Publicité

GAFA: le projet européen de taxation des géants du web divise

Pierre Moscovici a pointé un «trou noir» fiscal «qui s'agrandit toujours plus». EMMANUEL DUNAND/AFP

L'exécutif européen propose de taxer à 3% les revenus générés par l'exploitation des activités numériques. Les États-Unis ont déjà prévenu, ils s'opposeront fermement aux manœuvres initiées, quels que soient les pays dont elles émanent.

L'UE passe à l'offensive. Ce mercredi, la Commission européenne a dévoilé son projet pour mieux taxer les titans du numérique, communément désignés sous l'appellation GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). Sur fond de menace de guerre de l'acier entre les États-Unis et l'Europe, le projet européen préconise notamment de taxer le chiffre d'affaires des géants du net, dont les quatre principaux représentants sont américains. «Nos règles mises en place avant l'existence d'internet ne permettent pas (...) d'imposer les entreprises numériques opérant en Europe», a martelé le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, pointant un «trou noir» fiscal «qui s'agrandit toujours plus», lors d'une conférence de presse mercredi à Bruxelles. La taxation des GAFA est un dossier ardemment défendu par le président français Emmanuel Macron.

Considéré comme prioritaire, le projet de la Commission européenne est au menu, jeudi soir, du sommet européen des chefs d'État et de gouvernement de l'UE à Bruxelles. Dans un premier temps, l'exécutif européen préconise de taxer à 3% les revenus (et non les bénéfices, comme le veut l'usage) générés par l'exploitation d'activités numériques. Cette taxe ne visera que les groupes dont le chiffre d'affaires annuel mondial dépasse 750 millions d'euros, et dont les revenus dans l'UE excèdent 50 millions d'euros. En clair, les petites start-up européennes, qui peinent déjà à rivaliser avec les mastodontes américains, ne seront pas concernées par cet impôt indirect.

Dans le collimateur de la Commission, les recettes publicitaires des groupes tirées des données de leurs utilisateurs (le modèle de Facebook, Google ou Twitter), ou les revenus provenant de la mise en relation d'internautes pour un service donné (comme pour Airbnb ou Uber). En revanche, les entreprises dont le «business model» repose sur les abonnements, comme Netflix, ne seront pas touchées, ni celles qui gagnent de l'argent grâce au commerce électronique, du type Amazon. Au total, entre 120 et 150 entreprises devraient être affectées par ce nouvel impôt: la moitié seront américaines, un bon tiers européennes et les autres, asiatiques, essentiellement chinoises, précise-t-on à la Commission. Cette taxe pourrait rapporter environ 5 milliards d'euros par an.

Pas une mesure antiaméricaine

«Il ne s'agit pas de taxer uniquement les GAFA ou les entreprises américaines», avait assuré Pierre Moscovici dans un entretien au Figaro mardi. Il n'empêche, avant même que Bruxelles ne dévoile ses projets, le secrétaire au Trésor américain, Steven Mnuchin, avait lancé vendredi cette mise en garde: «Les États-Unis s'opposent fermement aux propositions de quelque pays que ce soit de cibler les compagnies numériques» par une taxation spéciale. Outre cette mesure «ciblée», Pierre Moscovici a proposé une réforme de fond des règles relatives à l'imposition des sociétés, qui prendrait le relais de la première proposition de «court terme».

Celle-ci permettrait aux pays de l'UE de taxer les bénéfices qui sont réalisés sur leur territoire, même si une entreprise n'y est pas présente physiquement. Il s'agit d'établir un standard européen définissant la présence numérique des sociétés, pour mieux les imposer. Et ce à l'aide de trois critères: revenus, nombre d'utilisateurs et contrats (publicitaires par exemple) signés avec une autre entreprise.

Pour la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne et le Royaume-Uni (les cinq membres du G20 appartenant à l'UE), les choses ne vont pas assez vite au niveau international. Ils poussent donc pour une solution d'abord européenne, afin de donner l'exemple au reste du monde. Reste à savoir si ces grands pays de l'UE parviendront à convaincre les plus petits États tels que l'Irlande, les Pays-Bas ou le Luxembourg, connus pour leur fiscalité bénéfique vis-à-vis des entreprises étrangères. Car dans l'Union, toute réforme sur la fiscalité requiert l'unanimité.

L'Irlande, qui a réussi à attirer le siège européen de Facebook avec ses taux d'imposition avantageux, ou le Luxembourg, pays d'accueil d'Amazon, plaident quant à eux pour privilégier une solution internationale, coordonnée par l'OCDE... De quoi gagner du temps.

GAFA: le projet européen de taxation des géants du web divise

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
43 commentaires
  • jason421

    le

    Je pars du principe que du moment que c'est Moscovici c'est nul.

  • jason421

    le

    J'espère qu'ils vont réussir à faire capoter ce projet qui n'a pu naître que dans la tête de nos petits énarques français.
    Heureusement l'énarchie ne sévit pas partout.

  • biton2

    le

    "La taxation des GAFA": mauvaise nouvelle pour les consommateurs. La gestion bureaucratique de l'économie française (et Moscovici en est un membre des plus émérites) devrait nous inciter à modérer notre enthousiasme. D'abord, comprenons qu'aucune taxe, aucun impôt n'est au final payé par l'entreprise. Si facialement elle paie effectivement ces prélèvements, d'une façon ou d'une autre elle est obligée de retranscrire les sommes versées dans le coût de ses produits, c'est donc le consommateur qui à la fin paie ces prélèvements (une explication du manque de compétitivité des produits français chargés de prélèvements champions du monde!)
    Donc dans le cas des Gafa's ils doivent payer des prélèvements au niveau de leurs concurrents nationaux et pas parce qu'ils sont "gafa"

À lire aussi