Tariq Ramadan : des études en Égypte à géométrie variable

Il affirme être diplômé de la prestigieuse université al-Azhar au Caire. Or, il y a quelques années, il déclarait ne pas avoir passé de diplôme en Égypte.

De notre correspondant à Génève,

Tariq Ramadan, un islamologue aux diplômes de plus en plus contestés...

Tariq Ramadan, un islamologue aux diplômes de plus en plus contestés...

© MEHDI FEDOUACH / AFP

Temps de lecture : 5 min

Christelle, l'une des femmes qui accusent Tariq Ramadan de l'avoir violée et brutalisée, raconte qu'en 2009 le prédicateur lui propose de l'épouser par Skype pour un mariage temporaire, avant d'aller à la mosquée à Lyon… Elle est en France, lui dans une chambre d'hôtel à Rotterdam. « Il m'a dit que ses études islamiques lui donnaient le droit de le faire », raconte telle dans une interview donnée à Vanity Fair. Sur son site internet, Tariq Ramadan écrit qu'il a « suivi une formation intensive en études islamiques classiques avec des savants de l'université al-Azhar du Caire », et surtout, qu'il a « obtenu 7 ijazat dans 7 disciplines différentes ». L'ijazat est une autorisation d'enseigner les sciences de l'islam. C'est aussi une certification de mémorisation du Coran.

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Lire également sur ce sujet : « La vérité sur la thèse universitaire de Tariq Ramadan »

Très régulièrement, le petit-fils d'Hassan al-Banna se prévaut de ses études dans cette prestigieuse université islamique fondée au Caire en 969, selon le calendrier chrétien. Al-Azhar se veut la plus haute autorité de l'islam sunnite. Dans Le Matin dimanche, du 7 juin 2009, édité en Suisse, Tariq Ramadan est présenté comme « docteur ès lettres (islamologie-arabe) à Genève et au Caire ». Interviewé par Paris Match le 31 janvier 2011, il déclare : « Au début des années 1990, quand je faisais mes études en sciences islamiques à l'université d'al-Azhar au Caire. J'avais 28 ans et suivais un cursus intensif. »


Je ne désirais pas un diplôme

Né en 1962 à Genève, Tariq Ramadan a bien séjourné un peu plus d'une année en Égypte en 1992-1993 pour suivre une formation islamique. Mais à son retour, ses proches du Centre islamique de Genève comme ceux du Foyer culturel musulman, qu'il a créé, ne se souviennent pas de l'avoir entendu parler de ses études à al-Azhar. D'ailleurs dans L'Islam en question, qu'il coécrit en 2002 avec Alain Gresh, le rédacteur en chef du Monde diplomatique, Ramadan ne mentionne pas non plus la prestigieuse université. « Je décide alors d'aller suivre une formation islamique au Caire, dont les portes étaient à nouveau ouvertes pour nous. Je voulais aussi que mes enfants connaissent leurs origines, leur langue, leur religion », dit-il.

Lire aussi : « Tariq Ramadan aurait usurpé ses titres universitaires »

En 2005, dans l'ouvrage Faut-il faire taire Tariq Ramadan ? (1), il se montre encore plus précis : « J'ai suivi des cours intensifs pendant quatorze mois, que j'ai complétés lors de mes différents séjours. Sur un total de vingt mois d'études intensives et de cours individuels, j'ai pu couvrir le champ de formation des cinq années d'études de sciences islamiques dispensées dans les universités spécialisées. » Et surtout, il ajoute : « C'était mon but, mais je ne désirais pas un diplôme. Seul le contenu de la formation m'intéressait. » Non seulement Tariq Ramadan ne parle pas d'al-Azhar, mais il reconnaît ne pas avoir passé d'examens en Égypte !

