•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Et si le congé parental était partagé 50-50?

Julianna Charchun vient de retourner au travail. C'est son conjoint, Harold Semenuk, qui reste à la maison pour s'occuper de leur petit bébé dans les prochains mois.

Julianna Charchun vient de retourner au travail. C'est son conjoint, Harold Semenuk, qui reste à la maison pour s'occuper de leur petit bébé dans les prochains mois.

Photo : Radio-Canada / Emilio Avalos

Radio-Canada

Le gouvernement Trudeau annonçait, la semaine dernière, une mesure incitative pour encourager les nouveaux pères à prendre cinq semaines de congé parental. Des femmes pensent qu'il faut aller plus loin et encourager les hommes à en prendre beaucoup plus.

Un texte de Marie-Pier Mercier et Laurence Martin

Quand Julianna Charchun s’est sentie prête à fonder une famille, à 31 ans, elle venait juste de décrocher son emploi de rêve : chef de cabinet du maire d’Edmonton. Le genre de poste où on n’arrête jamais.

« J’avais peur, en ayant un bébé, de manquer des occasions d’avancer dans ma carrière, de décevoir mes collègues, mon patron », explique-t-elle.

Avec son conjoint, Harold Semenuk, elle calcule soigneusement ses affaires. Elle attend quatre ans – que le maire en soit à son deuxième mandat – pour avoir un enfant. Et elle décide de prendre seulement six mois de congé de maternité.

C’est Harold qui est à la maison, en ce moment, pour l’autre moitié du congé parental.

Pour Julianna, ce genre de partage est bénéfique pour les femmes, mais aussi pour les hommes. Ils développent, dès les premiers mois, un lien fort avec leur enfant et ils réalisent aussi l’impact professionnel que peut avoir une absence prolongée.

Plus les pères comprendront ce que ça implique de perdre une partie de leur salaire, de perdre des occasions d’avancer dans leur carrière, parce qu’eux-mêmes le vivent, plus notre société va devenir égalitaire.

Une citation de Julianna Charchun

Son conjoint le reconnaît. Le fait de s’absenter six mois lui a ouvert les yeux.

Je sens la pression moi aussi [...] Quelles occasions est-ce que je suis en train de manquer? Maintenant, je comprends cette anxiété.

Une citation de Harold Semenuk

C’est possible, mais pas obligatoire

Julianna Churchan, 35 ans, pense que partager le congé de parentalité est très important pour les mères et pour les pères.

Julianna Churchan, 35 ans, pense que partager le congé de parentalité est très important pour les mères et pour les pères.

Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

À l’heure actuelle, au pays, un couple peut partager le congé parental comme il le désire, mais ce sont surtout les mères qui finissent par prendre la majorité ou la totalité du temps.

Seul le Québec offre un congé de cinq semaines réservé exclusivement aux pères, un congé qui sera bientôt disponible partout au Canada.

Combien de temps les pères prennent-ils?

Au Québec, 80% des hommes prennent congé après la naissance de leur enfant. Ils partent en moyenne neuf semaines.

Dans le reste du Canada, seuls 13 % des hommes prennent un congé parental.

Stephanie McLean, la première femme albertaine à avoir eu un enfant alors qu’elle était ministre, croit que de longs congés réservés aux pères (donc non transférables à la mère) permettraient de changer les mentalités.

Si on encourage les hommes à s’absenter plus longtemps après la naissance d’un bébé, les employeurs ne se diront plus : “Si j’engage une femme, elle va s’absenter un an.” Les mêmes attentes vont être là pour les hommes.

Une citation de Stephanie McLean, ministre du Statut de la femme en Alberta
La ministre Stephanie McLean sur les marches de l'Assemblée législative à Edmonton.

La ministre albertaine du Statut de la femme, Stephanie McLean, a pris trois semaines de congé, après la naissance de son fils. C'était la première femme à avoir un enfant alors qu'elle était députée en Alberta.

Photo : Radio-Canada / Geneviève Tardif

Cette proposition ne règlerait pas tous les problèmes. Même celles qui prônent un partage à parts égales du congé parental l'admettent.

Sophie Brière, professeure de management à l'Université Laval, vient de terminer une étude des milieux de travail très compétitifs, comme le droit, la médecine, la finance, où c’est encore « très difficile pour les femmes de faire carrière » si elles ont des enfants.

Selon elle, les organisations ont encore beaucoup à faire pour changer la donne.

Autre limite : bien des femmes tiennent à leur congé de maternité d’un an – un congé qu’elles ont mis des années, des décennies même à obtenir et qui leur a permis de concilier famille et travail.

La mère, parent principal?

Selon la professeure en sociologie et en études féministes Francine Descarries de l’Université du Québec à Montréal (UQAM), on entre là au coeur du débat : la mère est encore vue comme le parent principal dans une famille.

On voit de plus en plus de pères s'investir, et cela dès le plus jeune âge de l'enfant. Mais il y a quelque chose qui n'a pas encore bougé dans les mentalités. [...] La psychologie populaire surtout voit encore la mère comme le parent principal.

Une citation de Francine Descarries, professeure de sociologie, UQAM

Les mères, ajoute-t-elle, continuent d’assumer ce qu’on appelle la « charge mentale » de la famille : le fait de penser à tout, d’organiser tout. « Les femmes ont encore conscience que l’avenir de leur famille repose sur leurs épaules et ça nuit à leur mobilité sociale. »

D’après la professeure Descarries, le changement véritable, on le verra quand « le rôle de père et le rôle de mère [...] seront équivalents », quand on considérera la « maternité comme la paternité ».

Une idée qui est loin de faire l’unanimité, y compris chez les femmes elles-mêmes. Bien des mères, ajoute Mme Descarries, se pensent vouées à cette mission, surtout dans les premières années de vie de leur enfant.

Christine Mainville assise à son bureau.

Christine Mainville est avocate associée au bureau Henein Hutchsion à Toronto. Elle n'est pas toujours à la maison pour donner le bain à ses deux filles. Elle croit que les femmes doivent cesser de sentir coupables de ne pas être là pour tous les évènements dans la vie de leur enfant.

Photo : Henein Hutchison

Souvent, note Christine Mainville, qui est associée d’un grand bureau d’avocats à Toronto, les femmes se sentent coupables si elles ne sont pas « à la maison chaque soir pour manger avec leurs enfants » – un sentiment auquel les hommes n'ont pas à faire face et qui doit cesser, selon elle.

Même Julianna Charchun, qui a pourtant divisé son congé parental avec son conjoint, a de la difficulté à se départir complètement de ce sentiment de culpabilité : « Je sais que je manque des moments importants », dit-elle, émue.

Pour elle, il n’est toutefois pas question de faire marche arrière. L’égalité, croit-elle, passe par le partage : « Notre fils passe du temps avec son père et c’est très important aussi. »



Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.