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Bibliothèques pour migrants : des livres pour survivre
Abdou-Aziz et Boubacar, 7 et 10 ans, dans la cave aménagée en bibliothèque de cet hôtel du Samu social du nord de Paris.

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Bibliothèques pour migrants : des livres pour survivre

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A Paris, depuis 2015, des bibliothèques sont mises à la disposition de SDF et de migrants. A l'origine de ce projet, une certitude : la lecture est un levier, une fenêtre, un repos pour des populations en difficulté et ces havres de culture constituent des lieux d'échanges et de rencontres. Un barrage de papier contre la précarité.

Château-Rouge, XVIIIe arrondissement parisien, au cœur du plan grand froid. Dans l'un des 560 hôtels du Samu social de la Ville de Paris qui accueillent des migrants et des personnes en grande précarité, se trouve une cave voûtée et douillette d'une douzaine de mètres carrés, au sol moquetté, dont les murs sont tapissés de livres. Nous découvrons ainsi une « micro-bibliothèque », ouverte de 9 heures à 19 heures, dimanche compris. Au total, 40 lieux du même type ont été créés en deux ans. L'offre ? Littérature jeunesse, romans, bandes dessinées, livres de cuisine, de voyages, régions de France et pays lointains, dictionnaires, Larousse des châteaux, encyclopédie des animaux, chefs-d'œuvre de la littérature… Le choix est large, et les 80 résidents (40 enfants et autant d'adultes), originaires d'Afrique, du Moyen-Orient, de Tchétchénie ou de France, sont libres d'y plonger.

« Nous disposons d'un stock de 600.000 livres, cédés par des éditeurs, des bibliothèques qui renouvellent leurs fonds, ou des particuliers » , glisse Amandine Fourleignie-Duc, directrice de la communication de l'ONG Bibliothèques sans frontières (BSF), pilier de l'opération lancée il y a deux ans et présidée par le chercheur Patrick Weil. « Outre la qualité des ouvrages, nous sommes attentifs à leur état, précise-t-elle. En fonction du profil des personnes hébergées, nous effectuons une sélection de titres que les lecteurs sont libres de conserver. » Nous sommes donc loin du cadre rigide d'une bibliothèque municipale : « Garder les livres que l'on a beaucoup aimés revêt une dimension très symbolique ajoute Enora Hamon, coordinatrice des programmes France de BSF. C'est un signe de richesse désacralisée, car à la portée de tous. » Pour autant, les étagères se dégarnissent-elles rapidement ? « Les enfants comme les adultes ramènent intacts la plupart des exemplaires empruntés », observe Jugurtha, le gérant de l'hôtel, qui note le « respect » qu'inspire le livre en tant qu'objet.

ÉPANOUISSEMENT

Comment réagissent ces personnes, arrivées dans notre pays après avoir surmonté tant d'épreuves, en découvrant la présence d'une bibliothèque dans l'hôtel qui les héberge ? « Beaucoup sont étonnés, relève Jugurtha. Ils ont quitté des régions très pauvres ou ravagées par la guerre, où les bibliothèques sont inexistantes. Mais ils adoptent très vite l'endroit. Les raisons d'y passer du temps sont nombreuses. Certains veulent apprendre le français, et des personnes effectuant un service civique les aident. Les enfants font leurs devoirs, et au moins une maman les surveille, en lisant… »

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne