Anwar, originaire de Syrie, poursuit actuellement ses études à Oslo, en Norvège
Anwar, originaire de Syrie, poursuit actuellement ses études à Oslo, en Norvège

Imaginez que vous devez fuir votre pays et que vous ne pouvez pas emporter avec vous les diplômes qui attestent de votre niveau d’études. Le Conseil de l’Europe a trouvé une solution.

De nombreux réfugiés et demandeurs d'asile qui arrivent en Europe se retrouvent face à des montagnes de formalités administratives pour pouvoir s'établir dans un pays d'accueil. Un parcours d'intégration rendu encore plus difficile si la personne n' a pas de documents prouvant ses qualifications, comme des certificats scolaires. Ces documents ont pu être oubliés quand les personnes ont quitté leur pays dans la précipitation pour échapper à la violence ou aux persécutions. Ils ont également pu être perdus pendant le voyage.

En 2017, le Conseil de l'Europe a lancé un projet inédit : les réfugiés qui ont terminé leurs études secondaires ou qui sont allés à l’université dans leur pays d'origine peuvent désormais demander à ce que leur niveau de scolarité soit évalué.

S'ils sont en mesure de démontrer un certain niveau de connaissances ou d'éducation, ils peuvent se voir délivrer un Passeport Européen de Qualifications. Ce document fournit également des renseignements sur l'expérience professionnelle et la maîtrise de la langue d'une personne.

Le Passeport de Qualifications n'est pas destiné à remplacer ou à se substituer aux pièces d'identité ou encore aux diplômes. Il ne peut pas non plus garantir un emploi ni l'accès à des études complémentaires. Mais il peut permettre aux réfugiés de postuler à des emplois dans leur domaine de connaissance ou de poursuivre leurs études, ce qui facilite une intégration meilleure et plus rapide.

Les entretiens sont conduits par au moins deux personnes, dont l'une a des connaissances spécifiques sur le pays du participantCe passeport se base sur un projet développé en Norvège et qui a eu beaucoup de succès. L'objectif était d'adopter ce modèle et de fournir un document qui serait valable dans toute l'Europe. "L'idée est que les réfugiés devraient être en mesure de se servir de ces passeports dans plusieurs situations, et aussi au cas où ils déménagent dans d'autres pays européens", a déclaré à InfoMigrants Sjur Bergan, chef du Service de l'éducation du Conseil de l'Europe. "Ce n'est pas aussi bien que les documents originaux, mais c'est une bonne solution de remplacement."

Selon le site web du Conseil de l'Europe :"L'idée est que cette information soit acceptée et comprise facilement dans n'importe quel pays européen. A long terme, cette méthodologie peut permettre aux pays d'accueil de réaliser des économies en facilitant et en accélérant l'évaluation des qualifications des réfugiés."

Comment cela fonctionne-t-il?

Tout d'abord, les participants sont sélectionnés, une tâche qui incombait jusqu'à présent au Ministère de l'éducation et des affaires religieuses en Grèce. Un questionnaire est envoyé environ trois semaines avant l'évaluation, et les participants ont deux semaines pour le remplir. Ce qui laisse une semaine aux évaluateurs pour analyser les réponses.

Après cela, les réfugiés passent des entretiens qui durent entre 45 minutes et une heure. Une décision est ensuite prise quant à l'émission ou non du document. Le Passeport Européen de Qualifications est valable cinq ans à partir de la date d’émission.

"En général, les entretiens sont conduits par deux personnes”, a déclaré Sjur Bergan à InfoMigrants. "L’un des évaluateurs connaît la langue et le système éducatif du pays du participant, afin que les demandes de la personne puissent être vérifiées". Par exemple, si quelqu’un affirme avoir suivi tel cours dans une université syrienne, les évaluateurs vont se renseigner pour savoir si ce cours était proposé à ce moment-là. "C’est une évaluation sérieuse”, explique Sjur Bergan. "Une fois, une femme a mal prononcé le nom de l’institution où elle affirmait avoir étudié."

Le projet pilote est géré par le Service de l'éducation du Conseil de l'Europe et fait partie du Plan d'action "Bâtir des sociétés inclusives". Il est soutenu par le Bureau du HCR en Grèce et les partenaires du projet comprennent le Ministère grec de l'éducation, de la recherche et des affaires religieuses, ainsi que des centres de reconnaissance des qualifications en Grèce, en Italie, en Norvège et au Royaume-Uni. 

Sjur Bergan (à gauche), chef du Service de l'éducation du Conseil de l'Europe, lors d'une réunion du groupe de coordination du projetJusqu' à présent, trois sessions d'évaluation ont eu lieu en mars, juin et octobre 2017 à Athènes, en Grèce. L'année dernière, 91 réfugiés ont fait évaluer leurs qualifications et 73 Passeports Européens de Qualifications ont été délivrés.

Des projets d'expansion pour cette année

Le projet devrait être étendu à l'Italie en 2018. "Nous entamons maintenant la deuxième phase du projet", a déclaré M. Bergan. "Nous espérons tester davantage d'options en ligne." Selon le chef du Service de l'éducation du Conseil de l'Europe, il est prévu d’avoir à l’avenir une "équipe d’évaluateurs de compétences, qui auront été formés à la méthodologie et qui disposent de connaissances spécifiques sur certaines régions du monde". Ces experts seraient alors en mesure de mener la phase d'entretien via Skype, a-t-il expliqué.

Il est également prévu qu’à l’avenir, des informations sur ce projet seront données aux demandeurs d’asile lorsqu'ils demanderont le statut de réfugié en Grèce et éventuellement en Italie. À l'heure actuelle, les personnes qui souhaitent faire évaluer leur niveau de compétences doivent contacter le ministère grec de l'Éducation.

Un documentaire sur le projet est disponible ici.

 

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