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Société

Tariq Ramadan, le témoignage qui invalide son alibi lyonnais

Un témoignage, que révèle le JDD, démontre le mensonge du théologien Tariq Ramadan sur la date de son arrivée à Lyon, rendant donc possible le scénario du viol décrit par l’une des plaignantes.

Stéphane Joahny , Mis à jour le
Le théologien Tariq Ramadan n'aurait pas volé sur un vol British Airways le 9 octobre 2009.
Le théologien Tariq Ramadan n'aurait pas volé sur un vol British Airways le 9 octobre 2009. © Reuters

"Nous sommes bien allés le chercher au terminal 1 à 11h15…" L'audition se déroule le 8 mars à l'hôtel de police de Lyon. Face aux policiers parisiens de la 2e DPJ, un homme de 38 ans, consultant en en informatique et actuel président de l'Union des jeunes musulmans (UJM). En octobre 2009, Yassine Djemal n'était encore que responsable des séminaires au sein de l'association UJM. Aujourd'hui, un témoin clé…

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Un mensonge sur l'emploi du temps

A quelle heure Tariq Ramadan , invité vedette de la conférence organisée par l’UJM et programmée dans la soirée du 9 octobre 2009 à Lyon, est-il arrivé dans la capitale des Gaules? Courant décembre 2017, la défense du prédicateur avait produit une réservation de billet d’avion indiquant qu’il avait atterri en provenance de Londres à 18h35 ce jour-là, réduisant à néant le témoignage de Christelle, la deuxième plaignante, qui soutenait avoir subi les assauts violents et humiliants de Tariq Ramadan dans une chambre de l’hôtel Hilton "dans l’après-midi". Un document, qui plus est, que le parquet avait omis de transmettre aux enquêteurs et qui n'a été intégré à la procédure que le 1er février, la veille de la mise en examen et du placement en détention provisoire de l'islamologue suisse. Sur procès-verbal, ce dernier, niant toute relation sexuelle avec la jeune femme handicapée comme avec les autres plaignantes, avait maintenu être arrivé tardivement à Lyon.

Les vérifications ont, depuis, été effectuées. Elles contredisent la version de Ramadan, ce qu'avait déjà évoqué Libération. Mais un témoignage, celui de Yassine Djemal, que le JDD dévoile, lève quelques doutes. Son récit évoque de nombreux échanges de courriers électroniques avec le bureau de Tariq Ramadan dans les mois précédant la conférence dont un confirme une arrivée prévue le 9 octobre à 18h35. Mais, raconte Yassine Djemal "le 1er octobre, j’ai un autre mail du bureau qui me dit que Tariq arrivera finalement à 11h15 au terminal 1 de l’aéroport".

Questionné par les policiers sur le déroulement de cette journée du 9 octobre, le témoin confirme : "Moi-même et un collègue, Monsieur Morsli Jamel, avons récupéré Monsieur Ramadan vers 11h35–40 à l’intérieur de l’aéroport, dans le hall. Il avait une valise type cabine, à roulettes. Nous sommes rentrés sur Lyon et nous l’avons déposé à son hôtel. Nous avons dû arriver aux alentours de 12h15 à l’hôtel. Il s’agissait de l’hôtel Hilton." Tariq Ramadan aurait donc menti sur son emploi du temps…

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Le nouvel avocat de Tariq Ramadan aurait dû réfléchir à deux fois avant d'aller à la télévision la semaine dernière pour tenir des propos aussi faux qu'injurieux

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Yassine Djemal n'a "rien noté de particulier" quand Tariq Ramadan – qu'il qualifie d'"intellectuel brillant" rencontré "au maximum 20 fois" – est arrivé à la conférence. Selon lui, c'est "monsieur Éric Benoit, le président de l'UJM de l'époque" qui est allé le chercher à l'hôtel. "À quelle heure, comment il l'a récupéré, je ne sais pas. De mémoire, il est arrivé à l'heure, voire en avance. J'ai une photographie qui atteste que monsieur Ramadan était présent à 20h48…"

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Sollicitée par la PJ, la compagnie British Airways a par ailleurs indiqué que Tariq Ramadan "n'était pas présent sur un de [ses] vols en date 9 octobre 2009". Et même si la base de données de la compagnie espagnole Iberia "ne permet pas de remonter jusqu'en 2009", les enquêteurs semblent donner crédit à la version avancée par le site Muslim Post et Libération, qui indiquaient le 23 février que l'universitaire helvétique avait transité par l'Espagne le 8 octobre, où il a donné une conférence à Jerez de la Frontera, pour se rendre à Lyon le 9 octobre.

"Qui ment?", réagit Éric ­Morain, l'avocat de "Christelle". "Le nouvel avocat de Tariq Ramadan aurait dû réfléchir à deux fois avant d'aller à la télévision la semaine dernière pour tenir des propos aussi faux qu'injurieux et affirmer que les victimes sont des menteuses. Qui ment ici après l'effondrement pitoyable de ce prétendu alibi?"

Une réservation "au nom d'Ali Haydar"

En désaccord avec le comité de soutien de l'islamologue, Mes Bouzrou et Garnier se sont en effet retirés du dossier lundi, laissant Me Emmanuel Marsigny seul aux commandes de la défense de Tariq Ramadan. Sollicité samedi par le JDD, l'avocat n'a pas donné suite.

Jennifer Reghioui, qui a été son assistante de 2011 à 2016, n'a, elle, que des choses positives à dire sur Tariq Ramadan. Avec elle, il s'est toujours comporté "de façon bienveillante, attentionnée et généreuse". Auditionnée le 19 février, cette femme de 44 ans gérait notamment ses déplacements. À la question "À quel nom réserviez-vous les chambres d'hôtel?", l'ex-assistante répond que "pendant un moment pour la gare de l'Est, qui était l'endroit où il descendait lorsqu'il venait à Paris, on réservait au nom d'Ali Haydar…"

Deux des trois accusatrices de Tariq Ramadan, Henda Ayari, la première plaignante et "Marie", la troisième qui a été entendue cette semaine par la police – toutes deux défendues par Me Francis Szpiner –, affirment justement avoir été violées dans un Holiday Inn près de la gare de l'Est.

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