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Industrie automobile

La RATP passe aux bus électriques, la Chine se réjouit

La RATP lance ce mercredi avec Enedis le chantier de conversion à l'électrique des deux-tiers de ses dépôts d’autobus. La RATP et Ile-de-France Mobilités comptent acheter jusqu'à un millier de bus électriques. La filière industrielle chinoise, subventionnée par Pékin, se frotte les mains.

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La RATP et Ile-de-France Mobilités lance le "plus important appel d'offres d'Europe pour l'achat de bus électriques"
AFP/Archives - GEOFFROY VAN DER HASSELT

« Verdir » les bus de la RATP va-t-il profiter aux constructeurs de bus chinois ? C’est un gros risque ! La RATP lance ce mercredi avec Enedis le chantier de conversion à l'électrique des deux-tiers de ses dépôts d’autobus, soit 17 contre 8 au gaz. Une convention, d'une durée de deux ans, a été signée, afin de « définir des modalités de raccordement optimales des centres-bus », selon un communiqué commun. Catherine Guillouard, PDG de la RATP qui compte 4.700 bus,  a salué ce mercredi « une aventure de pionnier dans la transition énergétique ». lors de la signature au dépôt Belliard dans le nord de Paris.

La RATP et Ile-de-France Mobilités avaient annoncé le 24 janvier dernier un appel d'offres portant sur 250 à 1.000 autobus zéro émission, pour un montant maximum de 400 millions d'euros. C'est le « plus important appel d'offres d'Europe pour l'achat de bus électriques », annonçait le communiqué officiel à cette date. « Mon ambition est de doter la région de 100% de véhicules propres en 2025 pour la zone dense (Paris, villes de petite couronne et grandes agglomérations régionales) », soulignait Valérie Pécresse, présidente du conseil régional et d'Ile-de-France Mobilités (ex-Stif). L'objectif est d'avoir « à terme (...) deux tiers de bus électriques et un tiers de bus au biogaz », ajoutait-elle. L'appel d'offres pour la RATP porte sur des bus de 12 mètres de long. Les premiers exemplaires de série devront être livrés fin 2020. Le marché sera divisé en trois lots égaux. Le résultat est attendu dans un an.

La RATP avait déjà effectué quelques achats de bus électriques pour des expérimentations conduites entre 2015 et 2017. L'entreprise publique a notamment testé des matériels des français Heuliez, Bolloré et NTL-Alstom, du franco-chinois Dietrich Carebus-Yutong, du Chinois BYD, de l'Espagnol Irizar et du Polonais Solaris. La flotte de la Régie compte actuellement 4.700 bus, donc 800 hybrides, 140 au bioGNV (biogaz) et 74 électriques. Parallèlement, Ile-de-France Mobilités compte lancer prochainement un appel d'offres portant sur « environ 450 bus » électriques destiné au réseau Optile, exploité par des opérateurs privés en grande couronne.

Les Chinois se frottent les mains

Le problème, c'est que de tels appels d'offres risquent de favoriser les industriels chinois Yutong et BYD qui dominent le marché. Elisabeth Borne, aujourd’hui ministre des transports, n’excluait d’ailleurs nullement quand elle était PDG de la RATP l’achat de bus chinois ! Sur les quelque 120.000 bus électriques vendus dans le monde l'an dernier, 95% l'ont été en Chine. Du coup, forts des aides gouvernementales reçues dans l'ex-empire du Milieu et des économies d'échelle enregistrées, Yutong et BYD se retrouvent aux premières loges pour répondre aux desiderata européens.

La filière chinoise des bus électriques et une des priorités stratégiques de la politique gouvernementale de Pékin… Et un moyen de déstabiliser la concurrence occidentale ! Pour amadouer politiquement les clients, BYD a même annoncé le 23 mars 2017 un mini-investissement de 10 millions d'euros à Allonne (Oise) pour assembler des bus zéro émission à partir de composants importés de Chine, dont bien entendu les composants les plus nobles à forte valeur ajoutée. Quant à Yutong, il s'est associé au français Dietrich Carebus Group.

De forts surcoûts

Si le bus électrique n'a pas décollé en Europe, c'est par manque de modèle économique viable jusqu'à présent. « A 450.000 euros, le bus zéro émission coûte près de deux fois plus cher qu'un diesel », rappelle en effet Pierre Paturel, consultant au cabinet Xerfi. Et encore s'agit-il d'une estimation basse. Les batteries à elles seules coûtent 250.000 euros. Écueil supplémentaire : « il faut changer les batteries tous les sept à huit ans », indique Xavier Hubert, directeur général adjoint industriel de Keolis. En outre, passer à l'électrique « n'est pas sans risque pour les opérateurs, qui préféreront toujours rouler avec un bon diesel qui ne tombe pas en panne », insiste Laurent Probst, directeur général d'Ile-de-France Mobilités. Surtout que la qualité et la longévité des modèles chinois est sujette à caution.

Autre problème : la recharge. Il faut compter huit heures, ce qui nécessitera d'adapter les dépôts de bus en bout de ligne. « L'installation pour dix bus coûte environ 700.000 euros », selon Ile-de-France Mobilités. Question subsidiaire : « Tous les dépôts de bus pourront-ils recharger en même temps ? », se demande Antoine Dusart, directeur de la communication de l'Association pour le développement de la mobilité électrique (Avere). Car « l'appel de puissance sera alors très lourd ».

Si on additionne tous ces éléments, une étude de la centrale d'achat du transport public, publiée il y a plus d'un an, évaluait le coût d'un bus électrique à 970.000 euros sur douze ans d'exploitation - l'addition peut même dépasser le million si les batteries sont achetées ou louées -, contre 475.000 euros pour un modèle diesel. En outre, un bus électrique « transporte de 20 à 30% de voyageurs en moins », souligne Pierre Lahutte, patron du constructeur italien Iveco (qui a racheté les cars et bus de Renault). Et l'autonomie reste limitée. On est à « 150 kilomètres seulement », juge Xavier Hubert. Derrière les grandes proclamations politiquement correctes, un vrai problème financier et industriel est posé.

 

 

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