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A quoi servent les pesticides, qui se retrouvent dans notre alimentation ?

La France peine à réduire sa dépendance aux pesticides, faute de pouvoir convaincre les agriculteurs que des alternatives crédibles existent.

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Publié le 27 février 2018 à 10h20, modifié le 25 février 2021 à 11h39

Temps de Lecture 4 min.

Le Roundup, commercialisé par Monsanto, est un herbicide contenant du glyphosate.

Glyphosate, contamination des fruits et légumes, de l’air, des cours d’eau, menaces pour les abeilles… Les débats sur les pesticides se concentrent souvent sur les risques qu’ils font peser sur la santé et l’environnement. Deux tiers des résides présents dans l’alimentation européenne sont le fait de molécules suspectées d’être des perturbateurs endocriniens, révèle une enquête de l’ONG Générations futures publiée mardi 4 septembre.

Pourtant, l’utilisation des pesticides perdure. Pour le comprendre, il faut saisir le rôle que jouent ces produits dans notre agriculture, encore aujourd’hui très dépendante.

A quoi ça sert ?

Egalement appelés « produits phytosanitaires », les pesticides servent à protéger les cultures agricoles contre différentes menaces, afin de limiter les risques de perte de récoltes et donc d’améliorer le rendement.

Les agriculteurs utilisent principalement :

  • des herbicides, pour désherber les cultures, afin de lutter contre les mauvaises herbes qui viennent concurrencer les légumes et les céréales (c’est le type de pesticide le plus utilisé, avec en moyenne 1,2 à 2,9 doses par hectare) ;

  • des insecticides, pour repousser les insectes et parasites qui s’attaquent aux cultures, comme les mouches qui pondent dans les fruits (entre 0 et 2 doses par hectare) ;

  • des fongicides, pour lutter contre les champignons, qui provoquent des maladies sur les plantes (entre 0 et 1,7 dose par hectare).

Il existe aussi des produits moins populaires pour lutter contre les acariens (acaricides), les oiseaux (avicides), les escargots et limaces (molluscicides), les vers ronds (nématicide), les rongeurs (rodenticide) et même les poissons (piscicide). Au total, quelque 4 000 produits phytosanitaires sont autorisés sur le sol français.

Le type de pesticide utilisé dépend de la nature de la culture et des menaces identifiées par les agriculteurs. Ainsi, la pomme de terre est très souvent traitée avec des fongicides, car elle est extrêmement vulnérable au mildiou, un champignon qui la tue.

Les cultures où les pesticides sont les plus présents

La valeur représente l'indicateur de fréquence des traitements (IFT), qui correspond au nombre moyen de doses homologuées par hectare de culture au cours d'une campagne culturale.

Du côté des fruits, la pomme est beaucoup plus traitée que la pêche ou la prune :

Les cultures de fruits où les pesticides sont les plus présents

La valeur représente le nombre moyen de traitements aux pesticides.

Contrairement à ce que voudrait une idée répandue, l’agriculture biologique peut, elle aussi, recourir à des pesticides : la moitié des fongicides utilisés chaque année le sont dans des exploitations bio. Si le soufre et le cuivre sont « sans chimie », ils peuvent quand même avoir des conséquences pour l’environnement et la santé.

Peut-on s’en passer ?

C’est le but du gouvernement français, qui est le seul en Europe à s’être fixé un objectif ambitieux de réduction de l’utilisation des pesticides : il vise une baisse de 50 % d’ici à 2025 par rapport à 2008. A en juger par la lenteur de l’évolution des pratiques, la démarche se révèle très compliquée. L’objectif, initialement fixé à 2018, a d’ailleurs dû être repoussé de sept ans. Il faut dire qu’avec 75 287 tonnes de produits phytopharmaceutiques, la France est un client particulièrement gourmand, qui se situe au huitième rang européen par hectare.

Lire (en édition abonnés)  : Article réservé à nos abonnés Le plan du gouvernement pour réduire les pesticides

Le premier frein est économique : beaucoup d’agriculteurs craignent de perdre en rentabilité en abandonnant les pesticides. Un souci d’autant plus compréhensible que leurs revenus sont déjà souvent très bas. Pourtant, comme l’a montré un rapport d’experts remis fin 2017 au gouvernement, l’équation n’est pas toujours si simple.

Dans certaines exploitations, l’expérience a montré que les pesticides pouvaient être supprimés sans baisse de rendement – c’est particulièrement vrai pour les désherbants. En s’appuyant sur l’expérience du réseau de fermes expérimentales Dephy, les auteurs du rapport soulignent que les agriculteurs peuvent maintenir leur rendement (dans 94 % des cas) et leur revenu (78 %) en utilisant un tiers de pesticides en moins que la moyenne.

Beaucoup d’agriculteurs vaporisent des insecticides en prévision, comme une « assurance-récolte »

Les auteurs reconnaissent toutefois que la réduction des pesticides peut s’avérer beaucoup plus difficile pour certaines cultures (le blé, par exemple) et pour faire face à certains risques, comme l’émergence de nouveaux nuisibles, qui « rend parfois nécessaire le traitement ». En plus de cela, beaucoup d’agriculteurs vaporisent des insecticides en prévision d’une possible contamination, comme une « assurance-récolte »… même si cela s’avère in fine inutile dans la plupart des cas. Pour contrer ce comportement, une solution consisterait à mettre en place de véritables assurances, comme cela s’est fait en Italie en 2014.

La structure même du marché des pesticides pose aussi problème : beaucoup des coopératives et entreprises de négoce qui conseillent les agriculteurs sont dans une forme de conflit d’intérêts, puisqu’ils vendent aussi eux-mêmes des pesticides. Ils ont donc intérêt à les maintenir une dépendance à ces produits. Pour faire face à ce problème, le gouvernement envisage d’interdire prochainement la confusion entre ces deux activités.

La clé de la réduction de l’utilisation des pesticides réside toutefois dans la mise au point de solutions de substitution efficaces. Par exemple, les insecticides chimiques peuvent être remplacés par des filets de protection, des produits de confusion sexuelle ou des pièges à hormones.

Selon les spécialistes, c’est du côté des désherbants, comme le glyphosate, que l’étendue des alternatives est aujourd’hui suffisamment crédible pour envisager une réduction drastique de leur usage. Du grattoir à la désherbeuse mécanique, en passant par la projection de vapeur ou l’usage d’herbicides naturels, de nombreuses solutions sont déjà utilisées au quotidien par les communes françaises depuis qu’elles ont cessé d’utiliser du glyphosate, début 2017.

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En signe de bonne volonté, la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et 35 partenaires ont d’ailleurs annoncé à l’occasion du Salon de l’agriculture 2018 la signature prochaine d’un « contrat de solutions », qui engagera les agriculteurs participants à trouver des alternatives aux pesticides grâce à l’aide des chambres d’agriculture, d’incitations financières et d’organismes comme l’Institut de recherche agronomique (INRA).

L’autre axe consiste à utiliser la contrainte, en interdisant de plus en plus de produits. C’est ce que recommande le rapport remis au gouvernement à la fin de 2017. Ses auteurs préconisent de se concentrer sur les pesticides les plus dangereux, en pointant du doigt une vingtaine de substances autorisées mais très suspectes. A l’heure actuelle, les pesticides classés toxiques, très toxiques, cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques représentent encore 23 % des ventes.

Retrouvez tous les articles explicatifs des Décodeurs dans notre rubrique « Pour comprendre ».
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