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Et le dictionnaire créa la femme

Everett/©Rue des archives/BCA

«Féminisme», «féminité», «femelle»... La «femme» a accouché de nombreux mots dans le dictionnaire français. Des expressions pas toujours heureuses qui ont évolué avec le temps et les usages. Le Figaro revient, à l'occasion de la journée internationale des femmes, sur ce mot particulier.

De son déterminisme morphologique à son statut d'épouse, Le Figaro propose, à l'occasion de la journée internationale des femmes, de revenir sur un mot qui a subi de grandes dérives sémantiques sous la main de l'homme.

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Car ne perdons jamais de vue que c'est l'homme qui nomma la femme. D'Eve, «la vivante» créée à partir de la côte d'Adam «le sol», à Marie-Madeleine, «putain des Évangiles» jusqu'à l'épouse «appartenant à son mari», la femme n'a ainsi jamais joui de beaucoup de philanthropie, c'est-à-dire «amour pour les hommes». Un œil averti suffira d'ailleurs à le constater dans les dictionnaires. «Gonzesse», «greluche», «meuf», «nana», pour Le Petit Robert ; «amante», «épouse», «nénette», «maîtresse», dans Le Trésor de la langue française. Lorsque l'on recherche le mot «femme», les thésaurus ne sont pas sans dévoiler, en leur sein, un historique peu flatteur.

Éternelle mineure et prostituée

À l'origine, la femme du latin classique femina «femelle», est celle qui est définie par son sexe. Elle est, par essence, déterminée par ses fonctions reproductrices. Cela signifie, qu'à l'image de l'animal, elle est apte à recevoir la semence masculine pour créer. Elle n'est plus une fille ou du moins une «garce» - mot formé à partir de«gars»- ainsi qu'on l'employait autrefois, raconte Florence Montreynaud dans Le roi des cons, (Le Robert). Sa position d'infériorité la place naturellement en dessous de l'homme. Elle est le «sexe faible».

La femme nubile devient alors «l'épouse», celle à qui l'on fait «une promesse solennelle». L'étau linguistique se resserre. Au XIe siècle, la «compagne de l'homme unie par les liens du mariage» n'est plus seulement limitée par sa constitution mais par son statut social. Elle devient «l'éternelle mineure». Et plutôt trois fois qu'une! Le Trésor de la langue française, rappelle en effet, que les mots «oissour» et «moillier» furent respectivement au coude à coude avec l'épouse, jusqu'au XIVe et XVIe siècle.

N'est pas femme en effet, celle qui n'enfanterait pas d'autres mar-mots qu'elle! C'est ainsi que l'usage vit arriver au XIIe siècle les termes «féminin» et «femelle». Un dernier mot qui n'est pas d'ailleurs sans faire écho aux origines «bestiales» du terme femme. Issu du latin femella «petite femme», la femelle est celle que l'on utilisa pour qualifier un «animal appartenant au sexe apte à produire des ovules». Mais pas que! Elle fut également à la racine des termes «fumelle» qui donna «la femme de mœurs légères, prostituée» et «femellier», employé pour désigner un homme à femmes, «courant de femelle en femelle».

Pas besoin de casser des œufs sur les femmelettes et les hommelettes

Les siècles qui suivront ne seront pas en reste. Au XIIIe siècle, la femme accouchera du terme «féminité». Il définira «l'ensemble des caractères propres à la femme» et par extension «l'absence de virilité» chez le sexe fort. Une signification qui ne sera pas sans influencer le mot «femmelette» au XIVe siècle. Substantif pour le moins étonnant, quand on se souvient qu'il servit à la fois à qualifier «un homme dépourvu de force de caractère». Et ajoutera Musset, «un fieffé poltron! une femmelette, l'ombre d'un ruffian énervé!», dans son Lorenzaccio. Nul besoin de casser des œufs sur les dictionnaires! On retrouve l'exact opposé de la femmelette chez l'hommelette, «homme qui n'a rien des qualités et des vices de l'homme».

Aux détracteurs qui verront dans ces explications l'expression d'une misogynie, on rappellera que la langue n'a rien de sexiste. N'oublions pas en effet que ce sont les usages qui la rendent négative. Le verbe «féminiser», par exemple, qui peut se retrouver aujourd'hui dans le sens de «faire perdre, à un homme, sa masculinité» s'employa à l'origine au XVIe siècle pour décrire les hommes précieux, qui comme les femmes, se badigeonnaient de poudre et s'arrosaient de parfums. La «féminisation» à cette époque n'avait rien de péjoratif. Sauf sous la plume de certains littérateurs...

Entre exaltation et exécration, le mot «femme» nous rappelle finalement que langue et mentalités sont toujours liées. Hier «épouse», aujourd'hui «féministe», la femme n'a pas fini d'être ce qu'elle est: tout et son contraire. N'oublions pas d'ailleurs, pour l'anecdote, que le féminisme «doctrine visant à l'extension du rôle des femmes» que revendiquent certaines personnes aujourd'hui, fut également employé au même siècle... pour caractériser la «présence, chez un individu de sexe masculin, de caractères sexuels secondaires féminins».

Et le dictionnaire créa la femme

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