Adel Abdessemed, 47 ans, est de ces personnalités qu’on aborde comme on désactiverait une mine, avec précaution. L’artiste franco-algérien, auquel sont consacrées presque en même temps deux expositions, au Musée des arts contemporains (MAC’s) de Mons, en Belgique, et au MAC de Lyon, est un mélange de contradictions : émotif et éruptif, généreux et sentencieux, pétri de doutes et de certitudes. « C’est un détecteur qui repère les points névralgiques des espaces comme du monde », résume Denis Gielen, directeur du MAC’s. Depuis sa première exposition parisienne remarquée, en 2006, au Frac Île-de-France-Le Plateau, tout lui réussit. Il vit entre Paris, Londres et Fès, où il a des ateliers. En 2012, il avait les honneurs d’une exposition au Centre Pompidou, où sa statue monumentale du coup de tête envoyé par Zinédine Zidane à Marco Materazzi en 2006, exposée sur le parvis du musée, a fait sensation.
« Je ne critique pas l’islam ni les musulmans en tant qu’individus croyants. Je dénonce ceux qui dévoient cette religion en une idéologie politique totalitaire »
Adel Abdessemed
La cote de ses installations, vidéos et sculptures est élevée, surtout depuis qu’il a rejoint le giron de la collection de François Pinault, et de tant d’autres. Le succès ne lui fait pourtant pas baisser la garde. S’il s’exprime d’une voix douce, Adel Abdessemed a toujours la rage au ventre. Sa colère vient de loin, de sa jeunesse algérienne où il a vu ses amis tomber sous les coups des fanatiques islamistes. En 1994, lorsque le directeur de son école d’art est assassiné sous ses yeux, il émigre en France, à 23 ans.
Accueilli par des pères chrétiens à Lyon, il intègre l’école des beaux-arts. « On parlait déjà d’un phénomène Abdessemed, se souvient Thierry Raspail, directeur du MAC et figure de la scène artistique lyonnaise. Il était indépendant, ne cherchait pas à plaire aux institutions. » Plutôt du genre à bousculer l’ordre établi, il réussit à convaincre l’imam de la mosquée de Lyon d’apparaître nu dans une vidéo, Le Joueur de flûte (1996). Dans une autre, trois ans plus tard, il détricote la burqa noire d’une jeune femme, qui finit nue. Aujourd’hui encore, Adel Abdessemed défie l’intégrisme religieux. « Je ne critique pas l’islam ni les musulmans en tant qu’individus croyants, insiste-t-il. Je dénonce ceux qui dévoient cette religion en une idéologie politique totalitaire, en une nouvelle barbarie où les femmes sont les premières victimes. »
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