Russie : une opposition étouffée

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Russie : une opposition étouffée

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Manifestation en mai 2012, à Moscou
Manifestation en mai 2012, à Moscou
© Getty - Sasha Mordovets

Dimanche aura lieu le premier tour de l'élection présidentielle en Russie. Le scrutin apparaît sans surprise, tant Vladimir Poutine est favori pour sa réélection. Et l'opposition semble battue avant même le début du vote tant le régime contrôle la vie politique.

Tout est verrouillé en Russie. A tel point que l'on se demande s’il se déroule actuellement une campagne électorale. Le régime de Vladimir Poutine contrôle toutes les informations, toutes les rumeurs, tous les opposants, pour que tout apparaisse sous contrôle et que tout devienne lisse. Que les Russes ne s'en fassent pas, ils peuvent dormir tranquilles. Après deux décennies de pouvoir, le futur nouveau gouvernement ressemblera-t-il à celui de l’un de ses prédécesseurs : Brejnev ?

En route vers un quatrième mandat, Vladimir Poutine a peur d'une situation qui peut se produire un jour et qui ne serait pas complètement sous contrôle. Il veut éviter de prendre le maximum de risque. Alors, il semble plus simple que la résistance soit peu audible même si elle ne présente pas un réel danger pour le pouvoir. Par conséquent, comme l'a décidé le Kremlin, Alexei Navalny a suivi la campagne électorale depuis la ligne de touche. Pas de risque que la Russie donne quelques voix à l'opposition représentée par ce dangereux Navalny. Que peut faire l’intéressé pour tenter d’exister malgré tout ? Faire connaître son combat à l'étranger, auprès de la Cour Européenne des Droits de l'Homme, où il a pu rappeler facilement qu'il a été arrêté et emprisonné sept fois, entre 2012 et 2017, pour avoir manifesté contre le gouvernement de Vladimir Poutine.   

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Faire un maximum de bruit à l'ouest est sa seule solution pour lutter contre ce qu'il considère être de l'arbitraire de la part du régime russe. Mais il manque de soutien de la part de la population, qui dans l'immense majorité supporte cette situation. 

Ceci dit, Navalny prétend avoir dans le pays un soutien de 200 000 personnes, des opposants motivés, prêts à le croire et à le suivre. Avec en particulier de très jeunes gens résolus à aller au combat contre le régime. Pour Navalny, "Poutine a peur de [lui], peur des gens qu['il] représente ".

Les Russes préfèrent un présent sans surprise à un futur complètement aléatoire

L'opposition a du mal à se faire entendre en Russie. Elle survit malgré l'étouffement face à un régime qui ne veut pas voir une oreille qui bouge. La population déteste les révolutions, et se méfie des changements. Une telle situation s'est déjà produite par le passé, lorsque Leonid Brejnev a gardé le pouvoir pendant 18 ans, de 1964 à 1982, avec une idée fixe : surtout, que rien ne bouge.  La vie politique russe aurait donc pris un coup de vieux. Les Russes ne veulent pas prendre le moindre risque. Sans même parler de révolution, la seule perspective d’un changement politique à la tête du pays provoque le cauchemar dans les têtes. Les électeurs russes, dans leur grande majorité, veulent une situation sans la moindre transformation. Le même président depuis 20 ans est donc la situation idéale pour beaucoup. L'ordre avant tout, et surtout pas des manifestations, qu'ils considèrent comme une forme de chaos. Vladimir Poutine l’a bien compris, lui qui ne cesse de placer dans tous ses discours, son mot favori : la stabilité… dont il prétend bien sûr être le meilleur garant.

Les citoyens n'ont pas oublié le régime changeant du temps de Boris Eltsine, et ils sont fiers de la situation actuelle, qui a complètement changé depuis l'arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. 

Les Russes préfèrent un présent sans surprise à un futur complètement aléatoire.  

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Menaces et agressions pour les opposants

Devant une telle situation figée, les militants choisissent de se replier sur la vie quotidienne et non sur l'action politique. Comme cette dernière est bloquée par le régime, il paraît plus simple de mettre en place des actions beaucoup plus modestes. Comme on ne peut pas transformer la vie politique, ils vont se contenter d’agir sur la vie quotidienne. Cette voie semble avoir été choisie par l'association de défense Mémorial pour mener ses actions en faveur des droits de l'homme. Travaillons simplement au niveau des citoyens, de leurs droits, et tant pis pour les rôles purement politiques, disent leurs responsables, dont certains sont régulièrement inquiétés par le pouvoir en place.

L'activiste Ilya Yashin dépose des fleurs le 25 fév. dernier en hommage à Boris Nemtsov, à l'endroit même où l'ex leader de l'opposition avait été abattu de 4 balles dans le dos à deux pas du Kremlin
L'activiste Ilya Yashin dépose des fleurs le 25 fév. dernier en hommage à Boris Nemtsov, à l'endroit même où l'ex leader de l'opposition avait été abattu de 4 balles dans le dos à deux pas du Kremlin
© AFP - Vasily MAXIMOV

Il faudra sans doute attendre la fin de l'ère de Vladimir Poutine pour avoir des changements. Des opposants ont dû renoncer à leur combat pour éviter de perdre leurs vies. C'est le cas des "stars" Gary Kasparov ou Mikhaïl Khodorkovski, mais aussi de personnalités plus méconnues comme la journaliste du site internet Meduza, Evguenia Tchirikova, réfugiée en Estonie, la rédactrice en chef d'Open Russia, Veronika Koutsillo, ou l'homme politique Vladimir Kara-Murza, proche de Khodorkovski. Tous ont également en tête le sort d'Anna Politkovskaïa, journaliste et une militante des droits de l'homme assassinée fin 2006 à Moscou, ou celui de Boris Nemtsov, opposant revendiqué tué à seulement 200 mètres du Kremlin il y a trois ans sans que l'on sache encore aujourd'hui par la volonté de qui. Les 24 et 25 février derniers, différentes manifestations ont eu lieu dans le pays pour lui rendre hommage. Avec 4 500 participants selon la police à Moscou, 7 000 selon les organisateurs.

Et pour ceux qui ont décidé de continuer à lutter, il reste le danger de l'agression, comme la journaliste de la radio Écho de Moscou, Tatiana Felguengauer attaquée au couteau. Sans oublier l'affaire en cours qui fait grand bruit entre le Royaume-Uni et la Russie après l'empoisonnement d'un ex-agent double russe, Sergueï Skripal, et de sa fille. Affaire qui rappelle l'empoisonnement au polonium, toujours à Londres, fin 2006, de l'ancien agent des services secrets russes Alexandre Litvinenko.

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Avoir des difficultés et recevoir des menaces si l'on veut s'exprimer, ou se taire complètement, même si l'on est pas d'accord, tel est le difficile choix des opposants, pour les uns, et de simples citoyens, pour les autres. 

Il n'existe donc finalement que la possibilité de supporter le président sortant, Vladimir Poutine. 

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