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Scandale de l'eau : entre la justice et "Cash investigation", le Siaap cerné de toute part
Le Siaap est le service public qui traite les eaux usées d'Ile-de-France
Fanny Schertzer CC

Scandale de l'eau : entre la justice et "Cash investigation", le Siaap cerné de toute part

Ile-de-France

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Ce mardi 13 mars est un jour important pour le syndicat intercommunal pour l'assainissement de l'agglomération parisienne. La Cour administrative d'appel de Paris a rendu un jugement sur un gros contrat au profit de Veolia, sur lequel planent des soupçons de favoritisme. Et l'émission "Cash investigation" promet des révélations sur un autre marché...

« Cette fois-ci, c’est la fin de partie pour le Siaap ». Pour Marc Lainé, un des rares consultants indépendants sur les marchés de l’eau et animateur du site eauxglacées.fr, la messe est dite pour le puissant syndicat intercommunal pour l'assainissement de l'agglomération parisienne. Les révélations sur l’attribution d’un marché d’un demi milliard d’euros en 2013, sur lequel le Parquet national financier (PNF) enquête et que le magazine Cash investigation devrait diffuser ce mardi 13 mars sur France 2, risquent fort de bousculer le syndicat qui depuis 15 jours, n’ose plus bouger une oreille. En tout cas, en termes de gestion. Ce qui ne l'a pas empêché de porter plainte pour violation de domicile contre Elise Lucet, la présentatrice de Cash.

Soupçon de favoritisme pour Veolia à Valenton

Mais le quatrième pouvoir n’est pas le seul à peser de son poids dans la balance. Le pouvoir exécutif, en la personne de Michel Cadot, représentant de l’Etat, tape lui aussi comme un beau diable sur le Siaap. Comme Marianne l’avait révélé en décembre dernier, le préfet d’Ile-de-France, soupçonnant son attribution de favoritisme, a déféré devant la justice le récent contrat de 400 millions d’euros pour la gestion de l’usine de Valenton (Val-de-Marne) confiée à Veolia. Une première dans la longue histoire des marchés de l’eau en France, qui se règlent ordinairement, même pour les plus malodorants d’entre eux, dans les couloirs des palais de la Républiques et des salles de réunions des grands groupes. Et il a reçu un soutien inattendu, celui d’un autre pouvoir : la justice. Selon nos informations, la Cour administrative d’appel (CAA) de Paris a suspendu ce mardi le contrat. Un jugement rendu à peine 2 mois et 20 jours après sa saisine le 30 novembre.

« On n'a jamais vu ça », commente, incrédule, la greffière devant son écran en vérifiant trois fois les dates. Cette étrange urgence est en effet très inhabituelle. Ce délai de traitement, 80 jours, pourrait faire rêver tous les justiciables de France : en moyenne, cette cour traite au mieux ce genre d’affaires en neuf mois. Cette procédure n’a pas échappé au PNF. Après une douzaine de gardes à vue et une mise en examen sur les affaires de 2013 en juin dernier, il a récemment reçu sur ce contrat de Valenton de 400 millions d’euros, une plainte de deux associations de consommateurs : l’Association pour un contrat mondial de l'eau (ACME), qui lutte sur la planète pour l'accès libre par tous à l'eau, et le Front républicain d'intervention contre la corruption (FRICC). En cause, « des atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les délégations de service public » ; le nouveau nom du favoritisme dans le code pénal.

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La mairie de Paris dans la danse

On a appris également que la mairie de Paris aurait fait un signalement au parquet à la suite des éléments que Cash investigation lui aurait mis sous les yeux. Ce n’est pas la première fois que l’équipe d’Anne Hidalgo se tourne vers la justice. Elle aurait déposé une plainte avec constitution de partie civile, il y a quelques années.

La diffusion d’un reportage à charge, une décision défavorable du tribunal administratif en appel, la saisine par la mairie de Paris du parquet, le courroux d’un préfet. Voilà qui fait beaucoup. Surtout pour une structure déjà visée par une enquête du PNF pour « corruption, trafic d’influence, prise illégale d'intérêt, détournements de fonds public, entente et abus de bien sociaux ».

Le contrat aujourd'hui détenu par Suez à Valenton s'achève le 1er avril, date à laquelle c'est Veolia qui devrait lui succéder pour 12 ans. Mais comment imaginer que le business as usual l'emporte, quand ce sont trois affaires, la réfaction de l'usine d'Achères en 2012, celle de l'usine de Clichy-la-Garenne en 2015 et donc celle de Valenton en 2017, qui sont instruites, au pénal, par le PNF ?

Droit de réponse du Siaap

Mise à jour de l'article

« La cour administrative d'appel de Paris, statuant en référé, a certes ordonné la suspension de l'exécution du marché d'exploitation de l'usine d'épuration Seine-Amont conclu entre le SIAAP et la société VEOLIA, mais ceci au motif exclusif d'une stipulation du cahier des charges exigeant que les ouvriers du chantier parlent le français. Cette disposition relative à la langue d'exécution du marché, dite « clause Molière », que nous considérions justifiée par un motif d'intérêt général et qui n'est pas irrégulière par principe, n'a donc rien à voir avec un quelconque « soupçon de favoritisme » évoqué par votre article. Par ailleurs, le SIAAP conteste avec force toute infraction qui aurait été commise à l'occasion de l'attribution de l'un quelconque des marchés cités dans votre article. Si, comme vous l'écrivez, une information judiciaire est effectivement en cours depuis 2013, vos lecteurs doivent savoir que le SIAAP a dans cette procédure, et depuis l'origine, la qualité de partie civile, soit celle de victime des faits qui en sont l'objet s'ils étaient avérés. »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne