C’était une histoire qui promettait d’enrichir la mythologie de la Silicon Valley. Celle d’une jeune femme, Elizabeth Holmes, qui, à 19 ans, avait abandonné ses études à l’université Stanford pour fonder en 2003 Theranos, une start-up qui allait révolutionner les tests sanguins.

Elizabeth Holmes avait elle-même le sens de la narration – et de la mise en scène. Toujours vêtue d’un pull noir à col roulé – comme Steve Jobs, le fondateur d’Apple –, cette blonde aux yeux bleus vendait avec talent la technologie développée par son entreprise : une machine capable de procéder à un grand nombre d’examens avec seulement quelques gouttes de sang, sans aiguille, de manière indolore et, surtout, à un prix dérisoire. Cet outil devait permettre de détecter très tôt toutes sortes de maladies, assurait la jeune chef d’entreprise, qui, “dans ses interventions publiques et ses interviews, décrivait un monde dans lequel plus personne n’aurait à dire adieu trop tôt à un être cher”, se souvient The Wall Street Journal.

Certains investisseurs ont tout perdu

Mais ce mercredi 14 mars, “la Securities and Exchange Commission (SEC) a écrit ce qui pourrait bien être le dernier chapitre de l’histoire de Theranos”, commente le Los Angeles Times. Selon le gendarme des marchés financiers américains, tout cela n’était en réalité qu’une “fraude massive”. Pendant des années, la société, sa dirigeante-fondatrice et son ancien président, Ramesh Balwani, ont réussi à lever 700 millions de dollars en trompant les investisseurs, tant sur la technologie de Theranos que sur ses performances financières.

Une escroquerie dans laquelle certains investisseurs “ont tout perdu”, explique le Wall Street Journal, mais qui avait fait d’Elizabeth Holmes “l’une des femmes autodidactes les plus riches des États-Unis”, selon le magazine Forbes, qui estimait sa fortune à 4,5 milliards de dollars en 2015 (Theranos était évaluée à l’époque à 9 milliards de dollars).

“La SEC a commencé son enquête après que le Wall Street Journal a révélé, en octobre 2015, que l’outil présenté comme le cœur de la stratégie de la compagnie ne réalisait qu’une toute petite partie des tests vendus aux consommateurs”, rappelle aujourd’hui le quotidien des affaires. De fait, pratiquement tous les examens sanguins étaient effectués sur des appareils traditionnels achetés à des industriels comme Siemens.

Un biopic est en préparation

En 2016, l’étoile montante de la Silicon Valley était condamnée par les autorités sanitaires américaines à deux ans d’interdiction de posséder ou de gérer un laboratoire médical. Et cette semaine, Elizabeth Holmes, âgée de 34 ans, a accepté de payer une amende de 500 000 dollars. Aux termes de l’accord conclu avec la SEC, elle devra en outre céder le contrôle de Theranos et n’aura pas le droit de diriger une entreprise cotée en Bourse pendant dix ans. Ramesh Balwani sera de son côté poursuivi en justice par la SEC.

Selon le Los Angeles Times, il existe probablement beaucoup d’entreprises qui parviennent à collecter de l’argent auprès d’investisseurs de la même manière que Theranos :

Des entreprises à l’argumentaire fascinant, servies par des médias conciliants et crédules, avec un business plan qui élève le manque de transparence au rang de vertu et à leur tête, un dirigeant séduisant et tout-puissant.”

Pour Theranos, qui était au bord de la faillite en décembre, ce n’est peut-être pas encore le clap de fin. “La société est maintenue à flot par un prêt accordé par une société de capital-investissement et garanti par les brevets de Theranos”, poursuit le Wall Street Journal. Certains, donc, y croient toujours.

Quant à Elizabeth Holmes, son histoire devrait se poursuivre au cinéma, annonce le New York Times. Son personnage sera prochainement incarné par l’actrice américaine Jennifer Lawrence, dans un biopic réalisé par Adam McKay, et qui s’intitulera Bad Blood.