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ÉDUCATION

Dans les familles réfugiées, "la priorité de l'éducation est donnée aux garçons"

Un rapport du Haut-commissariat aux réfugiés de l'ONU, publié mercredi, alerte sur "l'insuffisance critique" de l'éducation des jeunes filles réfugiées. Entretien avec la responsable du pôle éducation du HCR, Ita Sheehy.

Deux écolières palestiniennes dans le camp de réfugiés de Rafah, dans la bande de Gaza, le 6 février 2018.
Deux écolières palestiniennes dans le camp de réfugiés de Rafah, dans la bande de Gaza, le 6 février 2018. Said Khatib, AFP
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À la veille de la Journée internationale des femmes, le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a publié, mercredi 7 mars, une étude révélant une "insuffisance critique dans l’éducation des jeunes filles réfugiées". Selon l’agence, si les 3,5 millions d’enfants réfugiés dans le monde ont, de manière générale, un accès très restreint à l’éducation, les filles sont deux fois moins susceptibles d’être inscrites à l’école secondaire que les garçons.

Dans certains pays comme le Kenya et l'Éthiopie, le déséquilibre est encore plus flagrant, avec quatre filles réfugiées inscrites dans l'enseignement secondaire contre dix garçons, selon l’étude. Pourtant l'éducation, rappelle le HCR, permet aux filles de mieux se protéger et d'être moins vulnérables à l'exploitation, à la violence sexuelle, aux grossesses non désirées ou encore aux mariages précoces. Le rapport constate aussi "que plus les jeunes filles progressent dans leur scolarité, plus elles développent des compétences en termes de capacité à diriger, d’autonomie et de résilience". Entretien avec Ita Sheehy, responsable du pôle éducation du HCR.

Pourquoi les jeunes filles réfugiées ont-elles plus de mal que les garçons à accéder à l'éducation ?

Il faut d’abord comprendre que la majorité des réfugiés dans le monde ne vivent plus dans les camps. Quelque 70 % d’entre eux vivent dans des villes ou zones urbaines. C’est un avantage, car cela leur donne la possibilité d’être insérés dans les communautés hôtes, mais cela entraîne beaucoup de complications pour leur accès à l’éducation, car il n’y a pas ou très peu de centres dédiés. Les familles réfugiées n’ont pas les moyens de payer l’école, elles sont souvent plus pauvres que le reste de la population, elles n’ont pas de revenus, beaucoup n’ont pas le droit de travailler dans la plupart des pays hôtes. Du fait de cette pauvreté, beaucoup de parents poussent leurs filles à se marier très tôt, car ils pensent que ça les mettra à l’abri. Dans beaucoup de pays, quand elles sont mariées ou enceintes, elles quittent l’école. Par ailleurs, les filles ne vont pas à l’école pour s’occuper des autres enfants en bas âge dans le foyer, lorsque les parents sortent pour travailler au marché noir.

>> Lire aussi : "'Searching for Syria' : le HCR lance un site d'informations sur la guerre en Syrie"

Avez-vous constaté ce fossé entre filles et garçons dans tous les pays où vous intervenez ?

La pauvreté, qui génère ces failles éducatives, est généralisée chez les réfugiés, et le scénario du mariage précoce des jeunes filles est très commun, quelle que soit la région du monde.

Que vous disent les familles que vous avez approchées dans votre enquête ?

Du fait de la gratuité supposée du primaire, les enfants, tout sexe confondus, peuvent y être inscrits. Ça se complique pour le secondaire. 23 % des enfants de réfugiés s’y rendent [contre 84 % en moyenne à travers le monde], dont moins d’un tiers de filles. Les parents font des choix, et la priorité est donnée aux garçons, car beaucoup de conventions sociales et culturelles dictent qu’ils pourront rapidement devenir indépendants, contrairement aux filles. Les parents pourtant nous disent que s’ils avaient plus de revenus, ils enverraient aussi leurs filles dans le secondaire. Or on constate que dès que les filles y vont, la probabilité qu’elles se marient trop tôt se réduit de 64 %.

>> Lire aussi : "Soudan du Sud : 60 000 civils ont fui le pays en proie aux violences, selon le HCR"

Quelles solutions proposez-vous pour remédier à cette problématique ?

La priorité est de sensibiliser les gouvernements hôtes. Il suffit de regarder les statistiques : les conditions sociales et économiques s’améliorent si les filles sont scolarisées. C’est aussi vrai pour les réfugiées. La plupart des réfugiés, dans le monde, le sont depuis vingt ans ou plus. En 2017, seul 1 % des réfugiés sont rentrés dans leur pays d’origine, et 1 % ont émigré dans un autre pays, notamment en Europe. 98 % sont restés. Les pays hôtes ont tout intérêt à investir dans ces populations, car elles vont rester longtemps. C’est critique, pour s’assurer que ces individus seront occupés et productifs dans le futur. Et les gouvernements peuvent constater que les filles éduquées contribuent à stabiliser les communautés.

On pense souvent à tort que réfugiés ne sont pas productifs et ne font que prendre de l’argent. Ils sont pourtant une force économique. Les jeunes filles ne sont pas en reste. Si on leur donne la possibilité de s’investir, elles deviennent une force vive pour l’économie nationale.

>> Voir notre reportage : Le spectre du retour au pays pour les immigrés haïtiens sommés de quitter les États-Unis

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