La citoyenneté canadienne pour la famille Badawi

La femme de Raïf Badawi, Ensaf Haidar, réclame la citoyenneté canadienne pour sa famille.

Lettre au premier ministre Justin Trudeau


C’est en ma qualité de présidente de la Fondation Raïf Badawi que je fais appel à vous aujourd’hui et pour donner suite à votre grande sollicitude à mon égard. Depuis 2013, je tente par tous les moyens de faire libérer mon mari, Raïf Badawi, d’une injuste condamnation, une condamnation qui lui a déjà valu cinquante coups de fouet (sur mille) et qui est accompagnée de 10 ans d’emprisonnement. Vous connaissez bien cette situation, puisque nous en avons discuté ensemble, une situation qui n’est pas sans heurter les valeurs de liberté d’expression et de démocratie chères au Canada.

Or, mon statut de résidente permanente au Canada ne me facilite guère la tâche lorsque je voyage pour sensibiliser le monde entier au sort de mon mari. Comme vous l’avez constaté sans doute, je dois sans cesse me déplacer d’un pays à l’autre pour répondre aux multiples sollicitations de gouvernements et d’organismes de défense des droits de la personne qui s’intéressent au sort de Raïf ou encore pour recevoir en son nom les honneurs dont il est comblé, comme ce fut le cas en 2015 lorsque le Parlement européen lui décerna le prix Sakharov pour la liberté de l’esprit. Je me déplace ainsi plusieurs fois par année pour remplir mes obligations de présidente de la Fondation Raïf Badawi, sans jouir pour autant de la nécessaire sécurité que procure la citoyenneté canadienne.

Je fais donc appel à votre bonté aujourd’hui afin que vous interveniez pour accélérer le processus d’obtention de ma citoyenneté et de celle de mes trois enfants, Najwa (14 ans), Doudi (13 ans) et Miriyam (10 ans). Je pourrais ainsi accomplir ma lourde tâche d’ambassadrice de mon mari sans craindre les tracasseries et les complications administratives liées à mon statut actuel.

J’ose également ajouter une requête importante à ma demande, celle de faire de mon mari, Raïf Badawi, un citoyen honoraire du Canada, comme vous l’avez fait pour l’extraordinaire Malala Yousafzai en avril dernier et comme il a été fait jadis pour le grand leader antiapartheid Nelson Mandela. Ce geste serait d’un grand réconfort pour Raïf et pour notre famille, en plus certainement de donner une assise aux démarches que vous faites pour sa libération. Vous savez certainement que la ville de Sherbrooke a fait de mon mari un citoyen d’honneur en 2015 et que l’Université de Sherbrooke lui a décerné, le 8 juin 2017 un doctorat honorifique pour son apport exceptionnel à la défense de la liberté d’expression. De plus, chaque vendredi, les vigiles se poursuivent devant l’hôtel de ville de Sherbrooke pour réclamer sa libération.

Remplie d’espoir, je vous prie d’accepter, monsieur le premier ministre, l’expression de ma plus haute considération.

Ensaf Haidar, Sherbrooke