A Grigny, des collégiennes de 12 ans se battent contre le sexisme

Des élèves et une enseignante ont placardé dans leur collège des affiches pour combattre les stéréotypes. Elles veulent créer le débat dans l’établissement.

 Grigny (Essonne), le 5 mars 2018. Nour, Fanta, Diahalla, Lalé, Maretou et Merveille  : ces collégiennes vivent, à 12 ans, cette « charge mentale » qui occupe l’esprit de nombreuses femmes.
Grigny (Essonne), le 5 mars 2018. Nour, Fanta, Diahalla, Lalé, Maretou et Merveille : ces collégiennes vivent, à 12 ans, cette « charge mentale » qui occupe l’esprit de nombreuses femmes. LP/ Olivier Corsan

    Elles s'excusent, elles doivent partir. Nour, Maretou, Diahalla et les autres disparaissent de Jean-Vilar comme une volée de moineaux : il faut aller chercher les petits frères et sœurs à 16h30 à la sortie de l'école.

    Ces collégiennes de la cité de la Grande Borne, à Grigny (Essonne), ne connaissent pas le mot. Mais elles vivent dans leur quotidien, à 12 ans, cette « charge mentale » qui occupe l'esprit de nombreuses femmes. Et elles ont envie que ça change. « Mon frère joue à la PlayStation, et moi je fais la vaisselle! » peste l'une. « Il faut tirer les garçons par l'oreille », dit Nour.

    Des chiffres chocs sur la porte des salles de classe

    Quand Camille Honoré, la documentaliste, a proposé de travailler sur l'égalité femmes hommes, ces six collégiennes de 6e et de 5e ont tout de suite adhéré. Pendant les vacances, elles sont revenues au CDI pour creuser le sujet, concevoir des affiches et collecter des chiffres qu'elles ont placardés lundi sur la porte de chaque salle.

    En entrant en maths, en sciences, en histoire-géo, les 557 élèves liront jusqu'à la fin de la semaine que 122 épouses ont été tuées par leurs maris en 2015, ou que les femmes passent en moyenne « 4h38 par jour à s'occuper des enfants et faire le ménage ».

    Lalé connaît le chiffre par cœur. Elle vient de découvrir aussi qu'à poste égal, les femmes gagnent moins que leurs collègues masculins. « On est tous humains, d'où ça vient? Il faut qu'une femme soit présidente, c'est le seul moyen », réfléchit-elle.

    Des insultes courantes dans les couloirs

    En cours, garçons et filles s'assoient spontanément de part et d'autre d'une frontière imaginaire que les enseignants ont bien du mal à brouiller. « On n'a pas les mêmes délires ! » justifie Merveille, 13 ans.

    « Déjà au primaire, les garçons ne veulent pas jouer au foot avec nous même si on aime ça, raconte Lalé. Ils disent qu'on les fait perdre. » Le jour où elle a voulu enfiler un jogging du Barça, on l'a traitée de garçon manqué. Mais elle ne porte jamais de robe non plus, pour s'éviter les inévitables commentaires des garçons comme des copines. Se montrer féminine au collège, c'est la garantie de se faire traiter de « sale pute » ou de « salope ». Des insultes aussi courantes dans les couloirs que « PD » pour les garçons.

    « Je voudrais pouvoir être invisible »

    Comment changer cela ? « Il faudrait qu'elles s'habillent autrement », glisse benoîtement un garçon, rencontré à la sortie des cours. « Mais non, chacun fait ce qu'il veut ! » recadre Lenny, en 3e.

    « Les garçons ne savent pas tout ce qu'on subit », soupire Lalé. « Regardez les faits divers, toujours des filles victimes… Pourquoi ce ne sont pas des femmes qui kidnappent des hommes ? » s'insurge Merveille.

    Nour, elle, fulmine devant le peu d'héroïnes que lui propose la télé. « Deux filles sur dix personnages, ce n'est pas assez », a-t-elle compté dans « la Casa de Papel », qu'elle regarde sur Netflix. Heureusement, il y a Supergirl, la cousine de Superman dont elles sont nombreuses à suivre les aventures, pleines de superpouvoirs. Lequel leur ferait envie ? « Oh, moi, je sais ! s'exclame Maretou. Moi, je voudrais pouvoir être invisible. »