On utilise ces molécules pour des indications qui ne sont pas celles qu'on leur connaissait à l'origine. Aspirine, « drogue des violeurs », bêta-bloquants… Certains médicaments retrouvent ainsi une seconde vie.
- L'aspirine : du traitement de la fièvre à la prévention des accidents cardiovasculaires
Découverte à la fin du 19e siècle dans le traitement des douleurs et fièvres, l'aspirine s'est progressivement fait détrôner par le paracétémol pour ces indications. A la fin du 20e siècle pourtant, l'aspirine a montré des talents cachés en matière de prévention des accidents cardio-vasculaires pour laquelle il a bénéficié d'une autorisation de mise sur le marché (AMM). Désormais, les médecins s'intéressent de près à son utilisation en cancérologie. « Dans dix ans, on l'utilisera couramment en matière de prévention des métastases », assure François Chast, ancien président de l'Académie de pharmacie, chef du service de pharmacie clinique des Hôpitaux universitaires Paris-Centre.
- Le minoxidil : de l'hypertension artérielle au traitement de la calvitie
A l'origine utilisé pour traiter l'hypertension artérielle, il a rapidement montré ses limites en la matière. Mais on a vite découvert un effet inattendu sur les personnes qui en prenaient : leur pilosité était stimulée. Dans les années 1980, UpJohn Corporation produit une solution contenant 2 % de minoxidil pour application locale afin de l'utiliser comme traitement de la perte des cheveux, sous le nom commercial de Regaine. Il est désormais largement utilisé dans le traitement de la calvitie.
- Le misoprostol : de l'ulcère digestif à l'IVG
A l'origine mis sur le marché pour le traitement de l'ulcère digestif, le misoprostol était, dans les faits, mal toléré pour cette indication. Bien qu'il n'ait reçu aucune AMM pour son utilisation en gynécologie, le misoprostol est devenu très largement utilisé pour les interruptions volontaires de grossesse (IVG) en combinaison avec la mifépristone, ainsi que dans les interruptions médicales de grossesse des deuxième et troisième trimestres et en cas de mort fœtale in utero (MFIU).
- Les bêta-bloquants : de l'hypertension artérielle au traitement des migraines et du stress
Découverts dans les années 1950, les bêta-bloquants étaient, à l'origine, exclusivement utilisés en cardiologie pour lutter contre l'hypertension artérielle, les troubles du rythme ou les maladies coronariennes. Vingt-cinq ans plus tard, les bêta-bloquants sont passés dans le domaine de la neurologie : l'Avlocardyl (l'un des noms sous lequel ils sont commercialisés) a fait ses preuves en matière de lutte contre les migraines résistantes. Les bêta-bloquants sont donc à présent également autorisés en neurologie.
Ils ne le sont par contre pas dans un détournement dont ils font largement l'objet : la lutte contre les tremblements dans les sports de précision (le tir à l'arc, etc.) où ils sont considérés comme une méthode de dopage, sans compter leur utilisation importante par les artistes ou les politiques pour chasser le stress.
- Le GHB : la « drogue des violeurs » efficace pour lutter contre l'hypersomnolence
Connue sous le nom de « drogue des violeurs », le GHB (gamma-hydroxybutyrate), un anesthésique hypnotique, provoque une amnésie entre le moment de sa prise et le réveil pour celui qui en consomme. Paradoxalement, on lui a découvert une performance particulière en matière de lutte contre les troubles majeurs du sommeil, en l'occurrence l'hypersomnie (aussi appelé cataplexie). Prescrit sous le nom de Xyrem, le médicament est un régulateur de sommeil et évite les accès de somnolence au cours de la journée.
- Le thalidomide : du traitement des nausées au traitement des tumeurs
Utilisé dans les années 1950 et 1960 comme anti-nauséeux, notamment chez les femmes enceintes, le thalidomide fut rapidement au coeur d'un scandale sanitaire puisqu'on découvrit qu'il provoquait de graves malformations congénitales. Il fut retiré du marché mondial en 1961. Mais le thalidomide a par la suite montré un potentiel antitumoral. Il a été utilisé dans des maladies graves, en l'absence d'autres options thérapeutiques, notamment contre le myélome (cancer de la moelle osseuse) ou la maladie de Crohn (maladie inflammatoire de l'intestin).
Ce qui justifie un retour contre toute attente sur les marchés américains, en 2006, et européen en 2008. La France ne l'autorise que dans le traitement des myélomes multiples chez les patients qui ne peuvent bénéficier d'une autogreffe. En association avec d'autres médicaments, il permet l'allongement de la durée de vie des patients atteints de ce type de cancer grave.
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