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Le curieux investissement chinois de Laurent Wauquiez

La région Auvergne-Rhône-Alpes que Laurent Wauquiez préside a investi 5 millions d’euros dans un fonds franco-chinois pour aider l’implantation des PME locales en Asie. Des élus s’interrogent sur le sens de l’opération et déplorent sur son peu de transparence.

Pascal Ceaux , Mis à jour le
Laurent Wauquiez et Zhang Dejiang, le président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, en 2016 à Lyon.
Laurent Wauquiez et Zhang Dejiang, le président du Comité permanent de l’Assemblée nationale populaire, en 2016 à Lyon. © JEFF PACHOUD/AFP

Insincérité, populisme, cynisme, brutalité... Une pluie de critiques s’est abattue sur Laurent Wauquiez après la diffusion d’enregistrements de son cours aux étudiants de l’Ecole de management de Lyon, les 15 et 16 février. Ces déclarations, qu’il a lui-même qualifiées de "cash" par opposition au "bullshit" (foutaises) de ses prestations télévisées, laissaient entrevoir l’existence d’au moins deux visages du personnage. Le reproche a trouvé un écho dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, que l’ancien ministre préside depuis 2016. Entre Puy-de-Dôme et Mont-blanc, c’est un curieux mouvement financier vers la Chine qui illustre ses contradictions, en même temps qu’il suscite les interrogations. Comme si un Wauquiez pro-chinois et un Wauquiez anti-chinois se faisaient face, sur fond d’utilisation controversée de l’argent public régional.

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Un choix qui intrigue

Lorsqu'il parle à Paris, en chef revendiqué de l'opposition, ­Wauquiez défend l'économie ­nationale contre les ­menaces du dragon asiatique. En ­novembre 2016, sur Europe 1, il déplore que "les fleurons industriels comme PSA [soient] vendus aux Chinois". Le groupe ­Dongfeng vient alors d'acquérir 14% du capital du constructeur automobile. De même, il fustige Fosun, géant de Shanghai qui convoite la Compagnie des Alpes, propriétaire de onze stations de ski en France, en s'indignant (avec d'autres élus locaux) dans un communiqué : "Il est temps que l'État cesse de brader nos fleurons et notre patrimoine au profit d'actionnaires internationaux." Il avait pourtant reçu avec les honneurs, en septembre 2016, le troisième vice-Premier ministre chinois pour lui vanter les mérites de la lentille du Puy-en-Velay, ville dont il a été le maire (de 2008 à 2016). Six mois plus tard, il décidait même d'investir dans l'empire du Milieu.

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Le 27 mars 2017, la commission permanente du conseil régional donnait son feu vert à la souscription de 5 millions d'euros dans un fonds de capital-investissement, Sino-French Innovation, lancé par la compagnie Cathay Capital en juillet 2015. Adressée à la préfecture sous la signature de Laurent Wauquiez, la délibération a été enregistrée le 21 avril. Dans ce fonds, la Région Auvergne-Rhône-Alpes côtoie d'autres actionnaires français privés et publics, telle la Banque publique d'investissement (BPI). Mais la tête est chinoise.

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Pour le cabinet de Wauquiez, il s'agit de "faciliter l'implantation" des PME locales en Asie

Dirigée par le financier Mingpo Cai, la firme gère quelque 2 milliards d'euros investis dans des start-up du digital en Chine, en France et aux États-Unis. L'histoire édifiante de cet homme de 48 ans a été maintes fois racontée. Arrivé en France à l'âge de 20 ans, il suit des études d'économie à ­Orléans tout en faisant la plonge dans un restaurant. Après des allers-­retours entre la Chine et la France et le succès d'une entreprise de pierres tombales, il se tourne vers le financement de la nouvelle économie, aidant plusieurs start-up rhodaniennes à s'internationaliser.

Il n'empêche. Pour certains élus régionaux - y compris de droite -, l'engagement de la collectivité dans ce fonds reste intrigant. S'il s'agissait de soutenir de jeunes entreprises avec des fonds publics, pourquoi passer par un investisseur privé, a fortiori chinois? Toutes les garanties ont-elles été prises pour éviter les pertes? Le cabinet de Laurent Wauquiez explique que l'opération "a pour but de faciliter l'implantation des PME locales en Asie". "À la différence des structures de la Région, Cathay dispose de nombreuses ­entrées dont pourront bénéficier nos entreprises", ajoute-t‑on. 

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Des dossiers conclus dans "les bureaux du président"

Certains s'interrogent néanmoins sur la discrétion avec laquelle la décision a été prise - en commission permanente, c'est‑à-dire sans débat public devant l'assemblée régionale. "Je n'étais même pas au courant de cette opération", s'étonne ainsi Philippe Langenieux-Villard, maire (LR) d'Allevard (Isère), qui a rompu avec Laurent Wauquiez et dénonce dans un livre son exercice solitaire du pouvoir (Le Dangereux, éd. Philippe Rey). "Ici, tous les dossiers sont traités et conclus dans les bureaux du président", proteste aussi Stéphane Gemmani (Cap21), opposant actif qui ne cesse de ­réclamer des comptes.

La Chine semble exercer une attraction particulière sur le président de la Région, tout en lui attirant parfois des déconvenues. Il y a effectué une visite (à Pékin et à Shanghai) du 12 au 17 février 2017, en compagnie d'une cinquantaine d'entrepreneurs. Ce voyage à visée économique, en pleine campagne présidentielle, avait soulevé des contestations, dans la mesure où l'élu auvergnat en avait profité pour participer à une réunion de soutien à François Fillon devant les Français de Chine. Le parquet de Lyon avait ouvert une enquête préliminaire pour "détournement de fonds publics" qui a été depuis classée sans suite.

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