Il n’y a qu’à suivre le guide. Ou plutôt, le fléchage. Des derniers étages jusqu’au rez-de-chaussée, la direction qui mène au "bar" est inscrite sur les murs au marqueur rouge. Un comptoir fait maison et installé à la caisse centrale de l’ancien hôpital de Pontivy, fermé depuis cinq ans et situé à un jet de pierre des parkings de Pontivy Communauté. Un établissement devenu un lieu de fête clandestine pour quelques squatteurs en quête de sensations.
Patrick y tient son bar
Mais comment peuvent-ils y pénétrer ? Par la porte, tout simplement. Ouverte aux quatre vents, l’aile Est du bâtiment dispose d’une barricade éventrée depuis belle lurette. Une liberté de passage qui permet à quiconque de vandaliser cette institution qui fit la fierté des Pontivyens. Autrefois propret, l’établissement est désormais souillé. Dégradé. Déshonoré, même. Sur les murs, une flopée de dessins au caractère salace chemine dans tout le bâtiment. Jusque même dans le bloc opératoire et les services de neurologie et de néphrologie, rebaptisés "neurologie des cons" et "néphrologie du zizi".
Mais c’est au rez-de-chaussée, surtout, que les visiteurs aiment d’abord se retrouver. Et plus précisément "Au bar chez Patrick", nom donné à ce qui faisait office, jadis, de caisse centrale de l’hôpital. Sur ce zinc imaginaire, du tabac roulé, un bloc de savon antibactériens, une trappe de sécurité incendie, une antenne télé arrachée, un paquet de bonbons et une inscription : "5 € l’entrée". Un écriteau qui, comble du comble, propose même la "possibilité d’avoir un guide privé" pour visiter l’hôpital désaffecté.
Devenu, avec les passages répétés, un véritable tohu bohu, l’endroit s’est mué en un inimaginable chaos silencieux. "Un endroit apocalyptique", sourient deux jeunes croisés non loin des lieux.
D’autres y risquent leur vie
"C’est cool de venir ici. C’est dangereux, surtout à l’étage ou sur le toit, car on peut tomber. N’empêche, c’est cool". Mais interdit. "Les gendarmes vont arriver, nous venons d’être repérés par le gardien. Ils nous feront la morale…" Une morale qui ne suffira pas à dissuader les férus "d’Urbex", autrement dit l’exploration urbaine, activité en vogue et qui consiste à visiter des lieux généralement interdits et abandonnés, en sautant de toits en toits. Et en s’infiltrant jusqu’aux entrailles secrètes de l’établissement vandalisé du sol au plafond. Un charivari anarchique qui a tout de même épargné la nurserie : qui sait, certains vandales y sont peut-être nés…
C'est dangereux mais n'empêche, c'est cool de venir ici
Un peu plus loin, sous les plafonds éventrés, des cadavres de bières, des flaques d’eau, de la matière fécale. Sur les murs des nombreuses coursives, toujours ces messages à connotations sexuelles, qui s’étirent jusqu’au bloc opératoire et dans le service de chirurgie de jour. Là, par terre, quelques radiographies vagabondes rappellent qu’il n’y a pas si longtemps, l’endroit était bel et bien un hôpital. Un hôpital qui appartient au "Centre hospitalier du Centre-Bretagne, qui paye une société qui se charge de la sécurité des lieux, précise Christophe Beller, adjoint à Pontivy. Nous faisons le maximum mais à notre niveau, on ne peut faire que de la sécurité périmétrique. On prévient l’hôpital et les riverains nous tiennent informés des allées et venues. Mais nous ne pouvons pas faire plus que de la patrouille régulière".
Malgré notre tentative, nous n’avons pas pu joindre la direction du Centre hospitalier du Centre-Bretagne, propriétaire des lieux.