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La France épinglée pour l'importation de bois illégal en provenance d'Amazonie

Une zone d'exploitation illégale de bois tropical dans la forêt amazonienne. RAPHAEL ALVES/AFP

Dans un rapport publié ce mardi, l'ONG Greenpeace révèle qu‘une vingtaine d'entreprises françaises importent massivement du bois tropical, l'Ipé, illégalement coupé en Amazonie. Au-delà d'un système frauduleux généralisé au Brésil, Greenpeace dénonce un manque de contrôle en France et en Europe.

La France épinglée pour l'importation de bois tropical illégal provenant de la forêt d'Amazonie. C'est, entre autres, ce qui ressort d'un rapport publié ce mardi par Greenpeace. Dans ce document d'une trentaine de pages que Le Figaro a pu consulter, l'ONG révèle que, dans plusieurs États brésiliens, un système de permis défaillant associé à une exploitation frauduleuse et non sélective des Ipé - une espèce d'arbres de grande valeur utilisée pour faire des charpentes ou de la menuiserie - participent à la destruction de la principale forêt tropicale du monde.

Pour arriver à ces conclusions, Greenpeace a analysé près de 600 textes d'autorisation d'exploitation forestière publiés par le ministère de l'Environnement de l'État de Pará, au nord-ouest du Brésil, entre 2013 et 2017, dans lesquels l'Ipé a été classé comme «essence exploitable». Le problème, selon l'ONG de défense de l'environnement, réside dans l'existence de «forestiers délinquants» qui n'hésitent pas à pénétrer toujours plus loin dans la forêt amazonienne pour récolter les Ipé. Ces derniers représentent une grande valeur commerciale à l'exportation: jusqu'à 2500 dollars par mètre cube - environ 2000 euros. «Les conséquences de ces crimes environnementaux sont déjà visibles: ouverture de routes illégales, dégradation forestière galopante, destruction de la biodiversité et intensification des violences envers les populations locales», souligne Greenpeace dans son rapport.

Un système frauduleux complexe mais bien rodé

Comment certains responsables brésiliens et des forestiers font-ils pour exporter du bois Ipé illégalement prélevé en Amazonie? Selon le rapport de Greenpeace, l'exploitation illégale de ces arbres est facilitée par les faiblesses du processus d'octroi des licences au niveau de l'État. Il s'agit d'un processus complexe. Pour simplifier, un État fédéré dira qu'il dispose d'une autorisation d'exploitation forestière sur une parcelle. Des agents forestiers sont missionnés sur place pour décréter combien d'arbres sont exploitables sur cette parcelle. «La manne financière que génère l'exportation d'Ipé permet à des sociétés brésiliennes de corrompre une partie des agents forestiers. Ces derniers disent donc qu'il y a, par exemple, vingt arbres exploitables sur une zone, alors qu'il n'y en a, en réalité, que dix», commente Clément Sénéchal, chargé de campagne forêt à Greenpeace France. Pour arriver au nombre de vingt, soit ils inventent des arbres, soit ils comptent ceux qui ne sont pas exploitables, soit ils confondent toutes les espèces.

Résultat: l'État fédéré va annoncer qu'il a vingt crédits sur cette parcelle et va pouvoir aller en dehors de la zone réservée. «Les forestiers délinquants vont se rendre au cœur de la forêt, sur des terrains publics, sur des zones occupées par les autochtones ou dans des réserves naturelles. Une fois le nombre décrété par les autorités atteint, ils vont pouvoir blanchir le tout dans une scierie, où toutes les grumes sont mélangées pour truquer les comptes», poursuit Clément Sénéchal.

« Là on parle de vérifier la légalité des marchandises. C'est quand même le minimum »

Clément Sénéchal, Greenpeace France

Si les entreprises françaises peuvent arguer qu'elles se sont fiées à la documentation officielle fournie par l'entreprise forestière, Greenpeace demande l'application de sanctions. «Selon le Règlement Bois de l'Union européenne adopté il y a cinq ans, la société importatrice doit être capable de remonter jusqu'à l'exploitant», indique Clément Sénéchal. Depuis son entrée en vigueur, aucune sanction n'a réellement été infligée. «Il y a eu une phase de pédagogie, c'est normal, mais là on parle de vérifier la légalité des marchandises. C'est quand même le minimum».

Greenpeace recommande donc aux sociétés occidentales de procéder à des enquêtes sur le terrain, notamment en Amazonie, en raison de la corruption qui accompagne le phénomène de déforestation. Côté brésilien, l'ONG réclame une centralisation des données pour créer de la traçabilité. «Aujourd'hui, il y a un trafic systématique et entretenu par les pouvoirs en place. C'est difficile d'agir, mais, pour l'avenir de l'Amazonie, il faut que cela cesse», conclue Clément Sénéchal.

L'inefficacité des contrôles en France

Parmi les importateurs d'Ipé récolté dans les zones forestières concernées par les permis frauduleux recensés dans l'enquête, la France se classerait en deuxième position, derrière les États-Unis. Entre mars 2016 et septembre 2017, 3002 mètres cubes de bois Ipé ont été importés par une vingtaine d'entreprises françaises dans le seul État de Pará, selon le rapport. «Ce rapport démontre que des entreprises françaises continuent de détruire la forêt amazonienne, en important du bois tropical illégal en France», s'alarme Greenpeace.

Sous l'impulsion du ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, Paris entend mettre sur pied, d'ici à quelques mois, une stratégie nationale pour mettre fin à la «déforestation importée». Cette volonté figure également dans l'axe 15 du Plan climat adopté par le gouvernement en juillet dernier. Une consultation publique doit, par ailleurs, commencer prochainement dans l'objectif d'en finir avec les importations qui sacrifient les forêts tropicales.

Mais l'importation massive d'Ipé venue illégalement d'Amazonie se poursuit. Dans son rapport, Greenpeace dénonce ainsi le «laxisme» de l'exécutif français et le manque de contrôle malgré l'existence de la législation européenne «Règlement Bois». «L'État français doit cesser d'être une passoire pour l'importation de bois illégal», s'insurge Clément Sénéchal.

La France épinglée pour l'importation de bois illégal en provenance d'Amazonie

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45 commentaires
  • B51

    le

    Les mêmes qui vous vendent des maisons en bois en vous disant qu'elles sont écologiques, avec des arguments comme développement durable, éco responsable et tout le baratin habituel pour vous faire consommer l'esprit tranquille sachant que vous allez sauver la planète. A mourir de rire ! On voit bien que tout ce matraquage écologique n'est que du flan pour faire de l'argent.

  • Gamelion

    le

    C est au Brésil qu' il y a du ménage que bolsonaro s est engagé a faire : presque 2000 scieries clandestines souvent appuyées par des politiciens locaux verreux. Et aussi les français doivent assumer leur part et doivent savoir que tout ce qui est bois exotique de leurs fenêtres est peut être une amputation de l Amazonie, que le bois soit légal ou pas.

  • Gamelion

    le

    C est au Brésil qu' il y a du ménage que bolsonaro s est engagé a faire : presque 2000 scieries clandestines souvent appuyées par des politiciens locaux verreux. Et aussi les français doivent assumer leur part et doivent savoir que tout ce qui est bois exotique de leurs fenêtres est peut être une amputation de l Amazonie, que le bois soit légal ou pas.

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