Montaigne : "C'est moi que je peins" : épisode • 3/4 du podcast Les philosophes par eux-mêmes

Portrait de Montaigne, illustration d’ Edmond Mennechet ©AFP - LEEMAGE
Portrait de Montaigne, illustration d’ Edmond Mennechet ©AFP - LEEMAGE
Portrait de Montaigne, illustration d’ Edmond Mennechet ©AFP - LEEMAGE
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Pour Alain Legros, notre invité, Montaigne est une compagnie toujours disponible, susceptible de nous aider au cours de notre vie.

Avec
  • Alain Legros Chercheur associé au Centre d'Etudes Supérieures de la Renaissance, à l’Université François Rabelais de Tours

Dans les Essais, c’est « tout nu » que Montaigne se présente à nous. On y apprend qu’il s’accommode mal de la bière, qu’il préfère le poisson à la viande, que sa moustache garde longtemps les odeurs… : « J’ose non seulement parler de moi, mais parler seulement de moi ». Pourtant, loin de tout nombrilisme, Montaigne se peint pour mieux parler des autres, et pour mieux parler aux autres.

Il faut entendre par irrésolution, la difficulté à décider. Montaigne a une particulière propension à comprendre un argument et l'argument contraire. Alain Legros

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Les Essais pour Montaigne c'est une peinture, un autoportrait et non pas une autobiographie, il n'y aura pas de récit. Alain Legros 

Au fur et à mesure que Montaigne s'est mis à écrire, il s'est aperçu qu'il y avait une action en retour sur lui-même, thérapeutique certes et aussi Les Essais, contribuent à former, à donner forme à ce Montaigne, à lui donner une forme de cohérence relative ou de continuité relative aussi. Alain Legros

Le texte du jour

« C’EST icy un livre de bonne foy, lecteur. Il t’advertit dés l’entree, que je ne m’y suis proposé aucune fin, que domestique et privee : je n’y ay eu nulle consideration de ton service, ny de ma gloire : mes forces ne sont pas capables d’un tel dessein. Je l’ay voüé à la commodité particuliere de mes parens et amis : à ce que m’ayans perdu (ce qu’ils ont à faire bien tost) ils y puissent retrouver aucuns traicts de mes conditions et humeurs, et que par ce moyen ils nourrissent plus entiere et plus vifve, la connoissance qu’ils ont eu de moy. Si c’eust esté pour rechercher la faveur du monde, je me fusse paré de beautez empruntees. Je veux qu’on m’y voye en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans estude et artifice : car c’est moy que je peins. Mes defauts s’y liront au vif, mes imperfections et ma forme naïfve, autant que la reverence publique me l’a permis. Que si j’eusse esté parmy ces nations qu’on dit vivre encore souz la douce liberté des premieres loix de nature, je t’asseure que je m’y fusse tres-volontiers peint tout entier, Et tout nud. Ainsi, Lecteur, je suis moy-mesme la matiere de mon livre : ce n’est pas raison que tu employes ton loisir en un subject si frivole et si vain. »

Montaigne, Les Essais (Incipit)

Extrait

- Archive : visite du château de Montaigne

Lectures

- Montaigne, Les Essais (Incipit) source internet

- Montaigne, Les essais, Livre II, chap. 18 source internet

- Montaigne, Les Essais, « Sur le repentir », III, 2

Références musicales

- Praetorius, Pièce à danser courante

- Guillaume Costeley, Esprit doux de bonne nature

- Le Jeune, Suzanne un jour

- Juliette Gréco, Je suis comme je suis

Alain Legros
Alain Legros
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