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Chez Ikea, un système d'espionnage des salariés "à grande échelle" avec l'aide de policiers
Quinze personnes pourraient être renvoyées devant un tribunal correctionnel.

Chez Ikea, un système d'espionnage des salariés "à grande échelle" avec l'aide de policiers

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La filiale d'Ikea en France aurait mis en place un système d'espionnage "à grande échelle" pour se renseigner sur des candidats à l'embauche et des salariés. ​A la demande du parquet de Versailles, le groupe risque d'être renvoyé devant un tribunal correctionnel.

Drôle de cuisine que celle-ci, entre un fabriquant de meubles en kit et… des policiers. Au terme de l'instruction visant la filiale française de la firme suédoise Ikea, le parquet de Versailles a conclu dans son réquisitoire final qu'Ikea aurait organisé "un système" d'espionnage "à grande échelle" de ses salariés ou des candidats à l'embauche à l'aide de fichiers de la police consultés illégalement, rapporte Le Monde ce mercredi 14 mars. Si la juge d'instruction Laurence Joulin suit les recommandations du ministère public, le groupe aura à en répondre devant un tribunal correctionnel en tant que personne morale.

En plus d'Ikea France, des "charges suffisantes" pourraient justifier le renvoi de quinze personnes physiques devant une juridiction pénale, selon le document. Parmi elles, on trouve cinq policiers ou ex-policiers. Afin de contrôler le passif des salariés, Ikea aurait bénéficié de leur aide pour accéder aux données du Système de traitement des infractions constatées (Stic), auxquelles seules la police et la gendarmerie ont normalement accès.

Deux anciens patrons d'Ikea France sont mis en cause : Jean-Louis Baillot (en poste de 1996 à 2009) et son successeur, Stefan Vanoverbeke (qui cèdera sa place en 2015). C'est le premier qui aurait mis en place ce "système" pour vérifier le passé judiciaire des personnes recrutées ou qui postulaient. Le second aurait pris le relai en maintenant ses méthodes.

Les anciens dirigeants d'Ikea France nient

Selon Jean-François Paris, l'ex-responsable sécurité du fabricant de meubles, la "surveillance" aurait pris une dimension quasi-industrielle au milieu des années 2000 à la suite des instructions de Jean-Louis Baillot. Il explique qu'après de mauvaises expériences avec des candidats au "passif judiciaire", "Baillot a demandé de faire des recherches systématiques lors des ouvertures (de magasins, ndlr) pour éviter d'embaucher des personnes ayant des antécédents judiciaires".

Jean-Louis Baillot a reconnu avoir voulu éviter certaines "erreurs" dont celles du point de vente de Franconville dans le Val d'Oise où "les gens d'une même cité s'étaient échangés les questionnaires et avaient été recrutés tous ensemble". Mais il n'a jamais été question selon lui de lancer des "recherches systématiques d'antécédents". "Si je l'avais su, je les aurais stoppés. C'est contre mes valeurs et mes convictions", a également déclaré Stefan Vanoverbeke lors de son audition. A en croire les dires de Jean-François Paris rapportés par Le Monde, les deux patrons n'étaient effectivement pas au courant des méthodes "illicites" employées. Face à la magistrate, il a confié qu'il ne se souvenait "pas avoir dit que nous allions consulter le STIC".

Contacté par Le Monde, l'avocat d'une des quinze personnes mises en cause souligne que malgré un réquisitoire "très descriptif" aucun élément tangible sur la responsabilité du groupe suédois n'est apporté. C'est désormais à la juge de faire connaître sa décision sur un éventuel renvoi devant le tribunal, d'ici encore plusieurs mois.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne