Elections en Russie : Poutine a son fan-club chez les politiques français

Tous ne s’en vantent pas, mais nombre de politiques français admirent le maître du Kremlin et prennent même souvent l’avion pour Moscou. Au grand agacement des autorités.

 Vladimir Poutine peut compter sur le soutien de nombreux politiques français. L’ancien ministre Thierry Mariani en est le plus fervent supporter.
Vladimir Poutine peut compter sur le soutien de nombreux politiques français. L’ancien ministre Thierry Mariani en est le plus fervent supporter. AFP/ERIC PIERMONT

    « Oui, je suis un agent double et à chaque fois que je prends du polonium, je fais gaffe! », se marre Thierry Mariani quand on lui demande s'il est une taupe à la solde du Kremlin. « C'est un fantasme, peste-t-il. La Guerre froide est finie. Les derniers espions qu'on a trouvés en France, c'étaient des Américains. » Sulfureux, l'ancien ministre Les Républicains, connu pour ses escapades en Syrie et en Crimée, est « la » tête de pont de la Russie en France. Roi de la provocation - il a fait parler de lui en prônant une alliance avec le FN - il assume crânement.

    L' empoisonnement d'un ex-espion russe, imputé à Moscou? « On ne descend pas un type une semaine avant une présidentielle ». Poutine? « Un chef d'État avec un E majuscule. Le symbole d'un État qui ne recule pas devant trois zadistes et deux crasseux ». Les voyages décriés en 2015 et 2016 de parlementaires français en Crimée, région d'Ukraine annexée - lui dit « rattachée » - par la Russie? « On a violé l'interdit ». Et il remet ça : depuis jeudi, Mariani conduit une discrète délégation de 26 élus français, dont huit députés et sénateurs, en Russie et en Crimée en tant qu'observateurs de la présidentielle russe. Il n'a pas prévenu le Quai d'Orsay. « Je ne veux pas déranger », dit-il avec un air de premier communiant.

    Avant de décoller, il nous a donné rendez-vous dans un immeuble des Champs-Elysées, au siège du « Dialogue franco-russe », vitrine française des « Poutinolâtres », dont il est président. « Ça fait fantasmer tout le monde », sourit l'ex député en dévoilant les 200 m2 qu'il partage avec les chemins de fer russes. « Si vous voulez des billets pour le Transsibérien… » Des locaux, assume-t-il, financés par des entreprises russes et françaises. « Tout est déclaré et transparent. » Lui certifie ne rien toucher pour les conférences qu'il donne sur place.

    Thierry Mariani et Sergueï Narychkine, son principal relais à Moscou. Ancien président de la Douma (le Parlement russe), ce proche de Poutine dirige les renseignements extérieurs russes./DR
    Thierry Mariani et Sergueï Narychkine, son principal relais à Moscou. Ancien président de la Douma (le Parlement russe), ce proche de Poutine dirige les renseignements extérieurs russes./DR AFP/ERIC PIERMONT

    Son principal relais à Moscou? Sergueï Narychkine, patron du SVR, le service du renseignement extérieur. De quoi irriter au sommet de l'État français. D'autant que Mariani est membre du comité d'éthique de Russia Today France, la chaîne russe à Paris qu' Emmanuel Macron accuse d'avoir véhiculé des « fakes news » contre lui à la fin de la campagne.

    De nombreux élus dans le fan-club

    L'ancien député LR adore la série « The Americans » : l'histoire d'agents du KGB implantés aux États-Unis. Cette russophile remonte à ses voyages de jeunesse en URSS dans les années 1970, qu'il finançait en vendant des vinyles d'Elton John et des jeans, recherchés au marché noir, dans les toilettes des hôtels moscovites. Il rencontre Vladimir Poutine dans les années 2000, mais ils ne sont pas intimes contrairement à François Fillon, qui a eu les honneurs de la datcha du « tsar de Russie ».

    Comme Mariani, nombre d'élus français, tous partis confondus, regardent la Russie de Poutine avec les yeux de Chimène. Ils ne s'en vantent guère. Parmi eux, les ex-candidats François Fillon, Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et Nicolas Dupont-Aignan. Jean Lassalle aussi qui, jeune, passait le mur de Berlin en cachette. « J'y suis allé plusieurs fois du temps du Rideau de fer en auto-stop pour passer en Tchécoslovaquie, en Yougoslavie », raconte le député des Pyrénées-Atlantiques. Il a même poussé la chansonnette avec des choristes de l'Armée rouge, « après une sortie en discothèque ». Autant dire qu'il a mal vécu le retour de la France dans l'Otan et la crise des Mistral. « On humilie les Russes. »

    Une délégation de parlementaires s’était rendue en Russie en 2015 et 2016. Une autre est depuis jeudi à Moscou pour observer le scrutin de ce dimanche./DR
    Une délégation de parlementaires s’était rendue en Russie en 2015 et 2016. Une autre est depuis jeudi à Moscou pour observer le scrutin de ce dimanche./DR AFP/ERIC PIERMONT

    L'ex-député LR Nicolas Dhuicq aussi est de tous les voyages à Moscou ou Damas, en Syrie. Souvent invité en Russie pour des conférences, il se défend d'être inféodé : « Je n'ai jamais gagné un kopeck. » L'Élysée l'a dans le viseur depuis qu'il a évoqué sur le site de propagande Sputnik un « riche lobby gay » qui aurait financé le candidat Macron. « Une connerie », enfonce un proche.

    Autre pourfendeur du « Poutine bashing », le député UDI Maurice Leroy a, lui, démarré au PCF. Devenu ministre du Grand Paris, il avait vécu une scène savoureuse à Moscou où Poutine et Fillon, alors Premiers ministres, avaient éclaté de rire. Dans l'avion retour, Fillon l'avait mis au parfum : « J'ai dit à Vladimir : tu vois mon ministre ? Avant, il était communiste ». Et Poutine de reprendre : « Tu sais François, moi aussi avant j'étais communiste ! » Les réseaux Poutine en France ? Leroy achève, hilare : « Je ne sais pas qui les Russes paient, mais ils se démerdent mal ! »