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Bertrand Cantat : une ex-avocate veut relancer l’enquête sur le suicide de l'épouse du chanteur

Alors que Bertrand Cantat effectue sa tournée dans un climat tendu, de nouvelles pièces communiquées au parquet pourraient relancer l’enquête sur le suicide de son ex-femme Krisztina Rády.

Christel de Taddeo, Ludovic Perrin , Mis à jour le
Krisztina Rády et Bertrand Cantat.
Krisztina Rády et Bertrand Cantat. © DR

Pétitions, manifestations, pressions des élus locaux, dates supprimées… La tournée de Bertrand Cantat , qui devait célébrer le grand retour en solo de l'ancien leader de Noir Désir, a viré au fiasco. Lundi, le chanteur, qui a passé quatre années en prison pour avoir tué à coups de poings Marie Trintignant, a annoncé sa décision de se retirer des festivals d'été "pour mettre fin à toutes les polémiques et faire cesser les pressions sur les organisateurs". Cela ne va pas suffire. Le concert prévu à Istres (Bouches-du Rhône) vendredi a été annulé dans la foulée.

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Un nouveau front judiciaire pourrait s'ouvrir

Cris, invectives, crachats, les manifestants reprochent à Cantat d'avoir tué à coups de poing sa compagne, la comédienne Marie Trintignant, en 2003 à Vilnius, en Lituanie. Il a beau crier à la "censure", réclamer "le droit à une seconde chance", les incidents se poursuivent.

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Et un nouveau front judiciaire pourrait s'ouvrir contre le rocker français, aujourd'hui âgé de 54 ans. Condamné à huit ans de prison pour la mort de Marie Trintignant, il a passé plus de quatre ans derrière les barreaux avant de bénéficier d'une libération conditionnelle. Cette fois, c'est une autre affaire qui resurgit, liée au suicide de son épouse Krisztina Rády, en janvier 2010. L'enquête sur les circonstances de la mort de la jeune femme pourrait être relancée, alors que le parquet de Bordeaux a été saisi d'éléments nouveaux.

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Des pièces permettant d'établir les violences exercées par Bertrand Cantat sur Krisztina Rády

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Dans un courrier daté du 18 janvier et que le JDD a pu consulter, l'ancienne avocate et présidente de l'association Femme et Libre Yael Mellul a communiqué des pièces "permettant d'établir les violences exercées par Bertrand Cantat sur Krisztina Rády" dans le prolongement de la plainte qu'elle avait déposée contre X pour "violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner" le 3 avril 2014.

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Membre fondatrice du Printemps républicain, cette militante féministe cherche à démontrer que le suicide de Krisztina Rády procéderait "d'une conséquence directement liée aux violences physiques et psychologiques exercées par Bertrand Cantat". Elle avait obtenu que les circonstances de la mort de l'épouse de Bertrand Cantat soient réexaminées une première fois, en octobre 2013, lorsqu'elle était le conseil de François Saubadu, l'ex-compagnon de Krisztina Rády. Ce qui lui avait permis de saisir, un mois plus tard, le Parlement européen pour que "la question du suicide forcé soit posée".

Dans ce dossier sans parties civiles, Yael Mellul hante la procédure. "Je souhaiterais que le message laissé par Krisztina Rády six mois avant de se pendre soit entendu par la justice pour ce qu'il est : une plainte posthume dans laquelle elle décrit, désespérée, les violences physiques et psychologiques que Bertrand Cantat lui infligeait, violences qui l'ont conduite au suicide", assure-t-elle.

Les parents de Krisztina Rády "très choqués"

À l'appui de ses accusations, elle produit un certain nombre d'échanges de courriels où s'exprime une personne très proche du groupe Noir Désir et de l'épouse de son leader. Celle-ci décrit un Bertrand Cantat "violent", "manipulateur", qu'elle surnomme à l'occasion "le dingo". "Comme je regrette d'avoir effacé les mails de Krisztina où elle me racontait les coups et qu'elle avait peur pour sa vie", dit-elle notamment. Dans la quarantaine de captures d'écran adressée au parquet de Bordeaux, elle dresse le portrait du chanteur en dissimulateur. "Il se contrôle très bien en public. Il fait gaffe à ce qu'il donne à voir. Il est dans la mise en scène permanente. Et donc difficile à combattre."