Plus de séjour en Égypte

« Tariq Ramadan n'est pas un arabisant de première force. De toute façon, il n'aurait pas eu le niveau pour pouvoir suivre des études à al-Azhar », assure le politologue Gilles Kepel, auteur de l'ouvrage Le Prophète et le Pharaon. « Imaginez un complexe immense. Tariq Ramadan est sans doute entré dans l'enceinte de cette université. Il a pu prendre des cours privés avec un enseignant d'al-Azhar. Mais sa formation est plus que succincte. D'ailleurs, aucun théologien des pays musulmans ne l'a jamais pris au sérieux », déclare de son côté Alain Chouet, ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE. Ces deux arabisants ne sont pas les seuls à s'étonner que Tariq Ramadan ne parle pas couramment arabe. Ce qui paraît pourtant indispensable pour un islamologue.

Après 1992-1993, Tariq Ramadan aurait-il pu retourner au pays de ses ancêtres pour passer des examens ? Sur son site internet, le prédicateur évoque lui-même le 9 juillet 2013 son « refus de [se] rendre en Égypte dont j'ai été banni depuis 18 ans ». Tout récemment, sur le site LeMuslimPost, Aymen Ramadan, le frère aîné de Tariq, rappelait qu'en 1995, à la mort de leur père, Saïd Ramadan, « les autorités égyptiennes n'ont pas accepté que mes frères Bilal et Tariq accompagnent notre père à sa dernière demeure ».

Une sombre histoire d'argent

Comment expliquer que le petit-fils du fondateur des Frères musulmans n'ait même pas remis les pieds en Égypte au moment de la victoire de Mohamed Morsi, le candidat de la confrérie, en 2012 ? Toujours sur son site, le prédicateur donne maladroitement un prétexte : il savait avant tout le monde que les militaires allaient reprendre le pouvoir… En suivant la même logique, les socialistes européens ne se seraient pas rendus au Chili en 1970, craignant que le président Allende ne se fasse renverser par le général Pinochet. « En fait, Tariq Ramadan n'était surtout pas le bienvenu en Égypte. Il y a eu de sombres histoires d'argent entre la confrérie et les Ramadan », explique Alain Chouet, autrefois en poste à Genève.

En 1999, Richard Labévière, alors journaliste à la télévision suisse romande, publiait Les Dollars de la terreur (2). Il racontait, sans être démenti depuis, qu'à la mort de Saïd Ramadan en août 1995, « la famille s'est partagé une somme apparemment considérable que Saïd Ramadan avait en gestion pour le compte des Frères musulmans d'Égypte ». Selon Richard Labévière, cet argent aurait favorisé l'implantation de Tariq Ramadan en France et le développement de la maison d'édition Tawhid à Lyon, qui édite les ouvrages de la famille.

(1) Aziz Zemouri, L'Archipel

(2) Grasset

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Commentaires (25)

  • Hodor

    Plus le temps passé plus il était (voix vibrante de respect) islamologue ( comme il doit y avec des chretienologues mais on les cherche)

    peu étonné donc, pas plus que pour les histoires à Hollywood ou les ordures à Palerme.

  • voltairius

    Mr Ramadan a étudié les "sciences" islamiques : en quoi ces "connaissances" méritent elles le nom de science ? La science traite de faits scientifiques, constatés et constatables, vérifiables par des expérimentations praticables par d'autres expérimentateurs et en tous lieux adéquats, elle élabore des théories fondées sur des faits vérifiés, admises jusqu'à constatation de nouveaux faits ; il n'y a pas de "révélations" en science simplement de l'intuition parfois, toujours de la recherche qui va d'étape en étape, de question à réponse avec de nouvelles questions. Il n'y a ni science islamique, ni science chrétienne, ni science bouddhique mais des connaissances, des croyances, des religions qui satisfont leurs adeptes et c'est très bien ainsi. Mais il est choquant d'utiliser le mot "science" au sujet des études de Mr Ramadan alors qu'un vrai scientifique -et quel Homme ! - Mr Hawking vient de mourir... Les journalistes qui ont le privilège d'informer devraient trier les expressions et utiliser les mots en privilégiant leurs significations plutôt que leur usage trivial qui contribue à dénaturer la réalité pour en faire un magma informe.

  • sergio46

    Et on peut l'oublier sans regrets !