Réchauffement climatique : dans 33 régions du monde, la moitié des espèces pourrait disparaître

De Madagascar à l’Amazonie et jusque dans les Grandes plaines américaines, le dérèglement climatique pourrait menacer entre un quart et la moitié des espèces d’ici 2080.

 Les tortues marines pourraient notamment être particulièrement affectées par le réchauffement dans les zones méditerranéennes.
Les tortues marines pourraient notamment être particulièrement affectées par le réchauffement dans les zones méditerranéennes. AFP/JOSEPH EID

    De Madagascar à l'Amazonie et jusque dans les Grandes plaines américaines, le dérèglement climatique pourrait menacer entre un quart et la moitié des espèces d'ici 2080 dans 33 régions du monde parmi les plus riches en biodiversité, selon un rapport paru mercredi.

    Selon cette étude publiée par la revue Climatic Change et co-produite par le Fonds mondial pour la nature (WWF), si rien n'est fait pour l'enrayer, le réchauffement pourrait atteindre +4,5 °C et entraîner la disparition de 48 % des espèces au niveau local. Mais ce risque serait divisé par deux si la hausse de la température moyenne était contenue à +2°C, limite fixée dans l'accord de Paris adopté en 2015 sous l'égide de l'ONU.

    « La biodiversité mondiale va souffrir terriblement au cours de ce siècle, à moins que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir », prévient WWF. Partout, le climat vient s'ajouter aux menaces pesant déjà sur la faune et la flore : urbanisation, perte d'habitats, braconnage, agriculture non soutenable…

    Pics de chaleur, sécheresse. Les chercheurs des universités d'East Anglia (Royaume-Uni) et James-Cook (Australie) ont étudié la situation climatique de 80 000 espèces dans 33 régions jugées « prioritaires », aussi uniques et diverses que l'Amazonie, le désert de Namibie, l'Himalaya, Bornéo, le lac Baïkal ou le sud du Chili. Les saisons aujourd'hui exceptionnellement chaudes devraient y devenir la norme, parfois dès 2030, et même avec un réchauffement limité à +2°C. Pics de chaleur plus notables, moindres précipitations, sécheresses durables sont attendus en de nombreux endroits.

    Sur ces zones, plus de la moitié de la surface (56 %) resterait vivable à +2°C. A +4,5°C, cette part pourrait tomber jusqu'à 18 % : ce que le WWF appelle des zones « refuges ».

    Les plantes premières victimes. Elles devraient être particulièrement affectées, plus lentes à s'adapter, bougeant moins facilement. Ce qui en retour pourra nuire aux animaux en dépendant. A +4.5°C, 69 % des espèces de plantes risquent de disparaître en Amazonie.

    Les animaux les plus mobiles s'en sortiront mieux. Du côté animal, reptiles et amphibiens ont plus de risques d'être « dépassés » que les oiseaux ou les mammifères, plus mobiles. Beaucoup dépendra en effet de la capacité des espèces à se déplacer pour suivre leur climat de prédilection : pourront-elles suivre ? Seront-elles bloquées, par exemple par des villes, des montagnes ? Auront-elles, à l'arrivée, un endroit pour vivre ?

    Le sud-ouest de l'Australie, dans le pire scénario, voit près de 80 % des espèces de mammifères menacées d'extinction localement, perte ramenée à un tiers dans un monde à +2°C et en cas de capacités d'adaptation des espèces.

    L'exemple des tortues. La Méditerranée, qui compte par exemple trois espèces emblématiques de tortures marines, verrait près d'un tiers des plantes, mammifères et amphibiens menacés à +2°C, si aucune possibilité d'adaptation ne leur est laissée. Les tortues, selon l'étude, seraient touchées de deux façons. La température du sable où les tortues pondent leurs œufs déterminant le sexe des petites tortues, des températures de sable plus élevées pourraient conduire à la naissance uniquement de femelles. De plus, le changement climatique conduit à l'augmentation du niveau des mers, ce qui détruit de nombreux sites de nidifications.

    Des mesures de protection locales à envisager. Les engagements de réduction d'émissions pris à Paris conduisent le globe vers un réchauffement de plus de 3°C. Or à +3,2°C, 37 % des espèces risquent encore de disparaître localement, dans les régions étudiées. En outre, comme les gaz déjà émis vont continuer à réchauffer la planète. La fondation plaide pour des mesures de protection locales : corridors biologiques pour favoriser le déplacement des espèces, identification de zones de « refuge » en dernier ressort, restauration d'habitats…

    Cette publication intervient alors que s'ouvre samedi à Medellin (Colombie) une importante conférence sur l'état de la biodiversité dans le monde.