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Gabon: inquiétude pour l’avenir de l’iboga, plante psychotrope

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Gabon: inquiétude pour l'avenir de l'iboga, plante psychotrope

Plante aux effets psychotropes utilisée dans les rites traditionnels au Gabon, l’iboga semble victime de sa popularité croissante à l’étranger et pourrait disparaître, s’inquiètent des défenseurs de l’environnement.

Absorbé sous forme de poudre d’écorce tirée de sa racine, l’iboga, arbuste endémique de la forêt équatoriale d’Afrique centrale, donne des “visions” et permet de “se connecter à ses ancêtres”, explique la guérisseuse gabonaise “Maman Dje Dje”.

Au Gabon, elle est indissociable des cérémonies du “bwiti”, un rite traditionnel d’initiation, mais la plante est sortie de son usage purement traditionnel depuis une cinquantaine d’années.

Des brevets ont été déposés en raison des vertus médicinales de l’ibogaïne, un des principes actifs de l’iboga.

L’ibogaïne “pourrait servir contre les maladies telles que la maladie de Parkinson, ou bien l’Alzheimer”, déclare Natacha Nssi Begone, directrice de la valorisation des produits forestiers au ministère gabonais des Eaux et Forêts.

Mais surtout, cette molécule de la famille des alcaloïdes aurait, selon plusieurs études, des vertus thérapeutiques pour soigner des addictions, en particularité aux opiacés dont les drogues dures comme l’héroïne.

Alors, l’iboga est devenue au fil des ans une plante attrayante à l’international et le Gabon, comme l’Amazonie avec l’ayawaska, accueille de plus en plus d’Occidentaux venus “s’initier”.

La plante commence à s’exporter et son commerce est devenu “ultra lucratif”, estime Yann Guignon, fondateur de l’ONG “Blessings of the forest” (Les bienfaits de la forêt)..

– Commerce interdit –

L’iboga ne peut pourtant pas être commercialisée ni promue dans des pays comme les Etats-Unis, la France, la Belgique et la Suisse, où l’ibogaïne est considérée comme un “stupéfiant”.

Et le manque de contrôle représente un danger car l’iboga peut être mélangée avec d’autres substances potentiellement très néfastes, alerte Mme Nssi Begone.

La vente illégale mais juteuse de l’iboga se fait beaucoup via le “dark web”, la partie d’Internet non indexée par les principaux moteurs de recherche.

Yann Guignon a en outre recensé des “spécialistes de l’iboga” plus ou moins sérieux qui fleurissent en dehors du Gabon où ils sont brièvement venus “s’initier” avant de rentrer s’installer chez eux.

“De retour dans leurs pays, ils s’approprient certains codes traditionnels et ouvrent leur business. Il faut au moins dix ans au Gabon pour être maître initiateur. Et voir des Occidentaux maîtres initiateurs en deux mois, ça choque”, s’insurge-t-il.

“Il y a au moins 150 personnes qui disent soigner avec l’iboga à l’étranger”, selon M. Guignon qui suit de très près l’ouverture de “cliniques” spécialisées dans l’iboga. En moyenne deux centres de soins s’ouvrent chaque mois dans le monde, selon lui.

Un projet de décret est en cours à Libreville pour protéger la plante, fixer les conditions et les modalités de son utilisation, mais aussi encadrer sa vente pour “développer une filière commerciale” gabonaise.

Le Gabon a de même ratifié en 2012 le “protocole de Nagoya” qui prévoit un commerce “durable” des ressources issues de la biodiversité.

Faute de décompte précis, personne ne peut aujourd’hui mesurer la raréfaction de l’iboga, qui est pour la plupart du temps cueillie sans être replantée.

Une mission de recensement sur l’ensemble du bassin du Congo est en cours de discussion avec le jardin botanique de Kew Garden à Londres.

En attendant, Yann Guignon fait le tour du Gabon et se base sur des indicateurs comme la raréfaction et la dégradation de la qualité de la plante sur les marchés, ou encore l’”augmentation de 100 pour-cent des prix de la plante en 25 ans”.

L’iboga est fragile, note-t-il. La plante aime les sous-bois et a besoin d’un sol ferrallitique et argileux ainsi que d’un certain taux d’humidité. Au delà de 37/40 degrés et en deçà d’une certaine hydrométrie, l’iboga meurt.

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