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En défense d'Anne Hidalgo

LE CERCLE/TRIBUNE - L'historien et éditorialiste Alexandre Adler loue le courage et le talent de la maire de Paris, qui subit de plein fouet une tempête médiatique.

La maire de Paris Anne Hidalgo sur les voies sur berges.
La maire de Paris Anne Hidalgo sur les voies sur berges. (Joël Saget/AFP)

Par Alexandre Adler (historien et éditorialiste)

Publié le 2 mars 2018 à 11:21Mis à jour le 17 sept. 2018 à 14:53

Une véritable tempête médiatique semble se lever à l'occasion de l'opposition du tribunal administratif de Paris à la piétonnisation de la voie sur berges de la rive droite. C'est l'occasion d'une recrudescence des attaques de toute nature et, pour les tenants de toutes les solutions archaïques en matière d'urbanisme, de relever la tête en prétendant qu'aucun changement n'est possible ni nécessaire dans l'organisation de notre espace.

Cette piétonnisation, qui ne concerne que 0,16 % de la voirie parisienne, continue ainsi de susciter chez certains une angoisse à la Raymond Devos, dont même la respiration inquiétante des pots d'échappement ne parvient pas à diminuer les effets. J'y vois néanmoins l'étincelle qui peut enfin provoquer un débat de fond autour de la politique d'Anne Hidalgo, la maire de Paris, et c'est pourquoi l'heure est venue pour moi de la défendre.

En première ligne pour les migrants

Je pourrais faire ici état du simple bon sens boursicoteur : lorsqu'une action qui vaut pourtant quelque chose, commence à piquer du nez, c'est le moment d'acheter au plus bas et d'attendre la prévisible remontée. Mais je préfère d'entrée de jeu abattre mes cartes plus franchement : je connais et j'apprécie la personnalité, l'intelligence, le courage et le talent d'Anne Hidalgo depuis fort longtemps.

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Elle et moi, tous Parisiens que nous sommes, provenons spirituellement d'un même lieu de l'espace-temps qui s'est intitulé la Guerre d'Espagne. C'est de là-bas, des neiges ensanglantées de la Sierra Maestra, des fusillades de son cher pays andalou, que nous provenons, l'un et l'autre, de manière indélébile.

Aussi, quand je vois notre maire, telle Angela Merkel, prendre sans hésitation ni ratiocinations plausibles, la défense des malheureux réfugiés d'outre-Méditerranée, comme elle, je pense aux vers inoubliables de Rafael Alberti qui nous ont appris, avant même que nous soyons nés, le déchirement soudain de la vie et le sérieux des choses.

C'est ainsi que je connais Anne Hidalgo, bien avant de la connaître, et que je ne suis pas déçu de la voir réagir comme elle le fait et, hélas aussi, de prendre des coups ainsi qu'elle les reçoit. Je ne connais à ce titre personne dans la vie politique française aujourd'hui qui se prenne aussi peu au sérieux qu'elle ; tout comme je ne connais personne, à l'inverse, qui prenne autant qu'elle les choses au sérieux.

Paris sera le Grand Paris

Il est pourtant facile de s'abandonner à la bonace chatoyante que Paris nous apporte tous les jours, comme la caresse imméritée d'une bénédiction mystérieuse. Mais voilà, ce Paris que nous connaissons ne peut plus survivre bien longtemps, ni au déversement d'une circulation démographique d'une population qu'on entasse à la va-comme-je-te-pousse dans la mal vie de banlieues tristes et dépouillées, ni à l'inflation désordonnée d'une croissance urbaine, elle-même inévitable.

Et Paris ne sera jamais un petit village de cartes postales, envoyé par-dessus une mer de favelas banlieusardes, d'où émergeront quelques beaux quartiers en état de siège, tels déjà les opulents et égocentriques Hauts-de-Seine. Non, Paris, tout le monde s'y accorde, sera le Grand Paris. C'est-à-dire une vaste agglomération, tendue à l'ouest, vers la Normandie industrielle par l'axe de la Seine, comme en eut très tôt l'intuition Tiénnot Grumbach, mais aussi une fédération urbaine mieux structurée autour de quelques pôles de croissance, reliés les uns aux autres par des transports futuristes et de véritables centres secondaires, comme le prône depuis 30 ans déjà Roland Castro.

De proche en proche, de grandes initiatives vont finir par donner figure à cet ensemble puissamment original. Mais pour qu'il y ait Grand Paris, il faut déjà que le centre de Paris, les arrondissements à un chiffre », ne s'effondre pas par gravité et par abandon.

Les voies sur berges, nouveau Haussmann

Si les souvenirs pourtant contrastés de Napoléon III ont été balayés par la postérité, parfois injustement, en raison des folies et des bêtises des années 1860, une oeuvre a néanmoins survécu sous un nouveau nom d'auteur à toutes les atteintes du temps, celle du baron Haussmann.

Aujourd'hui encore, les Français ne tarissent pas d'éloges sur le génie de ce grand préfet et ont oublié, comme des lubies du moment, les arguments de tous ceux qui pleuraient les rues insalubres et déploraient les accidents du premier réseau de métro au monde entier.

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L'aménagement des berges de Seine est en train de créer le véritable centre urbain

Aujourd'hui, tout le monde voudrait encore être logé dans de l'haussmannien, cette combinaison, là aussi sans équivalent, d'art architectural traditionnel et d'introduction fulgurante de la technologie moderne. C'est justement cela, y compris le chantier épouvantable et les désagréments du boulevard des Italiens éventré par Haussmann avant de devenir le quartier des théâtres, que nous vivons actuellement.

L'aménagement des berges de Seine est en train de créer le véritable centre urbain, couvert d'arbres et d'innovations technologiques, qui élargit la notion de centre du Grand Paris à une surface enfin adéquate.

Affronter l'opinion

C'est vrai, on aurait pu imaginer une planification lente et méthodique, mais la vie est plus impétueuse, plus sérieuse parfois, et il arrive, de temps à autre, que les gens qui s'y attellent ne rêvent pas à la caresse des plaisirs et de la popularité facile. Nous avons ici une femme politique qui ne raisonne pas comme cela. Qui s'habille d'une longue écharpe de nos trois couleurs, rouge, jaune et violet, de la République universelle et qui sait ce que se sacrifier veut dire.

Alors rions et rions encore, un beau jour, la France entière comprendra mieux ce qu'est l'honneur de la politique, comme le voulaient Mendès France et de Gaulle : gouverner c'est prévoir, gouverner c'est affronter l'opinion, gouverner c'est donner la priorité au long terme, c'est-à-dire à nos enfants. Et une bonne santé tout de même à tous nos bouilleurs de cru.

Alexandre Adler est historien et éditorialiste.

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