Un parcours « judaïsme »… à Paray-le-Monial. Après le succès de la première édition, en 2016, il sera possible de nouveau, cet été (1), « d’approfondir la relation avec le judaïsme vivant et d’améliorer la connaissance commune entre nos deux traditions », selon les mots du responsable du parcours, Guillaume Dutey-Harispe. Autre objectif : « sortir du microcosme des spécialistes du dialogue judéo-chrétien pour permettre cette rencontre à un plus grand nombre ».

Soixante-dix ans après la création de l’Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF), le 26 février 1948 à Paris, les lieux de découverte et de formation au judaïsme foisonnent, signes d’un intérêt renouvelé. Depuis 2012, l’association « Au vent des rencontres » propose ainsi des visites, rencontres, conférences et voyages pour approfondir la relation entre juifs et chrétiens.

De nombreuses formations organisées

Des sessions sont aussi organisées localement par des laïcs qui se saisissent du sujet, aux côtés de formations plus institutionnelles : celles proposées par le Centre chrétien d’études juives (CCDEJ) du Collège des ­Bernardins à Paris, par le Centre chrétien pour l’étude du judaïsme de Lyon, par le Service national des relations avec le judaïsme (SNRJ) ou encore par les diocèses.

« De nombreux chrétiens, laïcs, sont intéressés par un approfondissement de leur connaissance du judaïsme », constate le père Louis-Marie Coudray, directeur du SNRJ. Un intérêt confirmé par Sylvaine Lacout, directrice du CCDEJ, qui voit les formations à l’hébreu « faire le plein », ainsi que le succès des cours proposant une lecture juive des Écritures. Le public ? « Des retraités, qui attendaient depuis des années d’avoir du temps pour ce retour aux sources de la foi chrétienne, des jeunes professionnels qui s’arrangent avec leur travail pour suivre des cours en journée, des personnes qui se sont découvert des racines juives… », énumère Sylvaine Lacout.

« Le travail de fond réalisé par l’Église a permis de poser un nouveau regard sur le judaïsme »

Les débuts du dialogue judéo-chrétien ont été une période « d’euphorie », rappelle le père Coudray, après la fondation de l’AJCF, le concile Vatican II et sa déclaration Nostra aetate. « Le travail de fond réalisé par l’Église a permis de poser un nouveau regard sur le judaïsme », précise Sylvaine ­Lacout. Désormais, le changement d’attitude est « réel, sans retour en arrière possible », souligne le père Coudray, même s’il déplore entendre encore parfois dans des homélies « quelques clichés très éculés sur les juifs ».

Ces relations ont pris une nouvelle ampleur après les déclarations de représentants du judaïsme ces dernières années. Le 23 novembre 2015, divers courants juifs français signent une « déclaration pour le jubilé de fraternité à venir », saluant les 50 ans de Nostra aetate. En 2016, ce sont les rabbins européens qui appellent à « approfondir le dialogue et le partenariat avec l’Église. » « Ces déclarations nous disent que nous avons été fidèles aux promesses faites à Vatican II, donc les juifs peuvent croire en nous », analyse Sylvaine Lacout, « Nous ne sommes plus dans du dialogue interreligieux, mais intrafamilial. »

Depuis plusieurs années déjà, des juifs, rabbins ou non, dispensent aux Bernardins leurs connaissances sur le Talmud, la liturgie synagogale ou les ­Écritures. Fait inédit, le père ­Coudray a lui-même été invité, cette année, à animer un cycle de formation au catholicisme au séminaire israélite de France, à destination des futurs rabbins.

De nouveaux défis se présentent toutefois aux acteurs du dialogue judéo-chrétien

Malgré le succès des formations, de nouveaux défis se présentent toutefois aux acteurs du dialogue judéo-chrétien. Sensibiliser les jeunes générations, entre autres. Le père Coudray reconnaît aussi que les relations avec les juifs ne semblent pas être toujours la priorité l’Église, confrontée à nombre d’autres questions, à commencer par le dialogue avec les musulmans, bien plus nombreux. « Or, comme disait Jean-Paul II, notre relation au judaïsme est intrinsèque à notre foi chrétienne, elle fait partie de notre identité », ­appuie-t-il. Autre enjeu majeur, la résurgence de l’antisémitisme, « très préoccupant », selon ­Jacqueline Cuche, présidente de l’AJCF, dans les milieux arabo-musulmans, parfois sous couvert d’antisionisme. « Les chrétiens doivent être présents aux côtés des juifs, insiste-t-elle, et chercher à comprendre pourquoi ils sont autant attachés à la terre d’Israël. »

(1) Lors de la session organisée du 18 au 22 juillet par la Communauté de l’Emmanuel.