autres festoient jusqu’à tard au son des bouzouks et des tambours.
Le lendemain matin, à six heures, les voyageurs commencent à se rassembler pour continuer leur périple. De Kobané, il faut rejoindre le canton de Manbij en traversant l’Euphrate. Puis ce sont les dernières lignes tenues par les FDS avant d’entrer dans la zone sous contrôle du régime syrien. L’attente est longue au check-point des soldats de Bachar el-Assad. Mais le feu vert est finalement donné et les véhicules passent devant les bidons disposés en murets aux couleurs du drapeau syrien, derrière lesquels sont positionnés les soldats de l’armée syrienne. Des officiers inspectent les passagers et les questionnent pour savoir s’il s’agit bien de civils. L’inspection est succincte, mais suffit à plomber l’ambiance dans le convoi. Des officiers viennent finalement prendre place dans quelques véhicules pour les guider dans cette zone où les chauffeurs n’ont pas circulé depuis des années. Le paysage, malgré un beau soleil, est sinistre. Cette zone, située dans le corridor stratégique entre Tabkah, Alep et al-Bab, a été sujette à de nombreux combats, notamment entre les forces du régime et l’EI.


(Pour mémoire : Les forces prorégime poursuivent leur déploiement à Afrine)


Les portraits de Nasrallah et d’Assad
Alors que le convoi poursuit son voyage, entrecoupé par des check-points très réguliers, les civils font preuve de la même sympathie que de l’autre côté de l’Euphrate et expriment leur soutien en faisant le « V » de la victoire et en chantant des encouragements aux passagers qui mettent la tête hors de la fenêtre. « Où allez-vous ? À Afrine ? Que Dieu vous garde ! » lancent-ils. Les soldats du régime expriment la même sympathie pour le convoi. L’offensive turque semble avoir ressoudé les forces du régime et les Kurdes dans une fraternité soudaine, mais vivace. Dans les véhicules où ils prennent place, les officiers en treillis partagent mets et boissons, lèvent les doigts en signe de victoire en écoutant les chants en l’honneur des combattants qui luttent contre « l’envahisseur turc », et discutent de la situation régionale avec leurs frères kurdes.
À mesure que le soleil se couche dans une lueur rouge sang au-dessus d’Alep, le convoi contourne la capitale du nord de la Syrie pour rejoindre Nubul, le dernier village tenu par le régime au sud du canton de Afrine. Il fait déjà nuit lorsque nous traversons le dernier check-point de l’armée syrienne où sont accolés les portraits de Hassan Nasrallah, de Ali Khamenei et de Bachar el-Assad. Passé ce point, l’ambiance est de nouveau euphorique. Les combattants des YPG (Unités de protection du peuple – milice kurde) et les habitants des villages traversés saluent plus chaleureusement que jamais ces civils venus pour beaucoup de très loin pour défier l’armée turque et ses supplétifs.


(Lire aussi : L'entrée des forces pro-Assad à Afrine aurait de "graves conséquences", menace Ankara)


Gigantesque explosion
Soudain, des bruits sourds de mortier se font entendre. Le silence s’installe, mais, très vite, les chants reprennent. Puis une seconde salve, plus proche. À chaque fois, les bombes semblent tomber plus près. Jusqu’à ce qu’un éclat vienne frapper une vitre. Les conducteurs éteignent les lumières. Enfin, c’est toute une série d’obus qui vient s’écraser autour du convoi, sur une pente, en pleine campagne. Le convoi s’arrête entre les oliviers, les gens sortent et s’abritent entre les bus et le rebord du talus. Une demi-heure plus tard, c’est un avion de chasse turc qui vient frapper le convoi. Un missile s’abat sur la montagne à quelques dizaines de mètres de la route. Une gigantesque explosion met tout le monde à terre. Des pierres s’élèvent et retombent sur les environs. La panique gagne de nombreuses personnes. Beaucoup partent en courant dans le village en contrebas pour trouver refuge. La région, totalement dégagée, n’abritait aucune position militaire des YPG.

Un peu plus haut, sur la route, un homme a pris un éclat au visage, le bitume est rouge de sang. Des personnes veulent lui venir en aide, mais des obus de mortier recommencent à tomber sur la zone. Il restera au sol sans assistance pendant une quinzaine de minutes avant d’être jeté dans un bus qui dévale la montagne pour l’emmener à l’hôpital de Afrine, mais il mourra avant d’arriver aux urgences. L’essentiel des membres du convoi trouve refuge dans des caves ou des maisons du village voisin. Les responsables kurdes accusent l’armée turque d’avoir délibérément visé le convoi de civils. Ankara, pour sa part, affirme avoir bombardé un convoi qui transportait « des terroristes, des armes et des munitions ».
À Afrine, on annonce une dizaine de blessés dans la nuit. Le lendemain, les membres du convoi rejoignent Afrine par petits groupes. Dans la gare centrale, on lance une sono. La govent refait vite sourire la foule, qui n’oublie pas pour autant l’agression de la veille qui est venue s’ajouter à celles que subissent les habitants du canton depuis plus d’un mois désormais.


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commentaires (3)

Toute la différence est là. Quand erdo bombarde et tue des civils c'est halal. Quand c'est le heros syrien BASHAR c'est pas casher .

FRIK-A-FRAK

13 h 01, le 24 février 2018

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Commentaires (3)

  • Toute la différence est là. Quand erdo bombarde et tue des civils c'est halal. Quand c'est le heros syrien BASHAR c'est pas casher .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 01, le 24 février 2018

  • tiens que disent les occidentaux et les américains de leur dictateur le sultan erdogan ? Rien , il peut envahir un pays, bombarder les kurdes , et rien, si le régime syrien bombarde la Ghouta, le reste est sans importance

    Talaat Dominique

    12 h 10, le 24 février 2018

  • LE MINI SULTAN OTTOMAN AVIDE DE SANG KURDE BOMBARDE ET MASSACRE LES CIVILS DIGNE GENOCIDAIRE DE SES AIEUX GENOCIDAIRES !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 48, le 24 février 2018

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