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Ils le répètent : Bertrand ne peut être tenu pour responsable du suicide de Krisztina

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Elle évoque aussi la lettre d'adieu laissée par son amie, tout en précisant ne pas l'avoir lue directement. Elle aurait eu connaissance de sa substance par des conversations avec des policiers, et un membre de Noir Désir. "Sur cinq pages, elle accuse Cantat sur quatre pages et demie. Et sur une demi-page, elle parle de quatre autres personnes (dont moi) qui l'ont abandonnée ou lui ont fait du mal. J'en ai pleuré des mois. Parce que je me suis dit que si j'étais restée près d'elle, elle ne se serait pas pendue", écrit-elle à son correspondant. Cette lettre n'a toutefois pas été rendue publique.

Le parquet de Bordeaux avait en effet dès le début de l'enquête choisi d'en préserver la confidentialité "par respect pour ses proches et sa famille". Et les parents de Krisztina Rády en livrent une tout autre version, selon leur avocat, Me Tibor-Louis Leh. Ils confirment qu'elle a laissé une lettre d'adieu. Mais elle tiendrait sur la page recto-verso d'un cahier d'écolier. Y figureraient aussi des dessins et une demande de pardon à ses enfants. Le défenseur précise qu'il s'est entretenu au téléphone avec eux. Ils se disent "très choqués". "Ils le répètent : Bertrand ne peut être tenu pour responsable du suicide de Krisztina", ajoute Me Leh.

Les magistrats n'ont pas donné suite 

À ce jour, les magistrats n'ont pas donné suite aux demandes de Yael Mellul, pas plus qu'ils n'ont répondu aux sollicitations du JDD. Considèrent-ils ces nouveaux éléments comme insuffisants? Il est vrai que ces échanges de courriels indiquent à au moins deux reprises que leurs auteurs n'ont pas été les témoins directs de violences exercées par Bertrand Cantat, ni à l'encontre de sa femme ni à celle de son fils. "Je n'ai pas de preuve formelle qu'il le frappe, juste on m'a raconté, alors je ne m'avance pas", est-il ainsi écrit. Ou encore : "On ne l'a pas vu frapper. Ce sont les meufs qui l'ont dit. Et l'une, enfin deux, sont mortes. Et les autres ne parleront pas par trouille."

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Nous, maintenant, on nage dans un tsunami de merde et le ventilateur est à fond

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L'avocat de Bertrand Cantat, Me Antonin Lévy, indique que le parquet n'a procédé à ce jour à "aucune audition ni à aucun acte" et rappelle que le suicide de Krisztina Rády a déjà fait l'objet de deux enquêtes ayant abouti aux mêmes conclusions. "Si l'enquête n'avance pas, c'est bien parce que tout le monde se tait. J'espère que le moment est venu pour tous ceux qui savent de libérer leur conscience", proteste Yael Mellul, qui sollicite l'audition des trois anciens membres de Noir Désir : Denis Barthe, Jean-Paul Roy et Serge Teyssot-Gay.

Le 30 novembre dans Le Point , à la veille de la sortie du nouvel album de Bertrand Cantat, un ex-membre du groupe révélait, sous couvert d'anonymat, qu'ils auraient "tous décidé de mentir" lors du procès du chanteur : "Krisztina m'a vu et elle m'a demandé, à moi et à tous les autres membres du groupe, de cacher ce que l'on savait. Elle ne voulait pas que ses enfants sachent que leur père était un homme violent." Mais démentis immédiatement par les trois musiciens. Propos pourtant tenus par l'un d'entre eux, à en croire la femme d'un des anciens membres du groupe, qui a entretenu une correspondance sur Facebook avec Yael Mellul.

"Elle lui a assuré que ça ne sortirait nulle part. J'ai très peur. Je crois qu'il a été très naïf et trop confiant", écrit-elle à la veille de la parution. Puis, une fois l'enquête publiée : "Nous, maintenant, on nage dans un tsunami de merde et le ventilateur est à fond. On va être obligés de nier, nier, nier." Elle décrit un climat de peur aussi irrationnel que la passion autour du cas Cantat : "Je suis horrifiée, écœurée et surtout terrorisée. On va avoir droit au cauchemar qui recommence. Les fans psychopathes du dingue vont nous poursuivre à nouveau. […] Mais surtout, on va recraindre pour nos vies." Ou encore : "Si Le Point balance, on est dead." Me Lévy dit avoir déposé une plainte contre l'hebdomadaire.

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