Depuis qu'il a quitté le foyer où il était placé, Guillaume, 21 ans, est précaire et pour éviter la rupture, il bénéficie d'un accompagnement expérimental dédié aux anciens de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)

Depuis qu'il a quitté le foyer où il était placé, Guillaume, 21 ans, est précaire et pour éviter la rupture, il bénéficie d'un accompagnement expérimental dédié aux anciens de l'Aide sociale à l'enfance (ASE)

afp.com/GUILLAUME SOUVANT

"Je suis un vrai enfant de l'ASE, j'ai tout fait !", raconte à l'AFP ce garçon costaud, crâne rasé et visage rond, décrivant ses années en foyer, famille d'accueil, hôtel social ou lieu de vie et d'accueil (petite structure pour les prises en charge délicates).

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Placé jeune, Guillaume rêvait à sa majorité de retrouver la "liberté", mais il a "vite regretté" son empressement. "A 18 ans pile, j'ai fait mes valises et c'était fini. D'un jour à l'autre, je n'ai plus eu de suivi", se souvient-il.

Obligé de retourner vivre chez sa mère, dont il a longtemps été séparé, il décrit leur relation comme "fusionnelle mais compliquée". "Ca ne se passe pas très bien. Je suis presque à la rue", confesse ce jeune homme à la scolarité inachevée.

Pour les enfants placés, la fin des mesures d'aide sociale à l'enfance peut s'avérer abrupte et conduire, faute de ressources, à des ruptures scolaires et à l'isolement.

Ce sujet est l'un des axes de la concertation menée par le gouvernement en vue d'une stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes, dont les premières conclusions sont attendues jeudi.

En parallèle, le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a été saisi d'un avis spécifique sur l'accompagnement des sortants de l'ASE, qui doit être remis en mai.

- 'Angle mort' -

Selon l'Insee, près d'un SDF sur quatre (23?%) est un ancien enfant placé.

Ils sont "surreprésentés car la solitude familiale et les carences affectives en font des personnes très vulnérables", explique à l'AFP Pauline Beydon, directrice de la Maison d'enfant à caractère social (Mecs) du groupe Saint-Jean, site de 18 hectares de la fondation des Apprentis d'Auteuil situé à Sannois, près de Paris.

"Pour ces jeunes à peine majeurs, la principale problématique c'est le logement. Quand la solution c'est de retourner chez ses parents après avoir été placé longtemps, ce n'est pas pertinent", poursuit-elle.

Passé 18 ans, certains peuvent obtenir un contrat jeune majeur, qui prolonge la prise en charge par le département. Mais ces contrats "se raréfient" et sont "de plus en plus courts", observe Mme Beydon. "Les collectivités ne sont pas riches."

Fin 2016, on comptait 20.900 contrats jeunes majeurs pour environ 300.000 mineurs faisant l'objet d'une mesure de protection de l'enfance, selon l'Observatoire national de la protection de l'enfance.

Pour éviter les "sorties sèches" de jeunes peu préparés à l'autonomie, les Apprentis d'Auteuil expérimentent depuis deux ans la "Touline", un dispositif d'accompagnement des majeurs financé avec l'aide du Fonds social européen.

Aider à faire un CV, une demande d'allocation, faire une médiation en cas de conflit, accompagner l'arrivée dans un nouveau logement ou simplement prendre des nouvelles... Deux cents jeunes comme Guillaume sont ainsi suivis pendant trois ans après la sortie par un "chargé des anciens", détaille Mme Beydon.

Guillaume, qui passe encore régulièrement la porte du foyer Saint-Jean où il a passé une partie de son adolescence, reconnait que sans cette aide il aurait "déjà abandonné" ses recherches de stage.

Actuellement en Garantie jeunes, dispositif pour les 16-25 ans très éloignés de l'emploi, il espère ensuite pouvoir intégrer une mission de service civique et "aider les autres".

"Sortants de l'ASE, de la Protection judiciaire de la jeunesse, mais aussi avenir des mineurs non accompagnés: la question de l'accès à l'autonomie des jeunes majeurs n'a jamais vraiment été prise à bras le corps", estime Antoine Dulin, vice-président du Cese et membre de la concertation pauvreté.

Aujourd'hui "un jeune sur cinq vit sous le seuil de pauvreté" mais la "jeunesse est un des angles morts des politiques publiques", regrette-t-il.

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