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Au Québec, la fronde des médecins contre la hausse de leur salaire

Certains médecins en appellent à la solidarité notamment envers leurs collègues infirmières et infirmiers, dont les conditions de travail se dégradent

Une manifestation de médecins québécois est prévue à Montréal pour réclamer l’annulation de la hausse de leur rémunération. — © KEYSTONE/mauritius images/JOSE FUSTE RAGA
Une manifestation de médecins québécois est prévue à Montréal pour réclamer l’annulation de la hausse de leur rémunération. — © KEYSTONE/mauritius images/JOSE FUSTE RAGA

Difficile d’imaginer pareille situation ailleurs qu’au Canada. Ce samedi 24 mars, une manifestation de médecins québécois est prévue à Montréal pour réclamer l’annulation de la hausse de leur rémunération. Ce rassemblement fait suite à une pétition signée par plus de 900 médecins et étudiants en médecine depuis le 25 février dernier. Dans une lettre ouverte, ils demandent que ces sommes soient plutôt distribuées «pour le bien des travailleuses et travailleurs de la santé et pour assurer des services de santé dignes à la population du Québec».

Cette requête, pour le moins paradoxale, fait suite à l’accord de principe conclu, quelques jours auparavant, entre le gouvernement provincial et la Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ). Un accord qui prévoit une hausse de la rémunération des médecins spécialistes de 11,2% sur huit ans (soit 373 millions de francs), en plus du versement de 1,5 milliard de dollars canadiens (1,1 milliard de francs) dédiés à apurer une dette accumulée depuis 2012. Pour certains médecins, en désaccord avec les revendications de leur fédération, la pilule a du mal à passer. «Il y a un malaise palpable», confie sur Radio Canada le Dr Hugo Viens, président de l’Association médicale du Québec.

Ces futures augmentations s’inscrivent dans une longue période de progression: selon une étude indépendante, les dépenses publiques consacrées à la rémunération des médecins dans la Belle Province ont doublé en dix ans. Alors que, dans le même temps, le nombre moyen de jours travaillés reculait et que celui des visites de patients par médecin diminuait de plus de 10%.

Un simple rattrapage à l’origine

A l’époque, l’objectif affiché de ces revalorisations auprès des médecins québécois était de s’aligner progressivement sur les salaires de leurs confrères du reste du Canada. Sauf que le plan s’est avéré plus optimiste que prévu et qu’aujourd’hui, selon l’Institut canadien d’information sur la santé, les médecins québécois font partie des mieux payés du pays. Ironie de l’histoire: le président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec qui avait mené ces négociations, en 2007, est devenu depuis le ministre de la Santé. Il a reconnu que cet accord avait été conclu sur la base de prévisions erronées. Tout en admettant qu’il était lié à ce contrat et donc qu’il ne pouvait pas revenir sur ces hausses négociées à l’époque.

«Nous nous dirigeons vers une crise sociale et politique», s’est inquiété Simon-Pierre Landry, président d’une association de médecins généralistes regroupant plus de 600 membres, à l’occasion d’une conférence de presse fin février. Pour le praticien, ces augmentations offertes aux médecins ne passent pas dans la population et le gouvernement comme les fédérations médicales doivent revenir sur leurs ententes conclues. Selon les fédérations en question, ces points de vue restent minoritaires dans la profession.

«On se sent mal à l’aise»

Toujours est-il que l’annonce de ces revalorisations intervient dans la foulée de nombreuses dénonciations publiques et manifestations d’infirmières, qui déplorent leurs conditions de travail de plus en plus difficiles. «On se sent mal à l’aise d’avoir une augmentation salariale alors qu’il y a des coupes dans le réseau de la santé depuis dix ans», explique, dans le quotidien Le Soleil, Estelle Ouellet, la secrétaire de l’organisation à l’origine de la pétition de médecins. «Il y a toujours de l’argent pour les docteurs, mais qu’en est-il pour celles et ceux qui s’occupent des patients?» se demande Nancy Bédard, présidente de la Fédération interprofessionnelle de la santé du Québec.