Les méthodes qui ont fait le succès d’Emmanuel Macron à la présidentielle peuvent-elles fonctionner aux élections européennes ? La République en Marche s’apprête à le découvrir en lançant ce week-end dans plusieurs villes de France sa "grande marche pour l’Europe". Une action directement inspirée de la vaste campagne de porte à porte menée par les sympathisants macronistes au mois d’avril 2016 pour accompagner la conquête du pouvoir de leur candidat. Comme il y a deux ans, les marcheurs soumettront une liste de questions ouvertes à leurs interlocuteurs : que vous évoque l’Europe ? Quels sont ses aspects positifs ? Négatifs ? "Nous sommes avant tout là pour écouter, pas pour convaincre les gens que nous rencontrons", précise-t-on au siège d’En Marche, rue Sainte-Anne. La formation ambitionne de frapper à 100.000 portes et, grâce aux remontées de cette consultation, identifier plusieurs axes de campagne en vue du scrutin organisé en mai 2019.
Risque de distortion
Pour mieux cerner leurs électeurs, et ne pas rester cantonné à la France des villes plus favorable à Emmanuel Macron, la formation politique a fait appel à une société spécialisée dans la cartographie. "L’objectif est de s’approcher de la manière la plus fine possible de la société française", précise l’éphémère porte-parole de LREM Rayan Nezzar, qui participe aujourd’hui à la grande marche européenne dans le 19e arrondissement de Paris. Une attention particulière a été portée aux territoires les plus reculés et les moins enclins à voter aux élections européennes. "Comprendre pourquoi certaines personnes se disent europhobes, pourquoi ils ne se sentent pas liés à la construction européenne, ce sera l’un des enjeux principaux de cette grande marche", indique l’ancienne membre de la direction collégiale d’En marche Bariza Khiari.
Mais entre des marcheurs "européens convaincus" et des Français toujours plus partagés sur la construction européenne, l’échange risque de virer rapidement au dialogue de sourds. Les remontées seront-elles aussi objectives que lors de la présidentielle ? "On ne peut pas faire autrement que de recueillir les doléances des gens. Si l’on se rend compte que l’europhobie est liée à la question migratoire, on en fera un thème de campagne. Si à l’inverse, c’est la taxation des grands groupes qui échappent à l’impôt par l’optimisation fiscale, on se concentrera plutôt sur ce sujet", explique Bariza Khiari.
Plus qu'un test de popularité
Pour Emmanuel Macron, comme pour son tout jeune mouvement La République en Marche – qui a fêté ses deux ans d’existence le 6 avril dernier – les élections européennes constitueront bien plus qu’un simple test de popularité. "C’est un scrutin qui est inscrit dans l’ADN de notre mouvement", évoque Rayan Nezzar. "C’est pourquoi nous le préparons autant en amont. Je ne suis pas sûr qu’en 2014, les socialistes s’étaient autant mobilisés". Une attitude à double tranchant : en faisant de l’élection de 2019 le rendez-vous incontournable du début de la présidence Macron, le mouvement ne risque-t-il pas de piéger l’exécutif ?
Signe que l’enjeu est pris au sérieux, LREM a battu le rappel. Près de 200 parlementaires de la majorité participeront à la grande marche européenne dans leurs circonscriptions respectives. Une dizaine de ministres les accompagneront : Christophe Castaner en Moselle, Mounir Majhoubi dans l’est parisien, Bruno Le Maire dans Hauts-de-Seine, Olivier Dussopt dans la Drôme, Nathalie Loiseau dans l’Essonne, Brune Poirson dans le Vaucluse… La République en Marche a également mobilisé à l’étranger : à Berlin, les marcheurs seront accompagnés par l’ancien député européen récemment converti au macronisme Daniel Cohn-Bendit, en Italie par le secrétaire d’Etat italien aux affaires européennes Sandro Gozi. D’autres rassemblement sont prévus à Ottawa, Bruxelles…
Quel groupe pour En Marche au Parlement européen
En plus des consultations citoyennes obtenues par Emmanuel Macron dans l’ensemble des pays européens sauf la Hongrie, LREM réfléchit au panachage des listes présentées. "Une liste française pourrait accueillir la candidature d’une personnalité d’un autre pays européen", explique la direction du parti. Une possibilité offerte par les institutions européennes. "Bien sûr cela supposerait que des candidats français puissent se présenter sur les listes de nos partenaires européens", précise-t-on au QG du parti présidentiel.
Une question n’est en revanche toujours pas tranchée : celle du groupe que rejoindra La République en Marche au Parlement européen. Rejoindra-t-elle comme ses alliés du Modem l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) ? Ou le Parti Populaire Européen, la droite, privilégié par les "Constructifs" ? A moins que les positions du Parti socialiste Européen (PSE), en faveur d’une Europe sociale, ne soient plus proches d’Emmanuel Macron, qui a arraché un accord sur les travailleurs détachés au mois d’octobre.
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