Salon de l'agriculture : berger, le métier recrute !

Première grande animation de l'édition 2018, les Ovinpiades, concours de jeunes bergers. Derrière le spectacle, un enjeu : créer des vocations pour cette filière d'élevage.

Porte de Versailles (Paris XVe), samedi. L’une des épreuves des Ovinpiades est de slalomer entre des plots rouges en tenant son mouton fermement par les jarrets.
Porte de Versailles (Paris XVe), samedi. L’une des épreuves des Ovinpiades est de slalomer entre des plots rouges en tenant son mouton fermement par les jarrets. LP/PHILIPPE DE POULPIQUET

    Séance pédicure, samedi, au premier jour du Salon de l'agriculture. Tremblant au milieu du ring, Théo avance, une pince à la main avec la délicate mission de couper les ongles de sa brebis. Comme 37 autres jeunes âgés de 16 à 24 ans, le jeune homme d'une vingtaine d'années a participé toute la journée, un tee-shirt bleu sur le dos, au concours des Ovinpiades, sorte de grand marathon lancé par la filière ovine pour trouver des recrues partout en France.

    Samedi, 30 % des jeunes bergers en herbe n'étaient pas issus du milieu agricole. Parmi les épreuves — toutes plus spectaculaires les unes que les autres — le palpé de brebis ou la course d'obstacles qui consiste à slalomer entre des plots rouges en tenant son animal fermement par les jarrets. « La technique de la brouette », commente, de son oeil expert, Patrick Soury, éleveur en Charente et grand organisateur de ce concours pas comme les autres.

    Derrière le spectacle, l'enjeu pour la filière est réel. Car la France a besoin de nouveaux bergers et, dans les lycées agricoles, le mouton a mauvaise réputation. « Disons que ce n'est pas l'animal qui attire le plus. En général, on se tourne plus spontanément vers les vaches », décrypte l'un des jeunes participants. « D'où la nécessité pour nous d'organiser des concours, expose Patrick Soury. Le Salon de l'agriculture peut aussi faire naître des vocations. Il faut arrêter avec l'image poussiéreuse du berger tout seul et mal payé dans sa ferme. Aujourd'hui, la crise est finie, le secteur est dynamique et un berger peut espérer gagner entre 30 000 et 40 000 € par an. »

    Remplacer les départs à la retraite

    C'est qu'il y a eu un rééquilibrage des aides de la politique agricole commune (PAC) en faveur de la filière en 2002, mais aussi l'amélioration technique qui rend le travail quotidien moins pénible et le prix de l'agneau qui a connu une évolution positive ces dernières années. « Avec les bergers, la France a mangé son pain noir dans les années 1980. Aujourd'hui, quatre agneaux sur dix qui se retrouvent dans les assiettes des consommateurs sont français. »

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    Autre facteur favorable pour les jeunes : « Dans dix ans, 61 % des éleveurs de brebis vont prendre leur retraite », souligne Inn'Ovin, la filière des éleveurs de moutons (2 000 exploitations principalement situées dans le Sud-Est et le Sud-Ouest). Résultat : la France, troisième producteur européen derrière l'Espagne et l'Angleterre, aurait besoin de mille nouveaux éleveurs par an, mais les postulants ne se bousculent pas.

    « C'est pourtant un beau métier », martèle Patrick Soury qui implique surtout, précise-t-il, d'avoir un « bon sens de l'observation »... et un chien. « Car comme chez les humains, les moutons ont leur hiérarchie. Il y a toujours une poignée de meneurs, une grande masse de suiveurs et quelques traînards, qu'il faut ramener avec un chien. »

    TÉMOIGNAGE. Amélie rêve de s'occuper d'un troupeau

    Rien dans le parcours d'Amélie ne la prédestinait à s'occuper de brebis. « J'ai grandi à la ville, ma mère était ostéopathe, mon père conducteur de bus », annonce d'emblée, un foulard autour du cou, la jeune femme qui participait samedi pour la première fois aux Ovinpiades du Salon de l'agriculture. Mais la passion des animaux a toujours guidé Amélie, qui pourtant ne souhaitait pas devenir vétérinaire. « Travailler au grand air, avec des animaux, voilà ce que je veux faire. Pour beaucoup de gens, le mouton n'est pas un animal intéressant. Pourtant, je suis certaine qu'il y a de la place, notamment pour les femmes, dans ce métier. »

    D'un air déterminé, elle assure vouloir désormais fonder près de chez elle une ferme pédagogique avec des vaches et des brebis. « Un concept de la fourche à la fourchette », dit-elle, afin de « faire le lien entre les habitants des villes et de la campagne ». « Il y a tant de choses à expliquer. Ici, c'est très surprenant d'entendre les questions des Parisiens émerveillés », s'amuse cette grande défenseuse des moutons. « C'est un animal qui réfléchit troupeau. Ce qui me passionne, c'est d'essayer de penser comme eux, d'arriver à penser mouton. Finalement, un troupeau, c'est comme une équipe. Un groupe d'animaux qui se protègent et s'organisent contre le prédateur. » Actuellement élève en BTS près de Grenoble (Isère), elle compte s'installer d'ici quelques années. Son projet : acheter des races de brebis en voie d'extinction et fabriquer son fromage elle-même.