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Attaques dans l’Aude : Radouane Lakdim, un terroriste suivi par la DGSI

Fiché pour radicalisation, il faisait partie du « haut du spectre ». Mais aucun signe ne laissait envisager un « passage à l’acte », selon le procureur de la République de Paris

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Publié le 23 mars 2018 à 22h18, modifié le 24 mars 2018 à 13h06

Temps de Lecture 3 min.

Les forces de l’ordre déployées devant le domicile de Radouane Ladkim, à la cité d’Ozanam, le 23 mars en fin de journée.

Radouane Lakdim, l’auteur de l’attaque terroriste qui a fait quatre morts à Trèbes et Carcassonne, vendredi 23 mars dans l’Aude, était un petit délinquant de 25 ans vivant dans une cité de Carcassonne, né au Maroc et naturalisé français à l’âge de 12 ans. Condamné pour des délits de droit commun – port d’arme prohibé en 2011 et usage de stupéfiants et refus d’obtempérer en 2016 – il avait aussi été signalé pour sa radicalisation, en raison notamment de son activité sur des forums salafistes.

A ce titre, il était inscrit au Fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) et avait fait l’objet d’un suivi par les services de renseignement en 2016 et 2017. « Nous l’avions suivi et nous pensions qu’il n’y avait pas de radicalisation », a déclaré vendredi le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, évoquant « un solitaire » qui serait « passé à l’acte brusquement ». Lors d’un point presse, le procureur de Paris, François Molins, a nuancé ce constat, expliquant que son « suivi » pour radicalisation « n’avait mis en évidence aucun signe précurseur laissant présager un passage à l’acte ».

La complexité de la tâche des services antiterroristes tient tout entière dans ces subtiles variations : à partir de quel degré de « radicalisation » un individu peut-il être considéré comme dangereux ? Près de 20 000 personnes sont aujourd’hui inscrites, comme Radouane Lakdim, au FSPRT. Sur ce total, 11 000, les plus sensibles, sont « prises en compte » par les services. Aucun Etat démocratique n’étant en mesure d’assurer la surveillance de plusieurs milliers de citoyens, l’analyse de leur dangerosité constitue dès lors une étape cruciale pour prévenir les passages à l’acte.

Un objectif potentiellement dangereux

Or, selon les informations du Monde, Radouane Lakdim faisait justement partie des objectifs du FSPRT « pris en compte » par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Il correspondait donc au « haut du spectre », qui regroupe les individus potentiellement dangereux, les profils moins lourds étant suivis par le renseignement territorial. Le premier diagnostic sur sa dangerosité a donc été le bon. C’est durant son suivi que cet objectif semble avoir floué les services.

Radouane Lakdim est-il passé à l’acte sur un coup de tête, comme le laisse entendre le ministre de l’intérieur ? Etait-il passé maître dans l’art de la taqiya, la dissimulation de sa foi pour duper l’adversaire ? « Il y a encore une incompréhension des profils mixtes, analyse une source proche des services de renseignement. On semble continuer à penser qu’un petit dealeur ne peut pas être un dangereux djihadiste. »

La caserne des CRS de Carcassonne est située face à la cité de Ozanam (à droite sur l’image)où le terroriste Rédouane Lakedim était domicillié.

D’après nos informations, Radouane Lakdim intéressait notamment le renseignement du fait de sa relation avec un délinquant plus chevronné, un certain Malik M. Originaire du même quartier, Malik M. était connu pour être « un des délinquants les plus actifs du secteur », d’après une fiche de renseignement de 2015 dont Le Monde a pris connaissance. Le renseignement territorial soupçonne alors ce jeune homme – condamné pour trafic de stupéfiants et violences envers des agents de la force publique – de participer à du trafic d’armes.

Lors d’une perquisition de son domicile à l’été 2015, son téléphone est fouillé et des échanges de SMS sont exhumés, qui évoquent des commandes de « cala » et de munitions de calibre « 7,62 » mm et « 5,56 » mm. Le renseignement territorial souligne surtout que Malik M. a été contrôlé à deux reprises, en 2014 et en 2015, en compagnie de Radouane Lakdim, déjà connu pour être « en relation avec la mouvance islamiste radicale ». Cette association hybride entre un trafiquant d’armes et un islamiste intrigue les services. A compter de 2016, Radouane Lakdim est suivi par la DGSI. Sans succès.

Son profil illustre la mutation d’une menace terroriste endogène, imbriquée dans les milieux délinquants et sans lien avéré avec la chaîne de commandement de l’organisation Etat islamique (EI). Parmi les auteurs des seize projets d’attentat conçus en France depuis juillet 2017, aucun n’avait ainsi mis les pieds en Syrie. Et aucun des deux derniers terroristes à être passés à l’acte – une attaque à la voiture bélier le 9 août contre des militaires à Levallois-Perret, et l’assassinat de deux femmes à Marseille, le 1er octobre – n’était connu des services de renseignement pour ses liens avec la mouvance djihadiste.

L’attaque de vendredi a rapidement été revendiquée par l’organe de presse semi-officiel de l’EI, AMAQ. Le texte, publié en arabe, en français et en anglais pour une publicité optimale, évoque un « soldat de l’Etat islamique » ayant répondu « à l’appel de l’Etat islamique à frapper les pays de la coalition ». Cette formulation désigne généralement les attentats inspirés par la propagande, et non pilotés depuis la Syrie. Un élément de langage qui confirme un des succès de l’organisation : si l’EI a perdu son projet territorial, il a conquis les esprits et n’a plus besoin de passer ses ordres pour susciter des vocations.

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