Le président Vladimir Poutine porte un toast le 28 décembre 2017 à Moscou

Le président Vladimir Poutine porte un toast le 28 décembre 2017 à Moscou

afp.com/Kirill KUDRYAVTSEV

Quelle lecture faites-vous de la dernière séquence géopolitique marquée par le scandale de l'empoisonnement de l'agent double Sergueï Skripal?

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Ce qui m'inquiète le plus, dans le contexte international que nous traversons, c'est que les actions occidentales ne sont pas calculées. En ce sens, la situation qui prévaut actuellement me semble plus grave que la guerre froide.

C'est-à-dire ?

A l'époque, aussi âpre que fût la confrontation des deux blocs, il y avait des règles et ce qu'on a appelé l'équilibre de la terreur. Maintenant, il y a une tendance à croire à ses propres mensonges, loin de tout calcul prévisible des effets d'une stratégie. Concrètement, tout se passe désormais comme si la propagande avait totalement entamé la lucidité des protagonistes. Le contact est coupé entre la Russie et l'Occident. Les Anglais sont manifestement entrés dans une logique d'escalade. Et les sanctions ne produisent pas les effets qu'ils en escomptent. Partant, les pires dérapages sont possibles, et la montée de la tension incontrôlée en Syrie pourrait déclencher une guerre difficilement maîtrisable.

Pourquoi cette montée aux extrêmes de la part des Russes ?

Vous dites "montée aux extrêmes"... Mais attention : c'est la perception occidentale... Je serais, pour ma part, beaucoup plus prudent dans la formulation des choses. Disons que Vladimir Poutine a commencé de construire son destin, à partir du tournant de 2007, sur un double constat : d'abord, le rejet par l'opinion publique russe de la période précédente - celle de la présidence Eltsine, jugée par de nombreux Russes comme la pire période de leur histoire.

Et comme trop marquée par l'influence occidentale...

Absolument, c'est une analyse très répandue en Russie ! Il faut toujours repartir des perceptions, elles sont déterminantes. Ensuite, Poutine a saisi aussi très précocement que l'opinion russe voulait une revanche sur l'Occident ; il n'a fait que "surfer" sur cette aspiration, indissociable de la nostalgie de l'Union soviétique, de son immensité tellurique. Le coup de force sur la Crimée, il y a quatre ans, l'a rendu très populaire. Et l'Occident, avec les sanctions, l'a en fait renforcé. La crise actuelle renforce Poutine. Dans ma vie de diplomate, je n'ai jamais vu la paix si fragilisée.

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